mardi 6 mai 2025

Toulouse. Halle-Aux-Grains, le 29 mars 2011. Bach, Schumann … Grigory Sokolov, piano.

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Grigory Sokolov étrange et déstabilisant

Très attendu dans une salle pleine, le grand Sokolov est revenu à Toulouse en pays conquis. En octobre 2009 il nous avait subjugué par sa musicalité hors pair dans un programme extrême en termes d’exigences associant Schubert et Schumann. Ce soir deux géants du piano dans des œuvres complexes Bach et Schumann se partagent l’affiche. Le parti pris interprétatif du pianiste, célèbre diplômé du conservatoire de Leningrad, est à l’opposé du romantisme poétique qui lui seyait si bien il y a peu. Un toucher vigoureux, des staccati horlogers, et une précision hallucinante dans la mise en valeur des différents plans font de son Bach un monument de rigueur et de force. Tout à l’opposé de ce que fait Murray Perahia sur un piano de concert, Sokolov veut se rapprocher au plus près du clavecin, jusque dans des nuances abruptes et un son ferraillant. Tout cela est voulu et cette âpreté met comme rarement en lumière la structure de la partition. Fugues, reprises, contre-chants, tout est là, dans une présence des plus analytiques. Le toucher est parfois raide privilégiant toujours la précision et mettant en valeur les rythmes comme rarement. L’ouverture à la française en sort transcendée en force et énergie. On reste ébahi par cette surnaturelle analyse au laser, qui découpe et taille des facettes éblouissantes dans un diamant. Mais si l’admiration et la sidération dominent, l’émotion musicale et poétique est totalement absente. La rigueur intellectuelle de la composition, rencontre l’intransigeance de l’interprète qui ne cède jamais sur la précision du geste qui frôle l’assèchement. Bach a ainsi la beauté d’un diamant surnaturel et n’a plus rien d’humain.
La deuxième partie du concert est tout aussi étonnante. Avec Humoresque, Schumann propose une partition kaléidoscopique qui superpose des climats contradictoires. Sokolov refuse tout élément risquant la naissance d’une émotion. La rigueur et la précision dominent le geste pianistique. Là aussi c’est la structure qui l’emporte sur le sens du discours. La technique est sublimée mais au détriment de l’humanité souffrante contenue dans certaines pages. La beauté du piano de Schumann aura rarement été si respectueusement traitée. La précision du piano rend lisibles les moments les plus complexes. Mais comme la poésie dont le grand Sokolov s’est montré amoureux en 2009 est lointaine ce soir ! Refusée, niée au profit du rythme, la mélodie est asservie. Sonné par tant de violence à défendre un piano qui règne par la précision des notes, plus d’un spectateur aura pleuré secrètement son amie la mélodie. Un pianiste de génie et de haute école, aux moyens faramineux a rouvert le combat qui oppose pianiste virtuose et musiciens utilisant un piano. Un Sokolov imprévisible a ce soir choisi le camp de la virtuosité diaboliquement séduisante. Quand on sait la fine musicalité dont ce géant est capable, même si l’exploit a été applaudi avec force, plus d’un a pensé que la musique n’a pas forcement gagné ce soir.

Toulouse. Halle-Aux-Grains, le 29 mars 2011. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concerto italien en fa majeur, BWV 971 ; Ouverture dans le style français en si mineur, BWV 831 ; Robert Schumann (1810-1856) : Humoresque en si bémol majeur, op.20 ; Sherzo, Gigue, Romance et Fuguette, op.32. Grigory Sokolov, piano.

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