Né à Toulouse en 1978, Sébastien Llinares n’est
pas seulement un guitariste subtil et suggestif; il a l’audace du
transcripteur. Il « ose » exprimer à la guitare seule, plusieurs pièces
minutieusement sélectionnées: Los dos Miedos – Cantares – Nunca Olvida, extraites du cycle de mélodies « Poema en Forma de Canciones », conçu originellement pour voix et piano, et La Aldea Duerme extraite du cycle « miniaturas » pour piano.
Le
choix des trois mélodies est porté par des affinités évidentes dont
l’intériorité préservée et ce caractère de tendresse nostalgique se
dévoilent et se libèrent dans le jeu de transcription. Plus relectures
qu’exercices scrupuleux, les transcriptions convainquent absolument : le
guitariste élève à Paris de Rafael Andia n’hésitant pas à renouveler
les effets techniques, empruntant au flamenco, réalisant et réussissant
les ajouts de percussions, atteint naturel, flexibilité, écoute secrète
du texte musical… Il en découle une claire et intelligente exploration
des possibilités de la guitare, en particulier dans chacune des
mélodies transposées pour l’instrument seul. Les flamboyantes harmonies
comme la ligne mélodique qui découle directement de la ligne vocale y
restent parfaitement distinctes, d’un dessin idéalement intelligible; ce
avec d’autant plus de mérite que les ressources polyphoniques de la
guitare sont in fine limitées.
« C’est un art de l’illusion,
trouver des procédés d’écriture qui respectent le texte et font sonner
l’instrument, c’est passionnant. En utilisant les techniques espagnoles
de rasgueado et de percussions, j’ai essayé d’orchestrer tout cela.
Pour
La Aldea duerme, ce qui m’a intéressé, c’est l’aspect moderniste de la
pièce, qui se révèle être une sorte de condensé minimaliste de l’univers
paysagiste de Turina. Elle pouvait se jouer très naturellement à la
guitare », précise Sébastien Llinares.
Outre son éloquence expressive, Sébastien Llinares
éclaire surtout les sources diverses auxquelles s’abreuve l’écriture
d’un Turina synthétique et éclectique: origines andalouse et conscience
religieuse aiguisée, perméabilité savoureuse à l’esthétique française
impressionniste ; à Paris, Turina côtoie Ravel, Debussy, Falla,
Albeniz… » complète le jeune guitariste Toulousain. Mais de
l’exubérance méditerranéenne, Turina se montre tout aurant redevable de
la claire architecture, de la rigueur d’écriture issue de ses études à
la Schola Cantorum, en particulier comme élève de Vincent d’Indy.
« Ses
pièces pour guitare (la Sonate mise à part) sont des pièces où il
revisite les formes caractéristiques traditionnelles espagnoles. Avec la
sonate, il arrive à un sommet d’équilibre entre une sorte de flamenco
fantasmé et une musique véritablement raffinée et impressionniste. Les
transcriptions éclairent je pense ce dernier aspect de la personnalité
musicale de Turina. C’est étonnant car ces mélodies sont des pièces de
jeunesse », ajoute Sébastien Llinares.
On décèle dans cette
digitalité, raffinée et volubile, fluide et mordante, habile alliance du
flamenco et d’un style plus classique, l’héritage du maître Andia,
spécialiste de ce type d’approche mixte. « Il m’a donné accès aux manuscrits du fonds Turina, et j’ai retrouvé une liberté interprétative grâce à cela ». Pour
un premier album, Sébastien Llinares en se dédiant avec finesse aux
atmosphères andalouses et françaises d’un Turina pluriel, démontre son
immense sensibilité d’interprète. Album révélation.
Joaquin Turina: l’oeuvre pour guitare. Sébastien Llinares, guitare et transcriptions. 1 cd Paraty 3 760213 650023. 48 mn. Enregistré en avril 2011.
