Messe bienséante
Nous n’engagerons pas un débat sur le bien fondé des effectifs vocaux réduits dans la musique de Bach. Cela se fait de moins en moins. Ce soir, la qualité des musiciens force le respect. Du côté des chanteurs, la grande élégance de la tenue sur scène égale la beauté du style vocal. De belles voix lisses et claires pour les dames, timbrées et bien projetées pour les contre-ténors, homogènes et lumineuses pour les ténors, sombres et rocailleuses pour les basses.
Tous les airs et duos sont magnifiques, avec d’ agréables phrasés et une technique sans faille faite de grande musicalité. L’émotion en prime fera retenir sa respiration lors du seul Agnus Dei chanté par Terry Wey en remplacement de Nathalie Stutzmann souffrante. L’engagement total et la crainte palpable du chanteur ont enfin porté le recueillement au fond des cœurs. La splendeur de la ligne de chant, l‘homogénéité de la voix sur toute la tessiture, les nuances infimes associées à la lumière de ce timbre ont eu un effet hypnotique sur le public.
Les Musiciens du Louvre – Grenoble ont eu de beaux moments solistes mais peu de couleurs et des nuances peu perceptibles dans les enchevêtrements instrumentaux. Un certain manque de lisibilité était dû à un son parfois pâteux en raison de la trop forte présence de l’orgue et de la contrebasse.
Comme il n’y avait pas de chœurs, car 8 solistes même de cette trempe ne peuvent faire masse, les habituels contrastes n’ont pas fonctionné et certains effets de chœurs sont tombés à plat. Les amateurs de chant choral raffiné sont donc restés sur leur faim. Par contre la lisibilité des parties fuguées si complexes a été mise en lumière avec une grande précision.
Ce qui restera comme la surprise la plus marquante est le côté classique et non baroque de cette interprétation, avec un Marc Minkowski concentré et mesuré. Point de nuances audacieuses, point de couleurs opposées et franches, point de tempi extrêmes : le bouillonnant Marc Minkowski est méconnaissable. La sagesse en tout et la beauté de la musique mise en valeur comme un absolu par un chef raisonnable !
La musique de Bach en devient élégante et apaisante, sans appels à l’enthousiasme ou au recueillement. La complexité de la composition force l’admiration, et sa beauté reste souveraine.
Toulouse. Halle-aux-Grains. 21 avril 2011. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Messe en si, BWV 232. Ruby Hughes, Ana Quitens : Sopranos ; Pauline Sabatier, Blandine Staskiewicz : mezzo-sopranos ; Terry Wey, Yann Roland contre-ténors ; Colin Balzer, Emiliano Gonzales Toro : ténors ; Christian Immler, Luca Tittolo : basses ; Les musiciens du Louvre-Grenoble. Direction Marc Minkowski.