Tout le soleil de l’Europe vient d’Italie
Les ingrédients étaient de première qualité pour ce concert dédié au répertoire passant du baroque au classique. L’alternance de concerti et de suites a offert un panorama exhaustif du monde musical du XVII° siècle. Le concerto des italiens et la suite de danse des français rivalisant de séduction en se mariant parfois. La direction dansante et sensuelle de Giovanni Antonini galvanise ses musiciens. Jouant debout, leur engagement est total et la liberté de mouvements autorisée par la verticalité permet des face à face de connivence très musicaux. Laissant de côté toute rigidité d’école baroque ou non, nous dirons combien ce jeu vivant, ensorcelant et capricieux rend compte d’une époque où la fantaisie est art de vivre. Haendel ouvre le bal avec un concerto grosso enthousiasmant. L’ouverture solennelle à la française est joueuse autant que puissante. L’humour dominera tout le concert avec une manière d’accentuer la personnalité de chaque compositeur sans fausse modestie. Haendel est donc fier de sa maîtrise d’écriture et son ostentation est jouissive. Avec Bach c’est la perfection formelle et la science de l’écriture complexe qui devient festive. L’arrivée de la violoniste, Viktoria Mullova, permet un dialogue amoureux avec tout l’orchestre et le chef. Le deuxième mouvement Adagio du BWV 1042 nous ouvre les portes du Paradis avec sa mélodie si heureuse. Le geste de la violoniste est sérieux et respectueux, pondérant les débordements expressifs du chef. L’équilibre trouvé est confondant de naturel. En fin de première partie toute l’exubérance d’Antonini trouve sa démesure dans le fulgurant concerto « La tempesta di mare » donné dans sa version pour flûte à bec. Que dire si ce n’est qu’il a soufflé fort sur la lagune. Tel un tableau cinématoscopique nous avons senti les humidités impétueuses de l’union de l’eau pure du ciel et du sel de la mer. Quelle fougue dans les traits virtuoses tant à la flûte (inénarrable Antonini !) qu’à l’orchestre ! Cette fulgurance a été ovationnée par le public.
En deuxième partie de ce tour d’Europe musical, la déconvenue a été cuisante. Jean-Marie Leclair est pesant et sentencieux. La France n’est vraiment pas la patrie du chant et le violon à la française impressionne mais ne touche pas. Impavide, Mullova ne scille pas sous la difficulté virtuose du Concerto en sol mineur mais ne retrouve pas la grâce de son Bach.
La belle surprise restera le Concerto grosso de Mascitti qui nous gratifie d’une Passacaglia (si prisée en France) de la plus belle et enivrante attraction. L’esprit de la danse chevillé au corps d’Antonini trouve la sa parfaite expression musicale et l’orchestre sait jouer à fond la carte de la séduction hypnotique. Quel art du phrasé et des nuances, des couleurs aussi ! Il faut bien le retour de la soliste et toute l’ampleur d’un Vivaldi grandiose dans son concerto « Il Grosso Mogul » pour nous aider à accepter la fin de l’enchantement de la Passacaille. Certains traits « à l’arraché » de Viktoria Mullova ne gâchent pas la fougue de cette interprétation, au contraire. Le feu avait pris entre tous ces fabuleux musiciens qui se sont consumés dans cette œuvre ultime. Le public réchauffé par cette latine générosité a obtenu un bis enthousiasmant, l’Allegro du concerto « L’inquietudine » du bouillonnant signor Vivaldi. Quel beau concert permettant à l’heureux public des Grands Interprètes d’alléger le poids de sa journée par ce moment de pur bonheur !
Toulouse. Halle-Aux-Grains, le 28 novembre 2011. Georg Frédérique Haendel (1865-1759) Concerto grosso en ré mineur op. VI ; Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concerto pour violon en mi majeur BWV 1042 ; Antonio Vivaldi (1678-1741) : Concerto pour flûte à bec en fa majeur « la tempesta di mare », op. X n°1 ; Concerto pour violon en ré majeur « Il Grosso Mogul », RV 208 ; Jean-Marie Leclair (1697-1764) : concerto pour violon en sol mineur, op.X n°6 ; Michele Mascitti (1664- 1760) : Concerto pour cordes et basse continue en la majeur, op.VII, n°4; Viktoria Mullova, violon ; Il Giardino Armonico ; Direction et flûte à bec : Giovanni Antonini.