CRITIQUE CD Ă©vĂ©nement. ALIOTTI : Il trionfo della morte (Les TraversĂ©es Baroques, Etienne Meyer – 2 cd Accent – Paray le Monial, nov et dĂ©c 2019) – VoilĂ un enregistrement opportun qui vient Ă©clairer lâessor du genre oratorio Ă Palerme, – en particulier celui des « Dialoghi sacri » auquel contribuĂšrent dans les annĂ©es 1650 / 1660, les franciscains Conticini, Rubino, Fasolo⊠Bonaventura Aliotti (ca 1640 – ca 1690) enrichit lui aussi le corpus dont bon nombre de drames sont perdus. Franciscain, appelĂ© « Padre Palermino » , Aliotti, Ă©lĂšve de Fasolo, compose pas moins de 11 oratorios. Aliotti quitte sa Sicile natale, rejoint Padoue, puis Venise (avec Pallavicino), puis Ferrare, grand centre de crĂ©ation dâoratorios oĂč Aliotti frĂ©quente Legrenzi, Colonna, Melani : câest lĂ quâen 1677, est créé « Il Trionfo della morte ». Reconnu et cĂ©lĂ©brĂ©, Aliotti retourne Ă Palerme (1679), oĂč il cumule les postes prestigieux : maĂźtre de chapelle de la CathĂ©drale (1681), du SĂ©nat, des PĂšres JĂ©suites⊠Il est aussi membre fondateur de lâUnion des musiciens di Santa Cecilia (dont fait partie aussi le rĂ©cemment rĂ©vĂ©lĂ© Falvetti). A lâoratoire San Carlo de Palerme, Aliotti fait reprĂ©senter 3 Dialoghi Sacri en 1686 dont « Il trionfo della Morte ».
Les TraversĂ©es Baroques dĂ©voilent le gĂ©nie dâAliotti
Essor et subtilitĂ© de lâoratorio palermitain
La force du drame vient du portrait psychologique des deux protagonistes Adam et Eve : leurs doutes et leurs dĂ©sirs, les troubles Ă©motionnels dâun couple loin dâĂȘtre serein⊠sont dĂ©voilĂ©s ; Eve tente Adam, le pousse Ă croquer la pomme et succomber Ă la tentation. Agent de la catastrophe, câest elle qui dâailleurs rĂ©alise les deux plus beaux et longs airs du drame dont lâapothĂ©ose est marquĂ© par le second « Discioglietevi, Dileguatevi »⊠moment suspendu oĂč derriĂšre le dĂ©sespoir dâEve, se joue en rĂ©alitĂ© le sort du premier couple.
A travers lâattraction dâEve et son travail de sape auprĂšs dâAdam, se prĂ©cise lâempire de la mort et de Satan dans le jardin paradisiaque ; alors que la Raison tente de prĂ©server Adam du chaos gĂ©nĂ©rĂ© par lâamour terrestre, le jeune homme se laisse sĂ©duire et corrompre par la Tentatrice.
Les interprĂštes savent exprimer les enjeux moraux de chaque situation comme les vertiges langoureux dâune partition oĂč rĂšgnent la plasticitĂ© raffinĂ©e de lâorchestre (jusquâĂ 5 parties), dâĂ©loquents contrastes formels (incursion trĂšs efficaces des choeurs des dĂ©mons, vertus, anges) ; le continuo comme les rĂ©citatifs soulignent combien lâĂ©criture dâAliotti cisĂšle et approfondit chaque affect humain, en particulier lâĂąpre dĂ©sir, la nature passionnĂ©e dâEve : en cela, les solistes jouent avec finesse le jeu de la caractĂ©risation. Etienne Meyer rĂ©unit une Ă©quipe vocale plutĂŽt convaincante : Capucine Keller incarne une Eve souveraine, sĂ©ductrice irrĂ©sistible, amoureuse insatisfaite et touchante, aux larmes dĂ©chirantes, quand Vincent Bouchot cisĂšle un Adam Ă la fois, tendre et sincĂšre. Les TraversĂ©es Baroques rĂ©vĂšlent une partition parmi les plus sincĂšres et efficaces du genre oratorio ; Aliotti par sa subtilitĂ© stylistique Ă©gale les meilleurs opus de ses contemporains mieux connus, Legrenzi et Caldara. Saluons le collectif dirigĂ©, Ă©lectrisĂ© par Etienne Meyer ; il sait nous surprendre et nous convaincre : Aliotti mĂ©rite la plus grande attention et lâon suivra avec intĂ©rĂȘt les prochaines rĂ©surrections qui le concernent.
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