jeudi 28 mars 2024

Toulouse. Cloître des Jacobins, le 16 septembre 2011. Beethoven, Schubert… Stephen Kovacevich, piano

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Poète iconoclaste

Piano aux Jacobins est un festival contrasté qui offre au public de beaux éléments de comparaison pour affiner ses goûts et ses choix. Si hier c’était la tradition un peu fermée d’un Beethoven tonitruant qui avait sous les doigts d’un Hollandais chevelu (lire notre chronique ci-dessous) conquis le Cloître, ce soir c’est l’Américain Stephen Kovacevich, qui avec des moyens très différents et avec autant de succès, a régalé le public. Le changement de programme opéré qui nous fit entendre les Bagatelles 1, 2, 4 et 5 en remplacement de la sonate annoncée nous a permis d’emblée de comprendre le parti pris, avant tout poétique et nuancé, du pianiste. La grâce de son touché, la liberté prise avec les tempi et surtout les respirations nombreuses rendent aux partitions leur vie libre et heureuse. Ainsi Beethoven n’est plus l’âme uniquement tourmentée que la légende veut garder. Oui, le charme émanant de certaines pages est une réalité que Stephen Kovacevich défend avec panache. Ces courtes pièces choisies pour leur variété ont mis le pianiste en doigts et le public en émoi après la rigueur monolithique de la veille. La Sonate n°31 de Beethoven est une œuvre moins connue et plus sensible que bien des pièces à titre. Confession d’un jeune compositeur qui croit encore au bonheur, la science de son écriture se dispute à la liberté des sentiments exprimés. Tout le romantisme acceptant un héritage classique est présent dans cette interprétation très convaincante. Le premier mouvement est très chanté et calme, puis l’énergie monte avant la fin sensationnelle qui montre combien Beethoven avait assimilé l’héritage contrapuntique du Cantor de Leipzig. Quel plus bel hommage à Bach le Père que cette double fugue en sujet inversé ? L’interprétation très concentrée et à la fois pleine de liberté de ce final grandiose a porté à un haut niveau la beauté du jeu de Stephen Kovacevich. Tout y est admirable, la précision des canons, la souplesse qui permet de chanter même dans la vitesse et surtout l’articulation et le phrasé ; sans compter une conscience de la construction d’ensemble de la pièce. Ainsi, ces grands accords évoquent un passage du miroir, derrière les faux-semblants. La reprise de la fugue sur un motif inversé donne un bel engagement dramatique à cette musique. Mettre tant d’émotion et de passion dans un moment musical si abouti intellectuellement est une belle qualité du pianiste américain splendide à l’humilité iconoclaste car il sait rendre hommage en fin de concert aux métiers les plus rares et obscurs, ainsi à l’accordeur du piano : François Petit.

La sonate de Schubert D 960
est un mouvement intime d’un jeune compositeur également, mais en fin de vie. Schubert y met tout ce que nous aimons et bien des pianistes la proposent dans leurs récitals, tant sa qualité est suprême. Stephen Kovacevich la joue comme personne : les nuances sont extrêmes, les couleurs allant du mordoré le plus mélancolique à la lumière solaire la plus crûe. Le choix de phrasé parfois déconcertant offre de larges respirations ouvrant des perspectives nouvelles à une partition connue, semblant ici écrite la veille. L’intime et le poétique se rencontrent sous les doigts de magicien de Stephen Kovacevich, qui referme son récital marqué par une fine musicalité sur les notes du Père musical : Bach avec la délicieuse Allemande de la quatrième Partita en do majeur.

Toulouse. Cloître des Jacobins. 16 septembre 2011. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Bagatelles, Sonate n° 31, en la bémol majeur, op.110 ; Frantz Schubert (1787-1828) : sonate n°23, en si bémol majeur,D 960. Stephen Kovacevich, piano.

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