WAGNER : Le RING de Philippe JORDAN. Jonas Kaufmann et EM Westbroek, déprogrammés

ring-opera-de-paris-ph-jordan-critique-annonce-classiquenewsPARIS. LE RING de Philippe JORDAN : nouveaux rebondissements pour une production au parcours chaotique ; le nouveau Ring du chef Philippe Jordan, moment phare de la saison de l’Opéra de Paris en 2020, qui devait marquer aussi son départ de l’Institution parisienne, connaît de récents et sérieux changements dans sa distribution : Jonas Kaufmann a finalement annulé sa participation dans le rôle de Siegmund, préférant réduire ses déplacements. De même Eva-Maria Westbroek annoncée dans le rôle de Sieglinde (compagne de Siegmund : les deux Welsung sont les parents de Siegfried), devenue cas contact, ne peut plus se déplacer. Les deux chanteurs sont remplacés respectivement par Stuart Skelton et Lise Davidsen, straussienne de choc qui devrait assumer le défi wagnérien… à suivre. Les retransmissions en direct sur France Musique sont toujours maintenues sauf contre ordre à partir du 26 décembre prochain.

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LIRE notre présentation du WAGNER / RING 2020 de Philippe Jordan
http://www.classiquenews.com/opera-de-paris-france-musique-wagner-le-ring-jordan-2020/

WAGNER : le Ring Jordan sur France Musique

Dates et horaires des diffusions France Musique

L’Or du Rhin : Samedi 26 décembre 2020 à 20h
La Walkyrie : Lundi 28 décembre à 18h30 à 20h
Siegfried : Mercredi 30 décembre à 20h
Le Crépuscule des dieux : Samedi 2 janvier 2021 à 20h

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Programme et présentation des 4 Journées
du RING de WAGNER par Philippe Jordan :

 

Samedi 26 décembre 2020, 20h : L’Or du Rhin
Prologue : L’Or du Rhin (Das Rheingold)
Affiche_(portrait)_Le_Ring_2020(2)L’action naît dans les profondeurs du Rhin : après avoir renoncé à l’amour devant les trois filles du Rhin, gardiennes du trésor, le nain Nibelung Alberich dérobe l’or, avec lequel son frère Mime forge un anneau qui confère à son possesseur le pouvoir absolu sur les êtres et le monde. De son côté, calculateur et manipulateur, Wotan, maître des dieux, est contraint de conquérir l’anneau à Nibelheim. Son fidèle « double », Log (dieu du feu, esprit de l’intelligence) lui souffle qu’il aura besoin de cet anneau pour duper les géants Fafner et Fasolt, les bâtisseurs de la future résidence jupitérienne de Wotan sur le mont Walhala. Pour être sûrs d’être payés en retour, les Géants ont pris en otage Freia, déesse de la jeunesse éternelle. Chez les Nibelungen, Wotan dérobe à Alberich, l’anneau et le voile magique, gage d’invisibilité. Alberich maudit alors l’anneau conquis par Wotan. L’or continue son œuvre maléfique : Fafner tue son frère et cache le butin dans la forêt. Plus tard, dans Siegfried, Fafner devenu dragon défendra jusqu’à la mort son précieux trésor… Wotan victorieux mène les dieux au Walhala ; ils s’enivrent grâce à leur jeunesse retrouvée. Pourtant, Wotan a signé sa prochaine déchéance car il a trahi l’esprit des lois et la loyauté qu’il avait lui-même édicté…
Les moments de la partition à ne pas manquer : le début qui est l’ouverture de tout le cycle : de l’immatériel à l’origine du monde au matériel incarné par le monde des dieux et leur duplicité vénale… l’orchestre exprime ce mouvement qui organise peu à peu la matière musicale et la fait jaillir hors des brumes initiales.
La fin du Prologue où Wagner exprime l’élévation des dieux conquérants jusqu’au sommet de Walhala où les géants ont bâti le château magnifique…

 

 

Lundi 28 décembre 2020, 20h : La Walkyrie.
Première journée : La Walkyrie (Die Walküre)

MUNICH : Ring wagnérien au Bayerische StaatsoperPar une nuit de tempête, le fugitif Siegmund, le fils de Wotan et d’une mortelle, trouve refuge chez le guerrier Hunding et son épouse Sieglinde. En réalité, tous deux sont frères et soeurs (les Welsungen) et sont immédiatement attirés l’un vers l’autre d’un amour irrésistible. Fricka, épouse de Wotan et protectrice du foyer conjugal, ne peut laisser s’accomplir une telle union, adultérine et de surcroît incestueuse. Elle rappelle à Wotan son obligation de protéger l’ordre moral : il obéit et dépêche sa plus fidèle fille, la Walkyrie Brûnnhilde auprès de Hunding pour le venger et tuer Siegmund.
Mais sujet central de l’opéra, Brünnhilde compatit au sort de Siegmund qui est son frère : la Walkyrie est touchée par la sincérité de leur amour. Wotan paraît et tue lui-même Siegmund. Wotan poursuit la Walkyrie rebelle, la déchoit de sa nature héroique : simple mortelle, la fille de Wotan devra reposer entourée d’un mur de flammes : seul un preux capable de vaincre la muraille enflammée pourra la conquérir et accomplir sa nature mortelle. Entre temps, la Walkyrie avait permis à Sieglinde de fuir son époux, et lui trouver un refuge où elle pourrait donner naissance au fils à venir de Siegmund : Siegfried.
Séquences mémorables : le début de l’opéra qui débute par un orage orchestral et une course en panique, celle du fugitif Siegmund – le duo entre Siegmund / Sieglinde : la page amoureuse la plus bouleversante de tout le cycle du Ring – les adieux déchirants de Wotan au chevet de sa fille cernée de flammes (là encore, l’une des pages les plus déchirantes du cycle car tout l’amour d’un père obligé de punir sa propre fille est ici exprimé).

 

 

Mercredi 30 décembre 2020, 20h : Siegfried.
Deuxième journée : Siegfried

wotan walkyrieElevé dans la forêt par le Nibelung Mime, silhouette frêle et craintive, calculatrice et menteuse, a éduqué seul Siegfried, fils des jumeaux Siegmund et Sieglinde. L’enfant ne connaît pas la peur et n’a jamais connu ses parents. Mime entend utiliser Siegfried pour tuer le dragon Fafner afin de dérober l’or et l’anneau. Dans ce but, Siegfried forge à grands coups métalliques Nothung, l’épée de son père Siegmund, antérieurement tué par Wotan. Siegfried tue le dragon et goûtant le sang du reptile, comprend le chant de l’oiseau de la forêt qui le prévient de la machination de Mime : le guerrier le tue et part à la conquête de son propre destin. Il croise Wotan devenu le « Voyageur », âme déchue errante, condamnée à cause de ses propres turpitudes. Siegfried amorce le déclin des dieux et l’avènement des hommes… Il atteint le rocher où repose Brünnhilde dont il vainc la défense de feu et tombe amoureux.

 

 

Samedi 2 janvier 2021, 20h : Le Crépuscule des dieux.
Troisième journée : Le Crépuscule des dieux (Götterdämmerung)

wagner_brunnhilde_gotterdammerung_operarthur_rackhamTroisième et ultime Journée de la Tétralogie wagnérienne, Le Crépuscule des dieux s’ouvre près du rocher de Brünnhilde où les Trois Nornes tissent les fils du destin ; le fil se rompt, annonce de la fin des dieux. Au lever du jour, Siegfried quitte Brünnhilde en lui confiant l’anneau en témoignage de fidélité. Il rejoint le château des Gibishungen : Gunther, sa soeur Gutrune et Hagen, fils d’Albérich et comme lui, esprit maléfique et manipulateur. Hagen entend venger son père et reprendre l’anneau à Siegfried. Pour se faire, celui ci trop naïf, boit le philtre qui lui fait oublier Brünnhilde et aimer… Gutrune.
Sous l’identité de Gunther, Siegfried envoûté prend de force Brünnhilde et l’anneau. Au château, Brünnhilde accuse Siegfried (qui a recouvré la mémoire) : Hagen exploite la colère de Brünnhilde et organise avec sa complicité (elle a révélé le seul point faible du héros invincible), la mort de Siegfried. Pendant la chasse, Hagen fait assassiner Siegfried. Comprenant la supercherie, Brünnhilde témoigne de sa douleur ; honore la mémoire de Siegfried trahi et organise un vaste bûcher où les flammes purificatrices effacent la barbarie née de l’anneau et de la duplicité des hommes. Les filles du Rhin apparaissent reprenant leur butin : elles entraînent Hagen le maudit au fond des eaux vengeresses…
Quel monde nouveau naîtra-t-il après ce nouveau chaos ? L’espérance que fonde Wagner dans son final est l’annonce d’un monde régénéré, porté par l’esprit d’amour et de fraternité.

 

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A ÉCOUTER
Le podcast RING de WAGNER sur France Musique
https://www.francemusique.fr/emissions/musicopolis/Le-Grand-feuilleton-du-Ring-1-5-il-%C3%A9tait-une%20fois-89330

WAGNER EN SUISSELe 13 mai 1876, Richard Wagner avec les finance et l’appui indéfectible du jeune Roi Louis II de Bavière, peut inaugurer le Théâtre de Bayreuth, conçu pour la représentation de ses opéras dont la Tétralogie ou “L’Anneau du Niebelung. Dans ce podcast, les origines du “Ring” et du Théâtre jusqu’à sa triomphale première, un voyage de plus de 25 ans !
En 1848, Wagner commence amorce la composition d’n nouveau cycle lyrique inspiré du mythe des Nibelungen. Il écrit un résumé puis un livret autour du héros Siegfried et de sa mort (le futur Crépuscule des Dieux). Peu convaincu, il approfondit encore sa compréhension de la Saga dans sa globalité. Wagner rédige les 4 livrets de la future Tétralogie dans l’ordre inverse, terminant avec celui de l’Or du Rhin, prologue du cycle. Il poursuit ensuite la composition (dans l’ordre chronologique des opéras. Mais une crise intervient en 1857 en pleine composition de Siegfried, son 3e opéra…

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Opéra de Paris / France Musique : WAGNER, LE RING JORDAN 2020

FRANCE MUSIQUE, WAGNER : Le Ring Jordan 2020, dès le 26 déc 2020. LE RING 2020 de l’Opéra National de Paris sur France Musique. Alors que la Tétralogie sera réalisée en huis clos en version de concert les 26, 28, 30 décembre 2020 et 2 janvier 2021 à l’Opéra Bastille, la maison parisienne en diffusera en direct chaque volet sur France Musique. Exemple éloquent de diffusion large et gratuite vers le plus large public : une proposition opportune en période de confinement.

 
 
 

Dates et horaires des diffusions France Musique
L’Or du Rhin : Samedi 26 décembre 2020 à 20h
La Walkyrie : Lundi 28 décembre à 18h30 à 20h
Siegfried : Mercredi 30 décembre à 20h
Le Crépuscule des dieux : Samedi 2 janvier 2021 à 20h

 
 
 

jordan - Philippe-Jordan-008L’initiative compense les empêchements d’abord constatés dans la réalisation du Ring du directeur musical Philippe Jordan (depuis 2009), avant son départ prochain de la Maison parisienne. Le projet est au centre du travail du chef avec les musiciens parisiens, il s’agit de maintenir le niveau général de la phalange française (depuis le 1er confinement de mars dernier obligé à réduire considérablement ses concerts et représentations). Révéler ses qualités, questionner son identité : « Quelle personnalité et quelles couleurs une formation française pouvait-elle offrir à l’interprétation de Wagner ? La programmation du Ring mais aussi de Tristan et Isolde, des Maîtres chanteurs de Nuremberg, de Lohengrin, Parsifal sous ma direction, ou encore du Vaisseau fantôme et de Tannhäuser sous la baguette de Peter Schneider et de Mark Elder, a été, à bien des égards, formatrice pour nos musiciens qui maîtrisent désormais pleinement ces partitions et forment l’un des plus grands orchestres wagnériens. Durant mes douze années de mandat, Wagner a été un fil conducteur qui nous a menés au plus haut », ajoute le chef d’orchestre soucieux de « réveiller » l’orchestre et de le maintenir dans son excellence artistique, éprouvé encore et toujours par le défi que représente le Ring de Wagner.

Décidée en version de concert, le Ring 2020 permet coûte que coûte aux instrumentistes de poursuivre leur travail avec le chef : « Après cette longue coupure liée à la crise sanitaire avec pour conséquence l’annulation regrettable de la production de Calixto Bieito, le maintien d’une version concertante s’imposait. Nous avions l’impératif de re-fédérer l’Orchestre et le Chœur autour d’un projet rare et important, qui puisse tout à la fois engager nos forces artistiques sur la voie d’un travail collectif et marquer d’un jalon la fin de mon mandat au sein de la maison… (…)… Une version concertante peut être une chance, l’absence du metteur en scène nous obligeant à nous concentrer sur l’essentiel », précise Philippe Jordan.
Distribution annoncée : Jonas Kaufmann (remplacé par Stuart Skelton), Iain Paterson, Andreas Schager, Ricarda Merbeth, Ekaterina Gubanova… l’affiche promet particulièrement : « Notre plateau vocal rassemble, autour de grands habitués du répertoire tels Eva-Maria Westbroek et Jonas Kaufmann (NDLR : fnalement remplacés au 18 nov par Lise Davidsen et Stuart Skelton), une nouvelle génération d’interprètes des rôles, parmi lesquels les grands chanteurs que sont Iain Paterson en qualité de Wotan, Andreas Schager en Siegfried, Martina Serafin en Brünnhilde. La réunion de ces artistes garantit une homogénéité vocale et une vision partagée du chant wagnérien autour du traitement du texte et de ses nuances. Entendre une telle distribution était une chance à laquelle il était impossible de renoncer. » renchérit le directeur musical de ce cyle événement.

 

 

 

Le Crépuscule des dieux à l'Opéra Bastille, jusqu'au 16 juin 2013

Le Ring de Philippe Jordan à l’Opéra Bastille, nouveau défi  de novembre 2020, diffusé sur France Musique en décembre 2020 puis début janvier 2021. (DR)

 

 

 

 

 

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FESTIVAL SCÉNIQUE
EN UN PROLOGUE ET TROIS JOURNÉES
1869 / 1876
MUSIQUE ET LIVRET : Richard Wagner (1813-1883)
En langue allemande

« À l’occasion d’une solennité expressément instituée dans ce but, je pense donner ces trois drames et le prologue, au cours de trois journées et d’une veille ; je considérerais le but de ces représentations comme entièrement atteint, si moi et mes camarades artistes, les véritables acteurs, parvenions en ces quatre soirées, à communiquer artistiquement aux spectateurs rassemblés pour connaître mon intention, cette intention, à la réelle intelligence sentimentale, ([c’est-à-dire] non critique). Tout autre résultat doit m’apparaître d’autant plus indifférent, qu’ [il me semble] superflu.»

Richard Wagner, Une communication à mes amis, 1851

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Distribution par ouvrage

L’OR DU RHIN
DAS RHEINGOLD
PROLOGUE EN QUATRE SCÈNES (1869)

WOTAN Iain Paterson
DONNER Lauri Vasar
FROH Matthew Newlin
LOGE Norbert Ernst
ALBERICH Jochen Schmeckenbecher
MIME Gerhard Siegel
FASOLT Wilhelm Schwinghammer
FAFNER Dimitry Ivashchenko
FRICKA Ekaterina Gubanova
FREÃA Anna Gabler
ERDA Wiebke Lehmkuhl
WOGLINDE Tamara Banješević
WELLGUNDE Christina Bock
FLOSSHILDE Claudia Huckle

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LA WALKYRIE
DIE WALKÜRE
PREMIÈRE JOURNÉE EN TROIS ACTES (1870)

SIEGMUND Jonas Kaufmann (remplacé par Stuart Skelton)
HUNDING Gunther Groissböck
WOTAN Iain Paterson
SIEGLINDE Eva-Maria Westbroek (remplacée par Lise Davidsen)
BRÜNNHILDE Ricarda Merbeth
FRICKA Ekaterina Gubanova
GERHILDE Sonja Šarić
ORTLINDE Anna Gabler
WALTRAUTE Natalia Skrycka
SCHWERTLEITE Katharina Magiera
HELMWIGE Regine Hangler
SIEGRUNE Julia Rutigliano
GRIMGERDE Noa Beinart
ROSSWEISSE Marie-Luise Dressen

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SIEGFRIED
DEUXIÈME JOURNÉE EN TROIS ACTES (1876)

SIEGFRIED Andreas Schager
MIME Gerhard Siegel
DER WANDERER Iain Paterson
ALBERICH Jochen Schmeckenbecher
FAFNER Dimitry Ivashchenko
ERDA Wiebke Lehmkuhl
WALDVOGEL Tamara Banješević
BRÜNNHILDE Ricarda Merbeth

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LE CRÉPUSCULE DES DIEUX
GÖTTERDÄMMERUNG
TROISIÈME JOURNÉE EN TROIS ACTES (1876)

SIEGFRIED Andreas Schager
GUNTHER Johannes Martin Kränzle
ALBERICH Jochen Schmeckenbecher
HAGEN Ain Anger
BRÜNNHILDE Ricarda Merbeth
GUTRUNE, DRITTE NORN Anna Gabler
WALTRAUTE, ZWEITE NORN Michaela Schuster
ERSTE NORN Wiebke Lehmkuhl
WOGLINDE Tamara Banješević
WELLGUNDE Christina Bock
FLOSSHILDE Claudia Huckle

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Programme et présentation des 4 Journées
du RING de WAGNER par Philippe Jordan :

 

Samedi 26 décembre 2020, 20h : L’Or du Rhin
Prologue : L’Or du Rhin (Das Rheingold)
Affiche_(portrait)_Le_Ring_2020(2)L’action naît dans les profondeurs du Rhin : après avoir renoncé à l’amour devant les trois filles du Rhin, gardiennes du trésor, le nain Nibelung Alberich dérobe l’or, avec lequel son frère Mime forge un anneau qui confère à son possesseur le pouvoir absolu sur les êtres et le monde. De son côté, calculateur et manipulateur, Wotan, maître des dieux, est contraint de conquérir l’anneau à Nibelheim. Son fidèle « double », Log (dieu du feu, esprit de l’intelligence) lui souffle qu’il aura besoin de cet anneau pour duper les géants Fafner et Fasolt, les bâtisseurs de la future résidence jupitérienne de Wotan sur le mont Walhala. Pour être sûrs d’être payés en retour, les Géants ont pris en otage Freia, déesse de la jeunesse éternelle. Chez les Nibelungen, Wotan dérobe à Alberich, l’anneau et le voile magique, gage d’invisibilité. Alberich maudit alors l’anneau conquis par Wotan. L’or continue son œuvre maléfique : Fafner tue son frère et cache le butin dans la forêt. Plus tard, dans Siegfried, Fafner devenu dragon défendra jusqu’à la mort son précieux trésor… Wotan victorieux mène les dieux au Walhala ; ils s’enivrent grâce à leur jeunesse retrouvée. Pourtant, Wotan a signé sa prochaine déchéance car il a trahi l’esprit des lois et la loyauté qu’il avait lui-même édicté…
Les moments de la partition à ne pas manquer : le début qui est l’ouverture de tout le cycle : de l’immatériel à l’origine du monde au matériel incarné par le monde des dieux et leur duplicité vénale… l’orchestre exprime ce mouvement qui organise peu à peu la matière musicale et la fait jaillir hors des brumes initiales.
La fin du Prologue où Wagner exprime l’élévation des dieux conquérants jusqu’au sommet de Walhala où les géants ont bâti le château magnifique…

 

 

Lundi 28 décembre 2020, 20h : La Walkyrie.
Première journée : La Walkyrie (Die Walküre)

MUNICH : Ring wagnérien au Bayerische StaatsoperPar une nuit de tempête, le fugitif Siegmund, le fils de Wotan et d’une mortelle, trouve refuge chez le guerrier Hunding et son épouse Sieglinde. En réalité, tous deux sont frères et soeurs (les Welsungen) et sont immédiatement attirés l’un vers l’autre d’un amour irrésistible. Fricka, épouse de Wotan et protectrice du foyer conjugal, ne peut laisser s’accomplir une telle union, adultérine et de surcroît incestueuse. Elle rappelle à Wotan son obligation de protéger l’ordre moral : il obéit et dépêche sa plus fidèle fille, la Walkyrie Brûnnhilde auprès de Hunding pour le venger et tuer Siegmund.
Mais sujet central de l’opéra, Brünnhilde compatit au sort de Siegmund qui est son frère : la Walkyrie est touchée par la sincérité de leur amour. Wotan paraît et tue lui-même Siegmund. Wotan poursuit la Walkyrie rebelle, la déchoit de sa nature héroique : simple mortelle, la fille de Wotan devra reposer entourée d’un mur de flammes : seul un preux capable de vaincre la muraille enflammée pourra la conquérir et accomplir sa nature mortelle. Entre temps, la Walkyrie avait permis à Sieglinde de fuir son époux, et lui trouver un refuge où elle pourrait donner naissance au fils à venir de Siegmund : Siegfried.
Séquences mémorables : le début de l’opéra qui débute par un orage orchestral et une course en panique, celle du fugitif Siegmund – le duo entre Siegmund / Sieglinde : la page amoureuse la plus bouleversante de tout le cycle du Ring – les adieux déchirants de Wotan au chevet de sa fille cernée de flammes (là encore, l’une des pages les plus déchirantes du cycle car tout l’amour d’un père obligé de punir sa propre fille est ici exprimé).

 

 

Mercredi 30 décembre 2020, 20h : Siegfried.
Deuxième journée : Siegfried

wotan walkyrieElevé dans la forêt par le Nibelung Mime, silhouette frêle et craintive, calculatrice et menteuse, a éduqué seul Siegfried, fils des jumeaux Siegmund et Sieglinde. L’enfant ne connaît pas la peur et n’a jamais connu ses parents. Mime entend utiliser Siegfried pour tuer le dragon Fafner afin de dérober l’or et l’anneau. Dans ce but, Siegfried forge à grands coups métalliques Nothung, l’épée de son père Siegmund, antérieurement tué par Wotan. Siegfried tue le dragon et goûtant le sang du reptile, comprend le chant de l’oiseau de la forêt qui le prévient de la machination de Mime : le guerrier le tue et part à la conquête de son propre destin. Il croise Wotan devenu le « Voyageur », âme déchue errante, condamnée à cause de ses propres turpitudes. Siegfried amorce le déclin des dieux et l’avènement des hommes… Il atteint le rocher où repose Brünnhilde dont il vainc la défense de feu et tombe amoureux.

 

 

Samedi 2 janvier 2021, 20h : Le Crépuscule des dieux.
Troisième journée : Le Crépuscule des dieux (Götterdämmerung)

wagner_brunnhilde_gotterdammerung_operarthur_rackhamTroisième et ultime Journée de la Tétralogie wagnérienne, Le Crépuscule des dieux s’ouvre près du rocher de Brünnhilde où les Trois Nornes tissent les fils du destin ; le fil se rompt, annonce de la fin des dieux. Au lever du jour, Siegfried quitte Brünnhilde en lui confiant l’anneau en témoignage de fidélité. Il rejoint le château des Gibishungen : Gunther, sa soeur Gutrune et Hagen, fils d’Albérich et comme lui, esprit maléfique et manipulateur. Hagen entend venger son père et reprendre l’anneau à Siegfried. Pour se faire, celui ci trop naïf, boit le philtre qui lui fait oublier Brünnhilde et aimer… Gutrune.
Sous l’identité de Gunther, Siegfried envoûté prend de force Brünnhilde et l’anneau. Au château, Brünnhilde accuse Siegfried (qui a recouvré la mémoire) : Hagen exploite la colère de Brünnhilde et organise avec sa complicité (elle a révélé le seul point faible du héros invincible), la mort de Siegfried. Pendant la chasse, Hagen fait assassiner Siegfried. Comprenant la supercherie, Brünnhilde témoigne de sa douleur ; honore la mémoire de Siegfried trahi et organise un vaste bûcher où les flammes purificatrices effacent la barbarie née de l’anneau et de la duplicité des hommes. Les filles du Rhin apparaissent reprenant leur butin : elles entraînent Hagen le maudit au fond des eaux vengeresses…
Quel monde nouveau naîtra-t-il après ce nouveau chaos ? L’espérance que fonde Wagner dans son final est l’annonce d’un monde régénéré, porté par l’esprit d’amour et de fraternité.

 

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A ÉCOUTER
Le podcast RING de WAGNER sur France Musique
https://www.francemusique.fr/emissions/musicopolis/Le-Grand-feuilleton-du-Ring-1-5-il-%C3%A9tait-une%20fois-89330

WAGNER EN SUISSELe 13 mai 1876, Richard Wagner avec les finance et l’appui indéfectible du jeune Roi Louis II de Bavière, peut inaugurer le Théâtre de Bayreuth, conçu pour la représentation de ses opéras dont la Tétralogie ou “L’Anneau du Niebelung. Dans ce podcast, les origines du “Ring” et du Théâtre jusqu’à sa triomphale première, un voyage de plus de 25 ans !
En 1848, Wagner commence amorce la composition d’n nouveau cycle lyrique inspiré du mythe des Nibelungen. Il écrit un résumé puis un livret autour du héros Siegfried et de sa mort (le futur Crépuscule des Dieux). Peu convaincu, il approfondit encore sa compréhension de la Saga dans sa globalité. Wagner rédige les 4 livrets de la future Tétralogie dans l’ordre inverse, terminant avec celui de l’Or du Rhin, prologue du cycle. Il poursuit ensuite la composition (dans l’ordre chronologique des opéras. Mais une crise intervient en 1857 en pleine composition de Siegfried, son 3e opéra…

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OPERA. WAGNER : LE RING de Philippe JORDAN à Bastille puis à Radio France

Affiche_(portrait)_Le_Ring_2020(2)OPERA. WAGNER : LE RING de Philippe JORDAN à Bastille puis à Radio France.  8 représentations du 23 nov au 6 déc 2020 à Paris. Le nouveau Ring de l’Opéra national de Paris sera finalement donné à l’Opéra Bastille les 23, 24, 26 et 28 novembre 2020, en version de concert. Puis l’Auditorium de Radio France accueillera les 30 novembre, 1er, 4 et 6 décembre 2020 cette nouvelle Tétralogie de Richard Wagner tant attendue également en version de concert avec l’Orchestre et les Chœurs de l’Opéra national de Paris sous la direction de Philippe Jordan. C’est d’ailleurs le 2è cycle wagnérien pour le directeur musical (premier Ring à Bastille en 2009) qui quittera ainsi ses fonctions à Paris.

Informations et renseignements sur les sites www.maisondelaradio.fr et www.operadeparis.fr
 

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Autres RVS de l’Opéra National de Paris

A L’OPERA BASTILLE
Du 16 au 31 décembre 2020, 6 représentations de l’opéra Carmen de Georges Bizet
Direction : Kéri-Lynn Wilson / Mise en scène : Calixto Bieito / Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
Du 4 décembre au 2 janvier 2021, 16 représentations du ballet La Bayadère de Rudolf Noureev. Les Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet de l’Opéra national de Paris.

À LA PHILHARMONIE DE PARIS
Les 16 et 17 octobre à 20h30 : Verklärte Nacht, op. 4 d’Arnold Schönberg et Eine Alpensinfonie, op. 64 de Richard StraussDirection : Philippe Jordan / Orchestre de l’Opéra national de Paris / Concert initialement prévu le 16 octobre à l’Opéra Bastille

À L’AUDITORIUM DE RADIO FRANCE
30 novembre, 1er, 4 et 6 décembre : Festival Ring de Richard Wagner en version concert / Direction : Philippe Jordan. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris

 

BRAHMS : Symphonies (Wiener Symphoniker / Ph. Jordan Live 2020 4 cd WS)

brahms symphonies ph jordan wiener symphoniker 4 cd WSO jordan critique review cd classiquenews WS021BRAHMS : Symphonies (Wiener Symphoniker / Ph. Jordan Live 2020) – Vienne a accueilli la création des Symphonies 2 et 3 de Brahms (Musikverein, sous la direction de Hans Richter) alors que le néo beethovénien faisait figure de champion contre les excès délirants et autobiographiques de Mahler ; la 1ère est créée à Karlsruhe en 1876 ; l’ultime n°4 à Meiningen sous la baguette de l’auteur en 1885. Philippe Jordan a donc toute légitimité pour sa dernière saison musicale à la tête de l’orchestre, de diriger les Wiener Symphoniker dont il est chef principal depuis 2014, dans quatre partitions s’inscrivant dans l’histoire de la musique viennoise. Fidèle à ses Wagner (remarquable intégrale du Ring à Bastille) comme à ses Verdi, Jordan cultive l’équilibre et la clarté, une articulation heureuse et hédoniste qui façonne Brahms dans le classicisme, moins dans le romantisme. Le chef freine tout entrain excessif, toute emphase passionnée (sauf la 3è à notre avis trop radicale dans ses propositions : les tempi allongés finissent par épaissir la texture orchestrale au détriment de l’élocution de l’écriture). Nonobstant voici une lecture au fini raffiné, aux intentions réfléchies (beaux dialogues entre cordes et bois) qui prolongent la réussite de sa précédente intégrale des Symphonies de Beethoven (WS 2017), éditée pour les 250 ans de Ludwig en 2020 (coffret CLIC de classiquenews, intégré dans notre grand dossier Beethoven 2020). La prise live ajoute à la vivacité du propos. Coffret WIENER SYMPHONIKER / Philippe Jordan : BRAHMS : SYMPHONIES (4 cd WS Wiener Symphoniker / live recordings 2020).

RING : Siegfried, Le Crépuscule des Dieux (Jordan, Bieito)

Wagner 2014 : Le Ring nouveau de BayreuthPARIS, Bastille. WAGNER : Le RING. 10 oct > 21 nov 2020. Après le cycle événement conçu par Günther Krämer (déjà dirigé par Philippe Jordan, Bastille 2013), l’Opéra de Paris présente sa nouvelle production de la Tétralogie wagnérienne, mise en scène cette fois par le catalan volontiers provocateur Calisto Bieito dont la vision reste souvent laide voire prosaïque, soulignant dans l’action tout ce qui relève de notre époque postmoderniste, cynique, barbare, désenchantée. Ce n’est pas ce nouveau cycle qui contredira sa réputation et force est de présumer que ce Ring s’affirmera par son réalisme désabusé et froid (comme sa Carmen, toujours à l’affiche). Coronavirus oblige, le théâtre parisien peut ouvrir ses portes par les deux dernières productions du cycle de 4 : Siegfried (3 représentations : les 10, 14 et 18 oct 2020) ; Le Crépuscule des dieux (3 représentations aussi, les 13, 17 et 21 nov 2020).

 

 

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SIEGFRIED (1876)
Opéra Bastille, les 10, 14 et 18 oct 2020
puis 26 nov et 4 décembre 2020
séance : 18h, le dimanche à 14h (18 oct)

RÉSERVEZ vos places
directement sur le site de l’Opéra de Paris
Durée : 5h15, avec 2 entractes

https://www.operadeparis.fr/saison-20-21/opera/siegfried

wagner-portrait-bayreuth-opera-dossier-wagner-ring-sur-classiquenewsQue vaudra cette nouvelle production ? Visuellement, les défis relevés par Calisto Bieito sont multiples. Comment se concrétiseront-ils ? Vocalement, le cast se révèle tout autant hypothétique, avec le Siegfried d’Andreas Schager, le Mime de Gerhard Siegel, le Wanderer de Iain Paterson, l’Alberich de Jochen Schemckenbecher, la Brünnhilde de Martina Serafin… Osons espérer que la force vocale et la puissance sonore ne sacrifieront pas ici l’articulation du texte. Karajan en son temps avait démontré, remarquablement, la pertinence d’une vision autant orchestrale que chambriste, en particulier permise par la diction et le sens des phrasés de ses solistes…

 

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LE CRÉPUSCULE DES DIEUX (1876)
Opéra Bastille, les 13, 17 et 21 nov 2020
repris les 28 nov et 6 déc 2020
séance : 18h, le dimanche à 14h (6 déc)

RÉSERVEZ vos places
directement sur le site de l’Opéra de Paris
Durée : 5h50, avec 2 entractes

https://www.operadeparis.fr/saison-20-21/opera/le-crepuscule-des-dieux

wagnerDémonisme des Gibishungen / grâce salvatrice de Brünnhilde… Ultime journée de la Tétralogie de Wagner, dans la mise en scène de Calisto Bieito. Si l’on retrouve les Siegfried d’Andreas Schager, Alberich de Jochen Schemckenbecher ; en revanche Brünnhilde a changé (Ricarda Merbeth). Or ici tout repose sur le couple manipulé mais lumineux et tragique de Siegfried et de Brünhilde, éprouvés par les intrigues du clan des Gibishungen dont les mâles Hagen (Ain Anger) et Gunther (Johannes Martin Kränzle) incarnent le démonisme le plus infect, inspiré par la haine et la conquête du pouvoir.

 

 

 

 

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L’ANNEAU DU NIBELUNG / LE RING en version intégrale

Affiche_(portrait)_Le_Ring_2020(2)L’Opéra Bastille propose l’ensemble du RING 2020, par Jordan et Bieito, en un festival complet, comprenant le Prélude et les 3 journées, en 2 cycles. Le Premier festival, les 23 nov (L’or du Rhin), 24 nov (La Walkyrie), 26 nov (Siefried) puis 28 nov (Le Crépuscule des dieux) ; puis le second festival : les 30 nov (L’or du Rhin), 2 déc (La Walkyrie), 4 déc  (Siefried) puis 6 déc (Le Crépuscule des dieux)

Réservez ici, directement sur le site de l’Opéra de Paris

pour les 2 festivals du RING : du 23 au 28 nov / du 30 nov au 6 déc 2020

 

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approfondir

 

 

LIRE NOS DOSSIER Siegfried et Le Crépuscule des dieux :

 

 

SIEGFRIED, éducation et maturité du jeune héros

Wagner : le Ring du Bayreuth 2014Siegfried se concentre sur le 2ème Journée de la Tétralogie ou Ring de Wagner. Les enchantements de la fable à laquelle se nourrit le Wagner conteur réalise ici une épopée héroïque et onirique qui récapitule après l’ivresse amoureuse et compassionnelle de La Walkyrie (1ère Journée), l’enfance du jeune héros puis sa transformation en jeune adulte victorieux amoureux. La figure est à l’origine de tout le cycle : on sait qu’au début de son oeuvre lyrique, avant la conception globale en tétralogie, Wagner souhaitait mettre en musique le vie et surtout la mort de Siegfried. C’est en s’intéressant aux événements qui précèdent l’avènement du héros, que le compositeur tisse peu à peu la matière du Ring (le prologue de L’Or du Rhin dévoilant la rivalité de Wotan et des Nibelungen, la malédiction de l’anneau et les sacrifices à accepter / assumer pour s’en rendre mettre) : tout converge vers la geste du champion qui n’a pas peur, et le sens de ce qu’il fait, est, devient. Dans Siegfried, drame musical en 3 actes, s’opposent le forgeron Mime qui est aussi l’éducateur de Siegfried, et Siegfried. Le premier vit dans l’espoir de reforger l’anneau qui donne la toute puissance : c’est un être calculateur, fourbe, peureux. Ce qu’il forge l’enchaîne à un cycle de malédiction.
Geste amoureux, héroïque de Siegfried

A l’inverse, Siegfried, être lumineux et conquérant, forge sa propre épée, Nothung, instrument de son émancipation (qui est aussi l’ex épée de son père Siegmund) : avec elle, il tue le dragon Fafner, et suit la voix de l’oiseau intelligible qui le mène jusqu’au rocher où repose sa futur épouse, Brünnhilde, ex walkyrie, déchue par Wotan. Comme dans La Walkyrie où se développe le chant amoureux des parents de Siegfried (Siegmund et Sieglinde), Siegfried est aussi un ouvrage d’effusion enivrée : quand le héros bientôt vainqueur du dragon, s’extasie en contemplant le miracle de la nature soudainement complice et protectrice (les murmures de la forêts). En portant le sang de la bête à ses lèvres, il est frappé de discernement et d’intelligence, vision supérieure qui lui fait comprendre les intentions de Mime… qu’il tue immédiatement : on aurait souhaité que dans le dernier volet, Le Crépuscule des dieux, Siegfried montrât une intelligence tout aussi affûtée en particulier vis à vis du clan Gibishungen… mais sa naïveté causera sa perte.
Pour l’heure, après l’accomplissement du prodige (tuer le dragon, prendre l’anneau), Siegfried découvre au III, l’amour, récompense du héros méritant : et Wagner, peint alors un tableau saisissant où Siegfried découvre Brünnhilde sur son roc de feu, puis l’enlace en un duo éperdu, digne des effluves tristanesques, au terme duquel, le fiancé remet à sa belle, l’anneau maudit. Dans Siegfried, se précise aussi la réalisation du cycle fatal : au début du III, le dieu si flamboyant dans L’Or du Rhin, Wotan : manipulateur (piégeant honteusement avec Loge, le nain Albérich), brillant bâtisseur (du Wallhala), négociateur (avec les géants), se découvre ici en “Wanderer†(voyageur errant), tête basse, épuisé, usé, renonçant au pouvoir sur le monde : la chute assumée de Wotan est criante lorsqu’il croise la route du nouveau héros Siegfried dont l’épée détruit la vieille lance du solitaire fatigué… Tout un symbole. De sorte qu’à la fin de l’ouvrage, la partition est portée à travers le duo des amants magnifiques (Siegfried / Brünnhilde) par une espérance nouvelle : Siegfried ne serait-il pas cette figure messianique, annonciatrice d’un monde nouveau ? C’est la clé de l’opéra. Mais Wagner réserve une toute autre fin à son héros car l’anneau est porteur d’une malédiction qui doit s’accomplir : tel est l’enjeu de la 3ème Journée du Ring : Le Crépuscule des dieux. Par Elvire James

 

 

Crépuscule des dieux : avènement des Hommes ?

L’orchestre suit en particulier tout ce qu’éprouve Brünnhilde, tout au long de l’ouvrage, tour à tour, ivre d’amour, puis écartée, trahie, humiliée par celui qu’elle aime : Siegfried trop crédule est la proie des machinations et du filtre d’oubli … une faiblesse trop humaine qui la mènera à la mort. Le héros se laissera convaincre de répudier Brünnhilde pour épouser Gutrune …

Musique de l’inéluctable
walkyrie-wagner-homepage-une-walkyrie-de-wagnerMais Brünnhilde est elle aussi manipulée par l’infâme Hagen. Le fils d’Albérich (qui surgit tel un spectre au début du II), intrigue et complote… forçant l’amoureuse à dévoiler le seul point faible du héros : son dos. Siegfried périra donc d’un coup de lance sous la nuque. Wagner compose alors l’une des pages les plus saisissantes du Ring pour exprimer la mort de Siegfried. C’est que la malédiction qui menace l’édifice, porté tant bien que mal par Wotan jusqu’à l’opéra Siegfried, se réalise finalement et l’anneau ira irrésistiblement aux filles du Rhin, ses véritables propriétaires. Entre temps, les hommes ont révélé leur vraie nature : dissimulation, fourberie, complots, coups bas, hypocrisie, manipulation, barbarie criminelle… Si dans l’Or du Rhin, Wagner avait représenter l’esclavage des opprimés sous le pouvoir d’Albérich le Nibelung, – portrait visionnaire des masses asservies par l’ultracapitalisme -, le Crépuscule des Dieux cultive un tension tout aussi âpre et mordante mais moins explicite. La musique et tout l’orchestre cisèle en un chambrisme subtil, l’océan des complots tissés dans l’ombre, l’impuissante solitude des justes dont évidemment Brünnhilde. Car c’est bien la Walkyrie déchue, la véritable protagoniste de ce dernier volet qui voit la fin des dieux et  … de la civilisation.  Face aux agissements de Hagen et son clan matérialiste, Brünnhilde prône la vertu de l’amour, seule source tangible pour l’avenir de l’humanité.
Rien n’est comparable dans sa continuité à l’ivresse hypnotique de la partition du Crépuscule des dieux. Le Voyage de Siegfried sur le Rhin, les retrouvailles avec Brünnhilde, le sublime prélude orchestral qui précède l’arrivée de Waltraute venue visiter sa soeur Walkyrie, le trio des conspirateurs à la fin du II, la mort du héros puis le grand monologue de la Brünnhilde sur le bûcher final sont quelques uns des jalons de l’épopée wagnérienne, l’une des plus incroyables fresques lyriques de tous les temps.

Au moment où Philippe Jordan poursuit son travail (admirable) sur l’orchestre de Wagner en dirigeant en mai et juin 2013, le dernier volet du Ring, Le Crépuscule des dieux, classiquenews partage sa passion de la musique de l’auteur de Tristan et souligne la réussite du compositeur dramaturge, en particulier dans la réalisation de son écriture orchestrale. C’est peu dire que le musicien fut un immense symphoniste, peut-être le plus grand de l’ère romantique …

On ne dira jamais assez le génie de Wagner quand hors de l’action proprement dite, par exemple concrètement : l’enchaînement et la réalisation des tractations infâmes de l’abject Hagen contre le couple Siegfried et Brünnhilde, le compositeur sait s’immiscer dans la psyché de son héroïne pour exprimer tout ce qui la rend grande et admirable : prenez par exemple l’intermède orchestral du I, assurant la transition entre la scène 2 et la scène 3 : alors que le spectateur découvre le gouffre démoniaque qui habite le noir Hagen digne fils d’Albérich – le rancunier vengeur et amer, Wagner nous transporte vers son opposé, lumineux, clairvoyant, loyal et capable de toute abnégation au nom de l’amour : Brünnhilde.
éclat des interludes symphoniques
Il n’est pas de contraste plus saisissant alors que ce passage orchestral qui étire le temps et l’espace, passant des abîmes ténébreux où le mal règne sans partage vers le roc où se tient la Walkyrie déchue : le chant des instruments (clairon, puis hautbois, enfin clarinette) dit tout ce que cette femme sublime a sacrifié, trahissant la loi du père (Wotan), accomplissant l’idéal terrestre de l’amour pur et désintéressé (pour Siegfried) … Wagner précise les didascalies : la jeune femme assume sa condition de mortelle et contemple l’anneau par la faute duquel tout est consommé et qui dans son esprit pur incarne a contrario de la malédiction qui s’accomplit, le serment amoureux qui la relie à son aimé … Bientôt paraît Waltraute sa soeur, Walkyrie venue du Walhalla de leur père pour récupérer l’anneau (car toujours toute action tourne autour de la bague magique et maudite : Wotan sait que s’il récupère l’anneau, son rêve politique et l’enfer qu’il a suscité, disparaîtra) …

Affiche_(portrait)_Le_Ring_2020(2)Wagner excelle dans la combinaison des thèmes ; tous tissent cet écheveau de pensée et de sentiments mêlés qui dans l’esprit de Brünnhilde fonde son destin d’amoureuse entière et passionnée, de femme et d’épouse bientôt bafouée, sans omettre l’immense source de compassion qui anime cet être miraculeux touché par la grâce … car bientôt, son vaste monologue final permettra de conclure tout le cycle, en une scène d’ultime sacrifice (comme dans Isolde).  Il faut mesurer dans l’accomplissement de cet interlude de près de 6mn (selon les versions selon les chefs) tout le génie de Wagner, dramaturge psychologique, dont l’écriture sait étirer le temps musical, abolir espace et nécessité de l’écoulement dramatique, atteignant ce vertige et cette effusion dont il reste le seul à détenir la clé sur la scène lyrique … Cet interlude est un miracle musical. La clé qui appréciée pour elle-même pourrait faire aimer Wagner absolument.
IIlustration : Brünnhilde et son cheval Grane … La Walkyrie par compassion pour les Wälsungen (Siegmund et Sieglinde) recueille leur fils Siegfried, l’épouse bravant la loi du père Wotan. La fière amoureuse allume le grand feu purificateur au dernier tableau du Crépuscule des dieux (Götterdämmerung) pour rejoindre dans la mort son époux honteusement assassiné par Hagen … Par Carter Chris-Humphray

 

 

Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 28 novembre 2019. Borodine : Le Prince Igor. Philippe Jordan / Barrie Kosky.

BorodineCompte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 28 novembre 2019. Borodine : Le Prince Igor. Philippe Jordan / Barrie Kosky. Opéra inachevé de Borodine, (portrait ci contre), Le Prince Igor semble devoir enfin trouver une reconnaissance en dehors de la Russie, comme le prouvent les récentes productions de David Poutney (à Zurich et Hambourg) ou de Dmitri Tcherniakov à New York (voir le compte-rendu du dvd édité à cette occasion http://www.classiquenews.com/tag/borodine), et surtout l’entrée au répertoire de cet ouvrage à l’Opéra national de Paris, avec un plateau vocal parmi les plus éblouissants du moment. Si l’ouvrage reste rare, le grand public en connait toutefois l’un de ses « tubes », les endiablées Danses polovtsiennes, popularisées par le ballet éponyme de Serge Diaghilev monté en 1909.

Comme à New York, on retrouve l’un des grands interprètes du rôle-titre en la personne d’Ildar Abdrazakov, toujours aussi impressionnant d’aisance technique et de conviction dans son jeu scénique, et ce malgré un timbre un peu moins souverain avec les années. A ses côtés, également présente dans la production de Tcherniakov, Anita Rachvelishvili n’en finit plus de séduire le public parisien par ses graves irrésistibles de velours et d’aisance dans la projection. Après son interprétation musclée ici-même voilà un mois (voir le compte-rendu de Don Carlo : http://www.classiquenews.com/compte-rendu-critique-opera-paris-bastille-le-25-oct-2019-verdi-don-carlo-fabio-luisi-krzysztof-warlikowski/), la mezzo géorgienne se distingue admirablement dans un rôle plus nuancé, entre imploration et désespoir.

 

 
 

Le Prince Igor / Barrie Kosky / Philippe Jordan / Alexandre Borodine /

 

 

L’autre grande ovation de la soirée est réservée à Elena Stikhina, dont on peut dire qu’elle est déjà l’une des grandes chanteuses d’aujourd’hui, tant son aisance vocale, entre velouté de l’émission, impact vocal et articulation, sonne juste – hormis quelques infimes réserves dans l’aigu, parfois moins naturel. Cette grande actrice, aussi, se place toujours au service de l’intention et du sens. Pavel Černoch (Vladimir) est peut-être un peu plus en retrait en comparaison, mais reste toutefois à un niveau des plus satisfaisants, compensant son émission étroite dans l’aigu et son manque de puissance, par des phrasés toujours aussi raffinés. On pourra aussi reprocher au Kontchak de Dimitry Ivashchenko des qualités dramatiques limitées, heureusement compensées par un chant aussi noble qu’admirablement posé. A l’inverse, Dmitry Ulyanov compose un Prince Galitsky à la faconde irrésistible d’arrogance, en phase avec le rôle, tout en montrant de belles qualités de projection et des couleurs mordantes. Enfin, Adam Palka et Andrei Popov donnent une énergie comique savoureuse à chacune de leurs interventions, sans jamais se départir des nécessités vocales, surtout la superlative basse profonde d’Adam Palka.
Pour ses débuts à l’Opéra national de Paris, le chevronné Barrie Kosky ne s’attendait certainement pas à pareille bronca, en grande partie imméritée, tant les nombreuses idées distillées par sa transposition contemporaine ont au moins le mérite de donner à l’ouvrage un intérêt dramatique constant, que le faible livret original ne peut raisonnablement lui accorder. Si on peut reprocher à ces partis-pris une certaine uniformité, ceux-ci permettent toutefois de placer immédiatement les enjeux principaux au centre de l’intérêt. Ainsi de la première scène qui montre Igor comme une figure messianique éloignée des contingences matérielles, tout à son but guerrier au détriment de son épouse délaissée. A l’inverse, Kosky décrit Galitsky comme un héritier bling bling et violent, seulement intéressé par les loisirs et autres attraits féminins. La scène de la piscine et du barbecue, tout comme le lynchage de la jeune fille, donne à voir une direction d’acteur soutenue et vibrante – véritable marque de fabrique de l’actuel directeur de l’Opéra-Comique de Berlin.
Ce sera là une constante de la soirée, même si la deuxième partie surprend par le choix d’une scénographie glauque et sombre : Kosky y prend quelques libertés avec le livret, en donnant à voir un Igor ligoté et torturé psychologiquement par ses différents visiteurs. Dès lors, le ballet des danses polovtsiennes ressemble à une nuit de délire, où Igor perd pied face au tourbillon des danseurs masqués autour de lui. L’extravagance pourtant audacieuse des costumes, d’une beauté morbide au charme étrange, provoque quelques réactions négatives dans le public, déconcerté par les contre-pieds avec le livret – de même que lors de la scène finale de l’opéra, où les deux chanteurs annoncent le retour d’Igor. Kosky refuse la naïveté de l’improbable retournement final : comment croire qu’un peuple hagard va suivre deux soulards factieux pour chanter les louanges d’un sauveur absent ? Au lieu de cela, le groupe se joue des deux malheureux en un ballet satirique tout à fait justifié au niveau dramatique.

Le chœur de l’Opéra de Paris donne une prestation des grands soirs, portant le souffle épique des grandes pages chorales, assez nombreuses en première partie, de tout son engagement. Dans la fosse, Philippe Jordan montre qu’il est à son meilleur dans ce répertoire, allégeant les aspects grandiloquents pour donner une lecture d’une grâce infinie, marquée par de superbes couleurs dans les détails de l’orchestration. Un grand spectacle à savourer d’urgence pour découvrir l’art de Borodine dans toute son étendue.

 

 
 

 
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Compte-rendu, opéra. Paris, Opéra, le 28 novembre 2019. Borodine : Le Prince Igor. Philippe Jordan / Barrie Kosky. Ildar Abdrazakov (Prince Igor), Elena Stikhina (Yaroslavna), Pavel Černoch (Vladimir), Dmitry Ulyanov (Prince Galitsky), Dimitry Ivashchenko (Kontchak), Anita Rachvelishvili (Kontchakovna), Vasily Efimov (Ovlur), Adam Palka (Skoula), Andrei Popov (Yeroschka), Marina Haller (La Nourrice), Irina Kopylova (Une jeune Polovtsienne). Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Philippe Jordan, direction musicale / mise en scène Barrie Kosky. A l’affiche de l’Opéra de Paris jusqu’au 26 décembre 2019. Photo : Opéra national de Paris 2019 © A Poupeney

 
 

Compte-rendu, concert. Toulouse,Halle-Aux-Grains, le 18 juin 2016. Richard Wagner: L’anneau du Nibelungen, extraits. Martina Serafin; Philippe Jordan.

jordan - Philippe-Jordan-008TOULOUSE, FIN DE SAISON DES GRANDS INTERPRETES EN APOTHEOSE. Concert événement qui a permis d’entendre de larges extraits du Ring par un orchestre somptueux et son chef talentueux pour leur première venue à Toulouse. Philippe Jordan, avait émerveillé public et critiques lors de la Tétralogie montée à l’Opéra de Paris pourtant controversée scéniquement et en a gravé un CD d’extraits magnifiques, sensiblement identiques au programme de ce soir. Nous n’allons pas détailler les extraits choisis pour dégager un effet général sensationnel qui permet à travers thèmes et leitmotiv de vivre les grands moments de la cosmogonie wagnérienne. Dire que les voix ne nous ont pas vraiment manqué, c’est reconnaître combien Philippe Jordan a construit une tension dramatique et lyrique de la plus grande séduction tout du long.

Sa direction semble absolument naturelle obtenant de son orchestre une clarté digne d’un Karajan, une mise en lumière de la structure à la manière d’un Boulez, tout en ayant le lyrisme d’un Boehm en live et le sens du drame cosmique d’un Solti. En ce sens l’apothéose de la scène finale avec la soprano Martin Serafin a produit une sensation de plénitude comme d’aboutissement.

Mais n’oublions pas de mentionner la perfection instrumentale de cet orchestre incroyablement doué qui sorti de la fosse avec un nombre de musicien biens supérieur à ce qu’une fosse, même Bastille, peut contenir (les six harpes!), a fait merveille.

Couleurs rutilantes ou subtilement mélancoliques, nuances sculptées dans la matière la plus noble, phrasés voluptueux ou rugueux, mise en exergue des leitmotiv les plus rares, tout mérite nos éloges. Les geste de Philippe Jordan sont non seulement d’une noble beauté mais ils s’adressent à chaque instrumentiste avec amitié voir gourmandise.

Tempi de parfaite tenue dans un gant de velours de la main droite et gestes d’une expressivité de danseur de la main gauche, Philippe Jordan aime cette partition comme son orchestre et offre au public un bonheur incroyable. Le novice qui arrive à Wagner par ce concert n’en revient pas de la variété et de la profondeur de la partition extraite de la Tétralogie ; le connaisseur du Ring se régale de ces raccourcis et choix si complets permettant de retrouver tant de leitmotiv aimés tout en suivant les drames des héros.

Comme cette partition dramatique trouve en concert une dimension symphonique majestueuse et puissante, tout en offrant des îlots de musique de chambre !

Pour terminer, l’immolation de Brünnhilde met en lumière les extraordinaires qualités de Martin Serafin. Grande voix homogène sur toute la tessiture avec un vibrato entièrement maitrisé, elle sait projeter le texte si expressif de Wagner entre imprécations terribles, plaintes sublimes et adieux déchirants.

Le legato dès sa première phrase rappelle quelle qualité musicale elle a par ailleurs dans Mozart, Verdi et Strauss. Philippe Jordan semble développer sa gestuelle vers encore plus de lyrisme et davantage de sensualité dans une écoute parfaite qui lui permet à chaque instant de doser les nuances de son orchestre pour soutenir la voix.

Les qualités instrumentales de chacun sont tout simplement prodigieuses avec des cors délicats dans leurs attaques et leurs nuances, des cuivres dosant leur puissance jusqu’aux plus terribles sonorités, des cordes soyeuses et lumineuses, et des bois d’une expressivité incroyable se faisant chanteurs. Les percussions jusqu’aux marteaux et enclumes sont d’une précision diabolique.Enfin il est si rare d’entendre avec cette pureté les 6 harpes.

Wagner est un incroyable sorcier alliant lyrisme et symphonisme, et Philippe Jordan, un magicien liant bien des sentiments humains dans sa direction. Un moment magique.

Compte-rendu, concert.Toulouse, Halle-Aux-Grains, le 18 juin 2016. Richard Wagner (1813-1883): L’anneau du Nibelungen, extraits symphoniques et immolation de Brünnhilde. Martina Serafin, soprano; Orchestre de l’Opéra National de Paris; Philippe Jordan, direction.

Compte rendu, opéra. Paris. Opéra Bastille, le 9 mai 2016. R. Strauss : Der Rosenkavalier. Herbert Wernicke / Philippe Jordan

Retour du Chevalier à la Rose de Richard Strauss à l’Opéra Bastille ! Le chef-d’oeuvre incontestable du XXe siècle revient sur les planches de la grande maison parisienne dans l’extraordinaire mise en scène désormais légendaire du regretté Herbert Wernicke, avec une distribution solide et dont l’absence notoire d’Anja Harteros programmée initialement, n’enlève rien à sa substance ni à sa qualité ! Philippe Jordan dirige l’Orchestre de l’Opéra avec un curieux mélange de sagesse et de trépidation.

Reprise de la production mythique du regretté Herbert Wernicke…

Der Rosenkavalier : l’ambiguïté qui fait mouche

L’opéra détesté par les fanatiques so avant-garde du Richard Strauss révolutionnaire et expressionniste, l’est aussi par les âmes romantiques qui cherchent l’exaltation facile du chromatisme musical interminable du XIXe siècle. Les pseudo-historiens s’agitent devant l’idée qu’on joue la valse dans une pièce ayant lieu au XVIIIe, les amateurs de voix d’homme s’énervent devant l’absence du beau chant masculin, les puritains encore s’offusquent devant le fait qu’Octavian, comte de Rofrano, soit interprété en travesti par une femme (quand c’est le Cherubino de Mozart ça passe!)… Oeuvre trop passéiste et pasticheuse pour les laquais de la modernité, d’une ambiguïté inadmissible pour ceux qui s’attachent à un cartésianisme désuet, serait-elle une Å“uvre trop exceptionnelle pour un monde (trop) ordinaire ?

 

 

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Si nous devrions dénoncer la frivolité des visions si étroites sur l’opus, ou encore expliquer la profondeur métaphysique et complexité artistique de Richard Strauss avec son librettiste Hugo von Hoffmanntshal, nous n’aurions pas assez de pages ! Der Rosenkavalier, comédie en musique, raconte l’histoire d’une Princesse, Marie-Thérèse de l’Empire Autrichien, de son jeune amant Octavian, comte de Rofrano, du cousin rustique de la première, le Baron Ochs, cherchant à se marier avec la fille d’un riche bourgeois, Sophie Faninal, en quête de particule… Marie-Thérèse propose Octavian à son cousin pour la présentation de la rose d’argent, coutume qui scelle une demande en mariage. Elle le fait dans la précipitation puisqu’elle se fait interrompre par le Baron après une nuit torride avec son jeune amant qui se déguise en camériste pour l’honneur. Les quiproquos s’enchaînent et le plan tourne au vinaigre parce qu’Octavian tombe amoureux de Sophie Faninal, et réciproquement. Mais le vinaigre est loin de faire partie du vocabulaire artistique du couple Strauss / von Hoffmannsthal, et, après d’autres quiproquos et maintes valses, l’opéra et le personnage de la Maréchale Marie-Thérèse surtout se révèlent d’une grande profondeur, à la fois méditation sur le passage du temps et la bienveillance (Marie-Thérèse cautionne et cause le lieto fine en bénissant l’union des jeunes, à l’encontre de sa fougue pour Octavian et des plans du Baron Ochs) et commentaire social presque clairvoyant, annonçant la fin de l’Empire.
Der Rosenkavalier est aussi un hommage à la musique, comme Richard Strauss seul peux les faire (et il l’a fait souvent!). C’est aussi un opéra Mozartien dans son inspiration, explicite et implicitement. Il s’agît d’un opéra où le chant exquis côtoie l’humour provocateur voire grossier, à côté d’un orchestre immense, associant rococo, impressionnisme, expressionnisme, chromatisme “wagnereux”, valse viennoise de salon, etc. Dans ce sens l’orchestre de l’Opéra sous la baguette du chef maison Philippe Jordan, paraît s’accorder magistralement à l’esprit de l’opus, où l’ambiguïté et les contrastes règnent. Si nous trouvons que le rythme est quelque peu timide parfois, avec quelques lenteurs inattendues pour une comédie avec tant de vivacité, nous sommes de manière générale très satisfaits de la performance. La phalange maîtrise complètement le langage straussien, et les effets impressionnistes, le coloris, les vents parfois mozartiens, sont interprétés de façon impeccable et avec une certaine prestance qui sied bien.

 

 

 


DISTRIBUTION. Si la Marie-Thérèse de Michaela Kaune prend un peu de temps à se chauffer au soir de cette première, elle campe son personnage avec dignité. De fait, le trio des voix féminines qui domine l’œuvre est en vérité tout à fait remarquable ! Si la princesse est plus nostalgique qu’espiègle, plus maternelle qu’amoureuse, l’Octavian de Daniela Sindram compense en fougue juvénile et brio ardent. La Sophie d’Erin Morley a sa part de comique et de piquant, qu’elle incarne très bien, tout en gardant un je ne sais quoi d’immaculé dans son chant. Si le duo de la présentation de la rose au IIe acte entre Octavian en Sophie est un moment extrêmement envoûtant à couper le souffle et inspirer des frissons, le trio « Hab mir’s gelobt » à la fin du IIIe acte est LE moment le plus sublime, suprême absolu, frissons et larmes se fondant dans les voix des femmes, devenues pure émotion et pure lyrisme, à l’effet troublant et irrésistible, une sensation de beauté édifiante (et pas tragique!).
Si Peter Rose n’est pas mauvais en Baron Ochs, au contraire interprétant son pianissimo au premier acte de façon plus que réussie, tout comme son presque air du catalogue au deuxième, avouons cependant qu’il participe à la lenteur qui s’est installée par endroits ; il s’agît là peut-être d’une interprétation quelque peu timide d’un personnage qui est à l’antipode de la réserve et de la timidité. Un bon effort. Les personnage secondaires sont nombreux mais ils sont de surcroît investis dans leur jeu ; comme c’est réjouissant ! Soulignons la performance du chanteur italien, le ténor Francesco Demuro dont le « Di rigori armato il seno » est le moment belcantiste de la soirée (très beau chant de ténor), comme l’excellent Faninal du baryton Martin Gantner, la piquante Marianne d’Irmgard Vilsmaier et surtout la fabuleuse Annina d’Eve-Maud Hubeaux faisant ses débuts bien plus qu’heureux à l’Opéra National de Paris, et qui se montre à la fois bonne actrice et maîtresse mélodiste à la fin du IIe acte. Les choeurs de l’opéra dirigés par José Luis Basso sont comme d’habitude en bonne forme et leur prestation satisfait.
L’un des chef-d’oeuvre lyriques de toute l’histoire de la musique est ainsi à voir et revoir et revoir sans modération,particulièrement recommandé malgré les inégalités et les faits divers qui fondent nos (petites) réserves ! La mise en scène transcende le temps et l’espace tout en restant élégante et ambiguë comme l’opus qu’elle sert… L’orchestre est excellent qui s’accorde aux efforts des chanteurs hyper engagés pour la plupart… A voir absolument encore à l’Opéra Bastille, les 12, 15, 18, 22, 25, 28 et 31 mai 2016 !

 

 

Compte rendu, opéra. Paris. Opéra Bastille, le 9 mai 2016. R. Strauss : Der Rosenkavalier. Michaela Kaune, Peter Rose, Daniela Sindram, Erin Morley… Orchestre et choeur de l’Opéra de Paris. Herbert Wernicke, mise en scène, décors, costumes. Philippe Jordan, direction musicale.

 

 

 

Compte-rendu, concert. Gstaad, Tente du Festival. Le 5 septembre 2015. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.7 ; Franz Schubert (1797-1828) : Symphonie N°9 dite la « Grande ». Nikolaj Znaider (violon) ; Wiener Philharmoniker. Philippe Jordan, direction.

jordan-Philippe-Gstaad-festival-2015Célèbre pour ses pistes de skis, la petite bourgade qu’est Gstaad, située dans l’Oberland bernois, est aussi un havre pour le mélomane. Chaque été, étalé sur sept semaines, le Festival Menuhin – placé sous la houlette de Christoph Müller depuis 2002 - accueille les plus grands artistes internationaux : cette année Jonas Kaufmann, Jean-Yves Thibaudet, Cecilia Bartoli, Andras Schiff ou Zubin Mehta (avec « son » Orchestre Philharmonique d’Israël) – pour n’en citer que quelques-uns. En attendant la construction (toujours repoussée) d’une salle à l’allure futuriste commandée à l’architecte Rudy Ricciotti (Mucem de Marseille), les principaux concerts ont lieu sous la tente du festival, comme c’est le cas ce soir pour la venue de Philippe Jordan et des Wiener Symphoniker, dont il est directeur musical depuis l’an passé.

En première partie, le célèbre violoniste israëlo-danois Nicolaj Znaider, colosse de près de deux mètres, vient faire chanter son Guarnerius del Gesù, dans le célèbre Concerto pour violon de Brahms. Tour à tour, exalté, éloquent, charmeur, il subjugue autant que l’orchestre qui lui sert d’écrin. Au-delà d’une technique aguerrie et sans faille, c’est merveille d’entendre le lyrisme, le phrasé et les superbes nuances piano qu’il distille au moyen de son fabuleux instrument. Si l’Adagio possède toute la suavité attendue, l’allegro giocoso nous gratifie quant à lui d’une confondante virilité. Il offre en bis la Sarabande de Bach dont l’ineffable poésie suscite une intense émotion parmi l’auditoire… à en juger la qualité du silence qui suit !

 

 

 

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Après l’entracte, Jordan dirige la Symphonie N°9 de Franz Schubert (depuis longtemps un des morceaux de bravoure des grands orchestres symphoniques), qu’il vient d’enregistrer avec les Wiener : autant dire qu’il est en terrain connu, à tel point d’ailleurs qu’il la dirige sans partition. Le résultat est incontestablement beau, même si – dans l’Andante – le hautbois aurait pu sonner de manière plus émouvante. Prenant un tempo plutôt vif (surtout dans les deux premiers mouvements), Philippe Jordan bénéficie d’un orchestre de très haut niveau, qui fait entendre des couleurs assez automnales. Avec cette couleur sonore, l’angoisse et la tristesse demeurent bien au premier plan – lors même que Jordan se garde bien d’en rajouter en termes de pathos. Pour ne pas changer d’atmosphère, il propose en bis – après de nombreux rappels – la sublime ouverture « Rosamunde », du même Schubert, qui achève de faire fondre l’audience…

 

 

Compte-rendu, concert. Gstaad, Tente du Festival. Le 5 septembre 2015. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.7 ; Franz Schubert (1797-1828) : Symphonie N°9 dite la « grande ». Nikolaj Znaider (violon) ; Wiener Philharmoniker. Philippe Jordan, direction.

 

 

CD, compte rendu. Maurice Ravel. Daphnis et Chloé (Philippe Jordan, 1 cd Erato 2014)

RAVEL daphnis et chloe raveldaphnisjordanCD, compte rendu. Maurice Ravel. Daphnis et Chloé (Philippe Jordan, 1 cd Erato 2014). C’est un superbe accomplissement qui outre sa pleine réussite dans les équilibres si ténus chez Ravel, confirme les affinités indiscutables de Philippe Jordan avec la musique française. Le choix du programme reste très pertinent car il apporte une lecture enfin nouvelle sur Daphnis et Chloé, ne serait-ce que par la présence « rectifiée » des voix chorales, éléments essentiel ici quand il est souvent relégué (à tort) dans d’autres versions… Le chœur (opportunément très présent dans la prise de cet enregistrement parisien de 2014) apporte cette couleur vocale imprécise et flottante (il ne dit rien de précis ou ne participe pas linguistiquement à l’action), emblème de ce néoclassicisme dont rêvait Ravel. Mais que Diaghilev sut écarter lors d’une reprise londonienne en 1914, goût ou économie oblige ?

La subtilité de la partition ravélienne grandit dans cette restitution sonore où les instruments pèsent autant que les voix. La récente production du Roi Arthus de Chausson, révélée dans sa parure orchestrale l’a démontré à l’Opéra Bastille : Philippe Jordan sait faire chanter et parler l’orchestre parisien avec une finesse de ton rare, qui l’inscrit dans le sillon de son père, Armin. Ecoute intérieure, équilibre des pupitres, lisibilité et voile générique, hédonisme et motricité, le chef actuel directeur musical de la Maison parisienne cisèle et sculpte avec autant de tact que de puissance, révélant comme personne avant lui, – de notre propre expérience récente, le Wagner de Tannhaüser ou surtout du Ring. Chambrisme et rugosité véhémente d’un orchestre qui est devenu son complice. Le travail et l’entente s’écoutent ici, au service d’un Ravel à la fois sensuel et impressionniste, antiquisant et onirique au delà de toute imagination. La baguette éclaire l’oeuvre en la rendant non à son raffinement précieux mais à sa sobriété enchanteresse.

Daphnis et Chloé étincelle d’intelligence et d’accomplissement imprévus oubliés : une série de révélation sonore en cascade grâce à la baguette enchantée du chef suisse.  La Valse surenchérit dans le registre de la sensualité instrumentale ; elle s’élève encore d’une marche pour atteindre cette lascivité impudique, osant des oeillades à peine voilées pour une extase enfiévrée proprement irrésistible. D’un paganisme franc et mouvant, Philippe Jordan, à la fois caressant, suggestif, nerveux, fait émerger les mélodies les unes après les autres avec un sens inné de la séduction comme de la continuité organique (pour ne pas dire charnelle). Cette version n’aurait pas déplu à Béjart pour sa chorégraphie, s’il l’avait connue. Magistral. Paris a la chance de bénéficier d’un chef d’une telle maturité raffinée. Et si l’Orchestre national de Paris était le meilleur orchestre à Paris ?

CLIC_macaron_2014CD, compte rendu. Maurice Ravel. Daphnis et Chloé (Ballet en un acte, créé le 29 mai 1913), La Valse (Poème chorégraphique, créé le 12 décembre 1920). Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris. Philippe Jordan, direction. 1 cd Erato 0825646166848, 1h08mn. Enregistré à Paris en octobre 2014.

Tristan und Isolde de Wagner par Philippe Jordan

logo_francemusiqueFrance Musique, le 17 mai, 19h.Wagner : Tristan und Isolde, Production Sellars. Philippe Jordan (avril 2014). Après Salonen (2005), Bychkov (2008), Philippe Jordan reprend le pari de cette production contestée, mais événement : son excès de visuel (les immenses tableaux vivants de Bill Viola, finissant pour certains par “polluer” l’action scénique – si confidentielle-, et la fosse. A la radio, c’est à dire nettoyée de ses artifices trompeurs pour les yeux, le spectacle capté en avril 2014, se concentre sur le travail remarquable d’articulation et de profondeur chambriste de Philippe Jordan, véritable héros de la soirée. D’autant que les solistes, au contact d’une direction aussi filigranée, intérieure, mystérieuse, semblent eux aussi produire de la magie pure : Violetta Urmana fait une Isolde nuancée, elliptique, réussissant enfin les passages pleine voix et pianissimi (suivant la baguette du chef alchimiste). Hélas, le Tristan de Robert D. Smith nage en eaux plus troublées : timbre râpeux et chant limité, usé dans le III. Heureusement, Franz-Josef Selig impose un Mark noble, trouble, maîtrisé, de très grande allure : humain et déchiré. Repris et dédié à Gérard Mortier, décédé il y a peu, le spectacle parisien grâce à la baguette halluciné et en transe d’un Jordan miraculeux enchante de bout en bout. Très grand moment d’envoûtement wagnérien auquel vous ne resterez pas de marbre. Diffusion événement.

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Illustration : Gary Lehmann, Violetta Urmana (Bill Viola studio)

CD. Wagner : extraits du Ring. Philippe Jordan (Erato)

Après un précédent symphonique tout aussi jubilatoire dédié à la Symphonie Alpestre de Strauss, autre massif orchestral d’envergure – et aussi de ciselure instrumentale-, Philippe Jordan et les musiciens de ” son ” orchestre de l’Opéra de Paris, retrouvent ici le studio d’enregistrement pour la totalité wagnérienne, miroir des représentations du Ring, doublement présenté à Bastille pour l’année Wagner 2013.

 

 

Wagner : chambrisme somptueux

 

philippe-jordan-wagner-ring-extraitsOn reste déçus par le minutage chiche du double coffret, bien économe et plutôt très synthétique sur la somme totale ainsi dirigée dans la fosse parisienne. Mais reconnaissons que le transfert du geste, de Bastille au studio souligne les qualités propres de l’orchestre parisien et du chef : transparence, lumière, cohésion, rondeur… Souvent le visuel de couverture renseigne sur l’intention poétique du projet : ici un superbe paysage montagneux, – la cime wagnérienne n’est pas si loin- dont l’arête impressionnante et toute la structure se laissent deviner – impressionnante- sous une brume esthétisante et poétique… un voile suggestif qui n’empêche pas la claire définition du détail.
D’emblée, la lecture parisienne sous l’impulsion musicale du chef suisse se distingue à toute autre approche : sonorité onctueuse et coulante, d’une cohésion irréprochable avec cette nuance de clarté et de transparence, lumineuse et éloquente, qui fait la caractéristique majeure de la lecture. C’est un Wagner à la fois somptueusement lyrique et surtout chambriste qui se réalise ici, étirant le temps et sa suspension jusqu’à rompre la corde dramatique. La scène finale où Brunnhilde récapitule en une vision pleine de promesse pour le futur, l’ensemble de l’épopée manque parfois de frisson et de fulgurance (la faute en revient à Ninna Stemme – invitée à Bastille aussi pour chanter Elisabeth dans Tannhäuser : voix ductile et chaude, mais verbe sans accent ni fièvre) , ce qui fait habituellement le prix d’une captation live… mais l’unité et la distance poétique au service d’une opulence constante des couleurs instrumentales s’imposent à nous de façon irrésistible.
Voici un Wagner, pensé, mûri, mesuré, esthétisant dont l’équilibre dans sa réalisation nous rappelle la leçon récente menée à Dijon par Daniel Kawka, dans un Ring réécrit (donc très contesté) mais musicalement irréprochable. En 2013, Wagner a donc connu les honneurs des musiciens dans l’Hexagone. Ce double disque magnifique en recueille les fruits les plus scrupuleusement travaillés, les plus immédiatement chatoyants et convaincants. Bravo à Erato d’en permettre la gravure pour notre plus grand plaisir. Car au moment des représentations parisiennes, le Ring de Jordan avait quelque peu pâti des critiques épinglant à torts le travail scénique du metteur en scène Günter Krämer.

 

WAGNER : Extraits du Ring
L‘or du Rhin : Prélude
La Walkyrie : La Chevauchée des Walkyries – L‘incantation du feu
Siegfried : Les murmures de la forêt
Le crépuscule des Dieux : Voyage de Siegfried sur le Rhin – Marche funèbre de Siegfried,
Scène finale “Starke Scheite“ (Nina Stemme, soprano). Chœurs & Orchestre de l’Opéra National de Paris. Philippe Jordan, direction. 2CD ERATO 5099993414227

 

 

Compte-rendu : Paris. Opéra Bastille, le 25 mai 2013. Wagner: Le Crépuscule des dieux … Philippe Jordan, direction. Günter Krämer, mise en scène.

BANNER ODP GOTTERDAMMERUNGSur quels critères juge-t-on qu’une nouvelle production du Ring est réussie ? L’enchantement des évocations légendaires, le souffle de la fosse, la tenue globale des chanteurs, la cohérence et la lisibilité de la mise en scène … Reconnaissons que sur le premier point, la reprise de ce Crépuscule signé Günter Krämer en décevra beaucoup : aucune féerie ici mais une lecture plutôt cynique et désenchantée qui souligne par contre tout ce que l’écriture et la pensée de Wagner ont réalisé dans le genre critique, parodique même, le Ring étant entendu comme une cruelle parabole de la barbarie et de l’horreur humaines. Voyez au II, cette restitution de rituel nazi collectif quand Hagen assisté de son père Albérich stimule le sang de ses soldats tout en demandant à Siegfried le récit de ses derniers exploits …

Crépuscule symphonique

En fait rien de surprenant dans cette vision froide et parfois très laide : Wagner ne convoque pas dieux, walkyries, rois, heaume et anneau magiques pour faire rêver, mais bien au contraire pour dénoncer l’ignominie dont sont capables tous les hommes au nom du pouvoir et de l’or. Partant de là, le malentendu étant levé, la mise en scène de Krämer se défend d’elle-même.
En revanche, les réalisations vidéo qui ponctuent les 3 actes de ce Crépuscule nous paraissent inutiles et au regard des moyens de l’Opéra de Paris, non seulement anecdotiques … mais indignes d’une telle maison : infliger aux spectateurs pendant la sublime apothéose orchestrale qui suit la mort de Siegfried, ce grand panneau éblouissant qui est censé exprimer l’élévation du héros vers le ciel, comme plus tard, cette immense playstation où un revolver extermine un à un les dieux du Walhalla (après le grand monologue de Brünnhilde) est d’un goût douteux ; ce sont des idées revues et remâchées qui n’apportent rien de neuf ni de pertinent à la lecture  ; que le metteur en scène veuille faire jeune et emprunter us et coutumes des plus branchés, soit, mais que cela soit alors bien fait ; l’apothéose du héros ainsi vidéographiée relève d’une infographie bas de gamme assez consternante … complètement ratée (images figées, rémanentes qui peinent à exprimer la montée des marches de l’immense escalier menant au paradis des élus …
A part cela, l’évocation des eaux du Rhin par le même panneau, quand les 3 naïades paraissent à deux reprises sur la scène (surtout au début du III) est réussie ; pour autant, contrairement à L’Or du Rhin, – capable de superbes tableaux oniriques, forts et spectaculaires (la multitude des mains singeant l’ondulation des poissons au tout début, ou l’armée des travailleurs asservis par Alberich au Nibelung, avec cet immense pendule qui rythme leur activité et semble aussi les laminer un à un …), Günter Krämer nous a semblé en manque d’idées en fin de cycle.

Le véritable bonheur de ce Crépuscule comme de tout le cycle wagnérien à Bastille, s’inscrit définitivement dans la fosse : la direction de Philippe Jordan est souvent saisissante ; flamboyante et intérieure, lumineuse et transparente, ciselant tout ce que le Ring doit à la sensualité vénéneuse de Tristan et tout ce en quoi la partition créée en août 1876 annonce ce temps dilaté et cet espace qui s’étire à venir avec Parsifal. Le chef obtient tout des musiciens de l’Opéra : un miracle instrumental qui satisfait aux exigences du drame, entre psychologie et succession des situations de plus en plus oppressantes.

Les forces du cynisme à l’Å“uvre …

Les intermèdes purement symphoniques sont d’une profondeur rare, insistant sur les enjeux psychiques qui se mêlent : illusion fatale pour Siegfried (son voyage sur le Rhin), même aveuglement pour Brünnhilde (interlude exprimant sa solitude et le sacrifice dont elle a été capable, avant que ne paraisse Waltraute, … ) ; surtout musique du mal et d’un diabolisme souverain pour Hagen et son père Albérich, les vrais initiateurs de la tragédie ; les Gibichungen, Gunther et Gutrune n’étant que tout à fait à leur place sur le plateau des désenchantements : des pions insignifiants sur l’échiquier maîtrisé par Hagen.

De ce point de vue, le cynisme explicite de la vision Krämer s’incarne idéalement dans la figure recomposée de Hagen : le fourbe manipulateur paraît en fauteuil roulant, toujours face au public, observateur froid et cynique, analysant chaque situation pour en exploiter le potentiel barbare afin d’atteindre son objectif : supprimer Siegfried, récupérer l’or … La silhouette est la meilleure idée de la production ; on apprécie d’autant plus de le voir enfant jouant avec sa gouvernante en début d’opéra, puis clouer à sa chaise jusqu’à la fin que son omniprésence renforce le parti pris de Krämer : Le Crépuscule de dieux est bien l’opéra de Hagen. L’incarnation d’un cynisme barbare absolu.

Hans-Peter König se montre indiscutable, l’égal par sa conviction et sa noirceur de l’incomparable Matti Salminen (pilier de l’excellente version Janowski de 1983 à Dresde aux côtés de Janine Altemeyer et René Kollo dans les rôles de Brünnhilde et Siegfried-, ce même Matti Saminen, également programmé pour la reprise du Crépuscule à Bastille le 26 juin prochain) ; plus frêle et aussi manipulateur, l’Alberich de Peter Sidhom est tout autant mordant et maléfique … machiavélique force de l’ombre qui pourtant étonne par cette fragilité inquiète quand il exhorte son fils trop dominant à lui demeurer fidèle coûte que coûte … au début du II ; voici deux chanteurs acteurs épatants qui ne trouvent guère de partenaires à leur hauteur s’il n’était les deux personnages clés Gibichungen : saluons ainsi l’aisance et la crédibilité du Gunther d’Evguney Nikitin, et la consistance sincère (jamais affectée ni outrée dans son chant) de Gutrune où l’italienne Edith Haller apporte son relief naturel toujours bien chantant. Même enthousiasme pour la Waltraute de Sophie Koch qui nous vaut pour la scène 3 du I, un tableau saisissant d’imploration inquiète voire angoissée : le portrait que la walkyrie et sÅ“ur de Brünnhilde fait de Wotan et de ses proches, est d’une intensité grave, d’une réelle conviction ; entre horreur, peur, panique, Waltraute surgit désemparée, en proie à la plus désespérée des (vaines) imprécations … car Brünnhilde, plus amoureuse que jamais, qui pourtant souhaitait son retour en grâce auprès de Wotan, ne cèdera rien … surtout pas l’anneau (gage de l’amour de Siegfried : plus anneau nuptial que bijou empoisonné par la malédiction qu’il véhicule et diffuse).
Le reste de la production, hélas suscite les plus vives réserves : ni le Siegfried de Torsten Kerl, visiblement pas à son aise ce soir (timbre serré, aigus tendus voire instables, projection déficiente …) ni la Brünnhilde de Brigitte Pinter n’arrive à convaincre totalement ; la soprano autrichienne n’a aucun aigu rayonnant et sa prestation dans le dernier monologue gêne par un manque cruel de soutien comme de phrasé sur toute la tessiture, au-dessus du medium … la prosodie est contrainte et contorsionnée, outrée souvent … c’est une erreur de casting ; elle est visiblement trop mezzo pour éclairer la vibrante humanité salvatrice de Brünnhilde … triste constat s’agissant des deux rôles les plus importants du Crépuscule. Souhaitons pour les spectateurs des dates concernées que les deux autres chanteuses pour le rôle (Petra Lang, les 21, 30 mai puis 3,7 juin, et Linda Watson programmée le 16 juin 2013) soient plus évidentes …
A défaut de chanteurs protagonistes réellement convaincants, le Crépuscule du bicentenaire Wagner 2013 s’impose surtout par la direction de Philippe Jordan qui nous offre l’un des Rings symphoniques les plus passionnants de ces dernières années. Certes Bastille n’est pas Bayreuth et la fosse parisienne n’offre pas le même dispositif si particulier souhaité par Wagner, où l’orchestre sonne naturellement feutré : n’importe, Philippe Jordan à Paris, en veillant constamment à l’équilibre plateau et orchestre, parvient à une imbrication voix/instruments d’un chambrisme souvent superlatif… L’évidence et la hauteur de l’Orchestre affirment l’affinité wagnérienne des musiciens avec le cycle musical ; affrontant tous les obstacles, opérant une lecture ronde, opulente et éloquente, chef et instrumentistes subjuguent l’auditoire en faisant de Bastille, le temps de cette soirée, un nouveau bastion éclairé du wagnérisme. A l’affiche jusqu’au 16 juin 2013.

Pour célébrer le bicentenaire Wagner 2013, l’Opéra de Paris reprend le Ring intégralement en juin prochain : L’Or du Rhin (18 juin), La Walkyrie (19 juin), Siegfried (le 23 juin) et Le Crépuscule des dieux (26 juin 2013) sous la direction  éblouissante donc de Philippe Jordan.

Paris. Opéra Bastille, le 25 mai 2013. Wagner: Le Crépuscule des dieux. Avec Torsten Kerl, Evgeny Nikitin, Peter Sidhom, Hans Peter König, Brigitte Pinter, Sophie Koche, Edith Haller … Philippe Jordan, direction. Günter Krämer, mise en scène.

Illustrations : Charles Duprat © Opéra national de Paris

Compte rendu. Paris. Opéra Bastille, le 23 novembre 2011. Giuseppe Verdi: La Forza del destino, la force du destin. Violetta Urmana… Jean-Claude Auvray, mise en scène. Philippe Jordan, direction

Jordan PhilippeGourmand mais pas goinfre, le chef Philippe Jordan choisit de tout diriger de La Force du destin, et avec quel tact, dévoilant dans ses épisodes contrastés, aux accents martiaux et mystiques tout ce qui fait l’indiscutable force de la partition qui répond en 1861 à une commande de l’Opéra de Saint-Petersbourg. Dans la nouvelle production de l’Opéra Bastille, la dramaturgie musicale portée par un orchestre somptueusement présent souligne un peu plus ce génie de la scène qui distingue Verdi de ses contemporains. Restitution intégrale et si finement dirigée que l’enchaînement des tableaux reste fluide, en rien pesant, et ce avec d’autant plus de mérite que la distribution vocale est loin d’être aussi captivante.

Leçon de symphonisme verdien

Le tableau initial sans prélude instrumental pose les couleurs principales d’une production visuellement épurée, efficace: c’est, pour commencer, l’exposition des deux amants maudits par la mort du père ; l’épisode sanglant rapidement brossé, inscrit avant l’ouverture proprement dite, l’action dans les ténèbres tragiques et le désespoir amer: les deux âmes sacrifiées, Leonora / Alvaro, sont dévorées par le poids de la culpabilité avant même de prétendre être ensemble. Pour Leonora, ce long chemin de croix qui commence par le renoncement total au monde et aux hommes quand elle reçoit la bure en un tableau particulièrement saisissant (conclusion de la première partie) où le metteur en scène Jean-Claude Auvray revisite les retables dépouillés, d’un grandiose âpre à la Zurbaran; pour Alvaro, cette fuite jusqu’à l’abîme, perdant toute identité par l’accomplissement malgré lui de meurtres à répétition (il tue le père puis le frère de son aimée)… Dans le théâtre verdien pas de répit pour les amoureux tendres. Pour chacun, les brûlures ardentes d’une vie sacrifiée, forcée par le destin (d’où le titre).

La direction d’une exceptionnelle élégance du maestro Philippe Jordan fait toute la valeur de la soirée; elle explore magistralement tous les épisodes variés d’une fresque souvent spectaculaire (chÅ“urs omniprésents, aux visages divers: soldats, buveurs, moines…), alternant intimité de l’intrigue des amants maudits, burlesque désopilant (pointes humoristiques des saynètes où Verdi ajoute la figure du moine Melitone, préfiguration du sacristain chez Tosca de Puccini)…

Pourquoi avoir choisi la mezzo Violetta Urmana dans un rôle qui exige des aigus angéliques, brûlures lumineuses et enivrées d’une âme constamment sacrifiée et douloureuse? Pour elle, la plainte extatique des femmes martyrs qui donne tout son sens à la scène quand elle devient ermite après une très belle confrontation avec le Père supérieur… Hélas, la cantatrice par ailleurs excellente force vocale dans Le Château de Barbe bleue, entre autres, crie des aigus tendus et détimbrés qui devraient plutôt caresser voire hypnotiser; avec le recul, on comprend combien Leonora n’appartient plus au monde terrestre: c’est un être inadapté qui cherche vainement à prendre racine comme ermite; et même le style de la cantatrice reste étranger aux vertiges des grandes mystiques. Où est la cantilène de la femme blessée terrassée qui a soif de pureté et de paix? Avec le ténor Zoran Todorovich (qui remplace Marcello Alvarez, initialement prévu dans le rôle d’Alvaro), tendu, serré, rien qu’appliqué, le plateau vocal devient carrément … bancal.

Et c’est du côté des comprimari (seconds rôles) que les bonnes surprises paraissent: excellent franciscain débonnaire déluré Melitone de Nicola Alaimo ; belle prestance morale du Père supérieur Guardanio grâce à la tenue impeccable du baryton Kwangchul Youn.

Le reste de la distribution (Preziosilla, Carlo…) reste bien terne quand il y a dans l’action noire et chahutée, en Espagne puis en Italie, des éclairs picaresques, des individualités marquantes qui animent avec force ce qui n’aurait pu être sans la musique de Verdi, qu’un grand opéra romanesque passablement confus.

Qu’on ne s’y trompe pas, le véritable moteur ici, à défaut d’un couple Leonora / Alvaro vocalement fulgurant, est l’orchestre maison, superbement dirigé, et avec quelle classe, plus étincelant et poète que jamais par le directeur musical Philippe Jordan. Car les vrais champions de cette soirée demeurent les instrumentistes: d’un souffle impérial dès l’ouverture jouée après le premier tableau du meurtre du marquis de Vargas; habité par l’esprit du fatum, ciselant morsures tragiques et ivresses attendries des cordes, le chef Philippe Jordan offre les fruits d’un travail riche en phrasés subtils, en nuances saisissantes, en couleurs et options agogiques particulièrement captivantes; où ailleurs écouter ce solo de violon accompagnant la conversion de Leonora avec un tel aplomb musical, un tel éclat dramaturgiquement pertinent? Placé à un moment clé de la partition, le brillant éclair solistique annonce un autre accomplissement du genre à l’opéra: rien de moins que l’exquise méditation de Thaïs de Massenet.
En somme une soirée de symphonisme verdien d’une indiscutable maitrise… Et qui nous rappelle ce feu racé et nerveux du chef Carlo Rizzi pour un Don Carlo anthologique (production présentée aussi à Bastille mais avec une superbe distribution hélas absente ici, en février et mars 2010). Que la fosse parisienne ait d’évidentes affinités avec la flamme verdienne, voilà une constatation qui se confirme à nouveau ce soir.

Paris. Opéra Bastille, le 23 novembre 2011. Verdi: “La Forza del destino” (La force du destin). Jusqu’au 17 décembre 2011. Tél. : 08-92-89-90-90. De 5 € à 180 €. Violeta Urmana, Leonora. Zoran Todorovich, Alvaro. Vladimir Stoyanov, Carlo. Nadia Krasteva, Preziosilla. Kwangchul Youn, Padre Guardiano. Nicola Alaimo, fra Melitone. ChÅ“ur et orchestre de l’Opéra national de Paris. Philippe Jordan, direction. Jean-Claude Auvray, mise en scène.

 

 

CD. Stravinsky: Le sacre du printemps (Jordan, 2012)

CD. Philippe Jordan fête avec volupté les 100 ans du Sacre de Stravinsky   …   Enregistré en mai 2012 à l’Opéra Bastille, ce nouvel album (le 2è déjà) de Philippe Jordan avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris confirme les préludes amorcés entre chef et musiciens : une entente évidente, un plaisir supérieur pour vivre la musique ensemble. Depuis leur Symphonie Alpestre de Strauss, montagne philharmonique d’une prodigieuse narration sonore frappée du sceau de l’imagination climatique, les interprètes se retrouvent ici en mai 2012 pour deux autres sommets de la musique symphonique française et spécifiquement parisienne. Dans l’histoire des Ballets Russes, le Prélude comme le Sacre du printemps indiquent clairement un point d’accomplissement pour les deux compositeurs : l’ivresse érotique et l’enchantement semi conscient s’impose à nous dans un Prélude d’une délicatese infinie; quant au Sacre, voilà longtemps que l’on n’avait pas écouté direction aussi parfaite et équilibrée entre précision lumineuse (détachant la tenue caractérisée et fortement individualisée de chaque instrument protagoniste) et expressionnisme symboliste !

Le Sacre enchanté de Philippe Jordan

stravinsky_debussy_prelude_faune_sacre_printemps_naive_cd_philippe_jordan_opera_de_parisLa baguette de Philippe Jordan aime ciseler dans la suggestion mais aussi ici, mordre dans l’ivresse libérée des timbres associés d’une infinie inventivité ; le chef s’appuie sur la manière et le style supraélégant des instrumentistes parisiens dont les prédécesseurs en mai 1913 dans la fosse du TCE avaient fait la réussite révolutionnaire de la partition. Jordan ajoute une précision électrique et incandescente, une vision de poète architecte aussi qui sait unifier, structurer, développer une dramaturgie supérieurement aboutie… et frappante par son relief, sa vivacité, comme des teintes plus délicatement nimbées et voilées.
Fureur et ivresse des timbres associés. Comparée à tant d’autres versions soit rutilantes, soient sèches, soit littéralement narratives, Philippe Jordan apporte aussi le mystère et l’enchantement, toute la poésie libre des instruments sollicités. Quelle maestria ! Quelle conviction dans la tension progressive… La volupté de chaque épisode est nourrie d’un onguent magicien ; l’expérience lyrique du chef, directeur musical de l’Opéra, en est peut-être pour beaucoup et l’on se dit que Nicolas Joel n’aura pas tout rater à Paris: nommer le fils du regretté Armin Jordan, capable de vrais miracles à Paris, Philippe à la tête de l’orchestre maison aura été un acte convaincant qui porte aujourd’hui des fruits éclatants.  Voici du Sacre du printemps et pour le centenaire de l’oeuvre, une nouvelle version de référence sur instruments modernes. Le champion et pionnier dans le domaine s’agissant de la partition de Stravinsky demeurant évidemment le geste du français François-Xavier Roth, d’une maîtrise incomparable sur instruments parisiens d’époque (1913) et révélateur en ce sens des formats sonores et des timbres instrumentaux originels… après la tournée 2013, le disque devrait sortir fin 2013/printemps 2014.

Sur instruments modernes, le chant des instruments fait tout ici, et renforce la réussite magistrale de cet enregistrement dont on ne saurait trop souligner avec admiration le miracle de la volupté instrumentale.

Inscrire enfin le Boléro ravélien après les deux chefs d’oeuvre Debussyste et Stravinskien est de la meilleure inspiration : une claire confirmation que l’orchestre et leur chef se montrent très inspiré par la lyre symphonique française postromantique : Du Prélude au Sacre en passant par le Boléro, soit de Debussy, Stravinsky à Ravel se joue ici tout le délirant apanage, bruyant et millimétré du symphonisme français. Lecture réjouissante.

Debussy: Prélude à l’après-midi d’un faune. Stravinsky: le Sacre du printemps. Ravel : Boléro. Orchestre de l’Opéra national de Paris. Philippe Jordan, direction. 1 cd Naïve, enregistré à Paris, Opéra Bastille en mai 2012. Durée : 57mn. Naïve V 5332.