Rienzi au Capitole enflamme le public toulousain !
Et pour cause… Halevy, Meyerbeer, et autre Spontini paraissent à côté de gentils amateurs. Oui il est très irritant ce jeune Wagner qui fait ici un opéra italien, enchâssé dans un grand opéra à la française. La première manière verdienne n’est pas loin, Donizetti semble avoir gagné de l’épaisseur, Bellini de la force de vie, les français de l’intelligence musicale et même l’opéra allemand de Weber est convoqué avec des scènes d’extérieur encore plus vastes ( quel orage!) . On comprend la méfiance des uns et la réticence des autres… Oui Wagner, chef d’orchestre-compositeur, qui avait dirigé un grand nombre d’ouvrages lyriques en fait une synthèse étonnante. Il aurait pu poursuivre avec succès sur cette voie de la tradition amplifiée si son inspiration démiurgique ne l’avait dominé au point de se consumer pour nous offrir tant d’œuvres inclassables, dont la Tétralogie est sans doute, sa plus folle invention.
Toulouse compte sur un des meilleurs orchestre de fosse au monde. L’Orchestre national du Capitole a tenu sa réputation en délivrant des couleurs et des nuances de rêve, chaque pupitre offrant des qualités musicales instrinsèques généreuses. Pinchas Steinberg grand habitué des lieux a d’une direction ferme et souple impulsé une énergie incommensurable à ses troupes. Dès l’ouverture, le souffle d’une rhétorique implacable, saisit. Tout à été parfaitement tenu dans un geste dramatique infaillible. Les coupures ont été justifiées par une construction sans temps morts. Les chœurs du Capitole augmenté des hommes de la Scala de Milan sont admirablement préparés par Alfonso Caiani: aux nuances allant du piano au fortissimo dans une beauté de son confondante et une diction claire.
La distribution est superlative sans la moindre faille. En Rienzi, Torsten Kerl est un héros convaincant et sa prière venue après de très nombreuses interventions ayant mis sa résistance à rude épreuve est négociée avec art dans une belle émotion. La voix est barytonnante comme il convient et l’aigu peut darder comme des rayons de soleil. L’acteur est plus modeste. Marika Schönbeg, sompteuse Irène, avec un long soprano riche en harmoniques, un timbre lumineux et une projection facile lui aurait voler la vedette si Wagner lui avait écrit un grand air. Là, elle reste dans l’ombre de son frère, mais de justesse. L’actrice est émouvante et belle. C’est le rôle de travesti d’Adriano qui est le plus inattendu chez Wagner et qui reste le triomphe vocal de la soirée. Géraldine Chauvet est tout simplement héritière du Sesto de Mozart. Ce rôle est cornélien et la mezzo francaise sait en tirer douleur et émotion en chantant avec tout son coeur. La voix est d’un métal chaud et d’une grande souplesse. L’art du chant est suprème.
Le jeu d’acteur est particulièrement abouti dans une mise en scène qui fait la part belle aux rencontres vraies entre les personnages. Tous les autres chanteur aux interventions plus modestes sont absolument parfaits.
Mise en scène, décors, costumes et lumières servent la partition sans chercher à en relever les faiblesses ou gommer les outrances. Quand les choeurs envahissent l’espace sonore, ils se voient ! Et les solistes en avant scène arrivent à passer la rampe ce qui n’est pas facile dans ce déferlement sonore. Même si les partis pris de Lavelli sont bien proches de son Simon Bocanegra de 2009 ici à Toulouse et ne créent aucune surprise, tout fonctionne avec cohérence. Surtout une disposition scénique privilégiant la musique y compris dans les grands finals si exigeants vocalement. Les décors de métal oxydés et les costumes à dominante noire, blanc et rouge permettent des compositions visuelles aux messages très lisibles et intemporels.
Rienzi, grand opéra, d’un jeune compositeur hyper doué, avec ici des coupes salutaires, est rendu à la vie à Toulouse par une équipe de haut niveau sur tous les plans, dans un véritable travail d’équipe qui fait honneur à tous les métiers de l’art lyrique.
D’autres théâtres oseront ils inviter cette magnifique production au risque d’irriter les jaloux d’un Wagner monomaniaque des leitmotivs ?
Toulouse. Théatre du Capitole, le 30 septembre 2012. Richard Wagner ( 1813-1883) : Rienzi, le dernier des Tribuns. Grand opéra tragique en cinq actes sur un livret du compositeur. Conception et mise en scène : Jorge Lavelli ; Collaboration artistique: Dominique Poulange et Ruth Orthmann ; Scénographie : Riccardo Sanchez Cuerda; Cosumes : Francesco Zito ; Lumières : Jorge Lavelli et Roberto Traferri. Avec : Torsten Kerl, Rienzi ; Marika Schönberg, Irène ; Richard Wiegold, Steffano Colonna ; Géraldine Chauvet, Adriano ; Stefan Heidemann, Paolo Orsini ; Robert Bork, Le Cardinal Orvieto ; Marc Heller, Baroncelli ; Leonardo Neiva, Cecco del Vecchio ; Jennifer O’Loughlin, Le Messager de la paix. Chœur du Capitole Chœur de l’Accademia Teatro alla Scala de Milan, chef de chœur : Alfonso Caiani ; Orchestre national du Capitole. Pinchas Steinberg, direction.