Verdi: La Traviata
En direct d’Aix en Provence
Elle l’a chanté à Sante Fe puis à Tokyo, dans la mise en scène de Laurent Pelly: Natalie Dessay est Violetta Valéry, l’héroïne de Dumas fils, icône d’un Second Empire décadent mais si humain. La pêcheresse doit se sacrifier pour obtenir le salut: d’une vie de débauchée, La Traviata (la dévoyée) trouve, ultime issue miraculeuse et sortie inespérée, le pur amour dont la candeur et l’innocence la sauve; mais elle doit renoncer. La société impériale à l’époque de Napoléon III ne permet aucune licence ni relâchement des moeurs. Toute courtisane doit payer au nom de l’ordre bourgeois et de la morale officielle. Verdi se passionne évidemment pour le chef d’oeuvre romanesque: il en fait un opéra qui saisit par ses raccourcis et son sens dramatique. Au I, Violeta même atteinte, usée et malade malgré son jeune âge, exprime une volonté de vivre touchante; au II, elle doit renoncer, se sacrifier sous la pression du père Germont, puis subir l’humiliation de son jeune aimé Rodolphe qui se croît trahi… au III, l’âme chancelante et déjà solitaire, comme préparée à la mort, attend la dernière étreinte pour expirer.
Traviata aixoise pour Dessay
On ne présente plus Natalie Dessay: la quadra fabuleuse a souvent dit sa volonté d’arrêter, en particulier après ses deux opérations aux cordes vocales, en 2002 (quand elle chante Lucia di Lammermoor, puis en 2004 après sa Manon de Massenet). Après Mélisande à Vienne, sa première Traviata à Sante Fe, la reprise de La Sonnambula au Met en 2009, revoici l’interprète aujourd’hui de plus en plus secrète, véritable bête de scène, et qui rêve demain de chanter (dernier défi scénique?) les trois rôles féminins dans Les Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach (il est vrai qu’elle demeure pour beaucoup une Olympia légendaire!)…
La Dessay, diva française, qui lors de sa dernière prise de rôle à l’Opéra Bastille a montré quelques faiblesses (Cleopatra de Haendel en 2011), relève ici un défi vocal et théâtral de taille. A Aix, c’est Jean-François Sivadier qui assure la mise en scène… Au terme de 6 semaines de travail et de répétitions, la soprano dévoilera au public français, sa vision de la courtisane le plus applaudie de la scène lyrique. Dans La Traviata, il faut une tenue vocale permanente, en particulier sur le plan dramatique. Le vrai défi reste le fameux air (brindisi puis è strano) au I: où les vocalises en cascades disent cette soif de vivre qui embrase la courtisane encore triomphante; puis, le duo avec Germont le père nécessite un nouvel appui dans le medium: c’est là que la soprano coloratoure si légère doit se dépasser pour convaincre. Production très attendue, donc direct événement.