dimanche 27 avril 2025

Toulouse. Halle aux grains. Le 9 novembre 2012. Beethoven, Bruckner… David Fray, piano. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Joseph Swensen, direction.

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Le concert, classique dans sa construction : un concerto puis une symphonie, a montré les limites du genre tant nous avons été plusieurs à avoir eu l’impression d’avoir vécu deux concerts opposés. Chacun incomparable. Ne voulant pourtant renoncer à aucun des deux.

D’abord avec en invité, en enfant du pays, le pianiste tarbais David Fray, venu interpréter le deuxième concerto de Beethoven. En fait, il s’agit du premier Concerto composé par le maître de Bonn et sa toute première partition orchestrale. S’il est permis d’y retrouver des accents mozartiens, il faut convenir que la patte orchestrale du Grand Beethoven est déjà présente à maints endroits. L’Orchestre est vigoureux et c’est seulement le piano qui, assez rarement, est galant. David Fray a semblé particulièrement concentré sur la métrique et Joseph Swensen lui-même battant du pied. Les deux hommes ont semblé obnubilés par le désir d’avancer sans répit. Cela n’a pas été sans provoquer de la gêne chez le pianiste que l’on connaît particulièrement souple en soliste. Son Schubert (Les moments musicaux et les Imprumptus) est exquis de vie avec de belles respirations, avec un toucher d’une grande subtilité. Toutes qualités non exprimées dans ce choix interprétatif.


Bruckner comme jamais à Toulouse

L’Orchestre du Capitole, particulièrement riche en visages jeunes ce soir, a été d’un engagement peu commun pour une partition sans grandes surprises. Il a résulté de cette lecture vigoureuse un concerto brillant avec de très beaux échanges entre solistes et musiciens et une écoute mutuelle de belle qualité. Le chef a tenu dans un gant de velours un tempo précis à la limite parfois du carcan.

Le brillant de cette partition en a été renforcé et David Fray a maîtrisé crânement sa partie avec une cadence du premier mouvement qu’il a semblé improviser avec audace.
En bis, il a régalé le public d’un mouvement de la deuxième Partita de Bach, la Sarabande, idéalement phrasé et nuancé. Le toucher si subtile de David Fray a ainsi été mis en valeur ; confirmant combien la musicalité fine de cet artiste avait été corsetée dans le concerto.

En « deuxième » concert, nous avons changé de chef, retrouvant en Swensen le brucknerien si inspiré, que dans cette même salle nous avions tant aimé l’an dernier avec une huitième symphonie ayant ouvert la porte des étoiles vers un monde céleste.
Sans baguette, habité par la grâce, Joseph Swensen, les deux bras ouverts vers l’orchestre, comme un orant, a imploré les musiciens, faisant naître un pianissimo frère du silence lui-même. Sans la baguette, la métrique sèche à été oubliée.

Tout n’a ensuite été qu’acte d’amour. La musique née dans l’âme du chef, qui souvent semblait parler à l’au-delà, était offerte par des gestes d’étreinte aux musiciens, qui comme transfigurés créaient le son, devenu musique pure et l’offrait à leur tour au public. Mais la boucle n’était pas finie car l’écoute muette et inspirée du public offrait des conditions inouïes pour les interprètes. Ainsi dans un flux continu la musique a irrigué chacun; comme un océan primordial, celui des origines de la vie. Cela a hurlé avec des vagues et des crêtes infinies dans des tempêtes d’apocalypse, puis cela a murmuré le calme d’une mer plate avec des silences complètement saturés de musique. La version première de cette symphonie, celle de 1874, avant les « améliorations » du compositeur tatillon, est peut être plus brucknerienne, avec des longueurs sublimes et des moments abruptes moins policés. Le scherzo en particulier est plus fantasque ici. Le final lumineux liait mer, air, soleil dans un acte créateur inouï.
La direction de Swensen a autorisé les musiciens à tout donner et comme chacun s’engageait dans ce don le plus total, au sein d’une boucle sans fin, à la fin de ce voyage tous les musiciens étaient épanouis.
Le surnom Romantique de cette quatrième symphonie vient de Bruckner lui-même, il a été totalement justifié ce soir, avec une passion dans l’interprétation digne des romantiques des origines. Si un instrument peut représenter ce romantisme proche de la nature en sa profondeur, sœur de celle des âmes, c’est peut être le cor. Ce soir Jacques Deleplanque à été ce cor du désir d’évasion. Avec des phrasés subtils, des nuances extrêmes, une belle richesse en timbre et couleurs, il a marqué l’air de sa présence hypnotique dès son premier solo bouleversant. Mais chaque famille d’instrument a été magnifique, et les exigences de Bruckner sont respectées totalement par l’Orchestre du Capitole, en totale osmose avec le chef. Swensen a bien plus que du charisme. Il est habité par la musique, il est un démiurge qui crée la musique par des gestes d’une beauté confondante. Il aime la musique, les musiciens et le public. Bruckner devient avec lui un compositeur facile et évident. Merci Monsieur Swensen, merci les musiciens, merci le public pour ce moment d’éternité qui permet de croire en l’humanité.

Toulouse. Halle aux grains. Le 9 novembre 2012. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano n° 2 en si bémol majeur, op. 19. Anton Bruckner (1824-1896) : symphonie n° 4 en mi bémol majeur, A. 95, « Romantique » version de 1874. David Fray : piano. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Joseph Swensen, direction.

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