samedi 3 mai 2025

Toulouse. Halle aux Grains, le 23 octobre 2010. Debussy, Ibert, Berlioz. Mathieu Dufour : Flûte. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction

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Fantastiques toulousains! Tugan Sokhiev parvient à une maturité incroyable tant ce concert a galvanisé un orchestre prêt à tout pour le suivre. Le public lui a exulté !

Flûte enchanteresse

Le Prélude à l’après midi d’un faune de Debussy, a été en ouverture de concert un instant solaire et méditerranéen. La splendeur sonore, la subtilité des nuances ont été un véritable régal, convoquant une scène bucolique idyllique. Dès les premières notes de François Laurent le son pur, sans vibrato, tout en douceur a évoqué quelque flûte des origines mythiques. Le son très piano a toutefois diffusé avec pénétrance et l’orchestre a ensuite enveloppé ce faune sensuel et rieur avec art et subtilité. La mélancolie a également eu sa part mais comme ensommeillée par la chaleur. Le charme de cette interprétation a véritablement séduit tout le public. Puis en effectif réduit un orchestre classique s’est installé avant d’accueillir Mathieu Dufour qui a été flûte solo de cet orchestre dès ses 20 ans. Indubitablement touché par le fait de se retrouver devant quelques anciens collègues le flûtiste français, que les orchestres les plus prestigieux s’arrachent, a offert une interprétation vibrante de ce délicat concerto. Jacques Ibert a composé de nombreuses pièces et son style est d’une très grande diversité, pour tout dire ce compositeur est inclassable. Son concerto pour flûte offre au soliste des passages d’une virtuosité diabolique dans le premier mouvement. L’andante est une très longue cantilène à la nostalgie douce et élégante. Le final permet des échanges chambristes pleins d’esprit avec nombre d’instruments. Le jeu de Mathieu Dufour est techniquement stupéfiant. Sa sonorité très française est d’une grande douceur en évitant trop de vibrato et de métal. L’effectif orchestral réduit et la direction attentive et amicale de Tugan Sokhiev permettent une écoute facile de l’instrument jusque dans les nuances les plus fines. Elégance et finesse sont les maîtres mots de cette interprétation très séduisante. En bis le soliste ne pouvait mieux proposer que Syrinx de Debussy. La poésie a pris encore d’avantage place et la suavité des sonorités de cet instrument si pur a enchanté le public.

Inoubliable fantastique

L’orchestre du Capitole a souvent interprété la Symphonie fantastique du bouillonnant Hector. L’enregistrement réalisé avec Michel Plasson disponible chez EMI est magnifique et reste toujours au catalogue. Comment imaginer que Tugan Sokhiev puisse encore les surprendre dans cette partition connue par cœur par la plupart des musiciens ? Et comment ce diable d’homme a-t-il pu également surprendre le public lui révélant, comme très peu de chef le peuvent, toute la modernité contenue dans cette partition ? En tous cas même pour celui qui aime et apprécie la fabuleuse version de Michel Plasson il faut reconnaître que Tugan Sokhiev va encore plus loin. Précision de la mise en place et détails de tous les instants (contre-chants et rythmes surprenants mis en valeur comme jamais), nuances portées jusqu’aux limites et surtout rubato très large mais toujours élégant sont les caractéristiques de cette version décoiffante. Mais c’est également la construction d’ensemble et les rapports entre les mouvements qui sont remarquables. Tous les instrumentistes se dépassent et vivent cette partition intensément. En ne citant que certains nous sommes conscient de faire injure aux autres, tant tous ont été des virtuoses d’exception. Pourtant le dialogue cor anglais/hautbois restera dans le panthéon de la poésie en musique dans la scène aux champs et la sonorité riche et angoissante des quatre bassons dans la marche au supplice représente la pâte sonore la plus compacte imaginable dans cette partition. Les harpes aussi ont brillé dans le bal, qui sous la baguette de Tugan Sokhiev garde une grande élégance mais acquiert aussi une sorte de folie destructrice avec une gestion des nuances inouïe et une accélération finale vertigineuse. Mais comment ne pas citer les cordes avec des réponses si fortes en leur précision horlogère dans la fugue de la nuit de Sabbat ? Et les cuivres au métal si étincelant, capables de la plus grande noirceur ? Le romantisme échevelé et les audaces intemporelles de cette partition ont trouvé ce soir des interprètes hors du commun. Tugan Sokhiev et les musiciens du Capitole vivent la musique sur le même plan d’absolu mettant le partage et le don au dessus de tout et le public a exulté.
Lors des deux concerts prévus à Saint-Pétersbourg nul doute qu’un grand succès attend les toulousains à la Salle Pleyel le 3 novembre prochain.

Toulouse. Halle Aux Grains, le 23 octobre 2010. Claude Debussy (1862-1918) : Prélude à l’après-midi d’un faune ; Jacques Ibert (1890-1962) : Concerto pour flûte et orchestre; Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie fantastique op.14 ; Mathieu Dufour : Flûte ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction.

Illustration: Mathieu Dufour, flûte. T.Rosenberg (DR)

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