LâILIADE Ă lâopĂ©ra⊠LâIliade raconte la guerre de Troie, câest un temps fort de lâunion sacrĂ©e des rois grecs, marquĂ© par le rassemblement des royautĂ©s sous la tutelle du roi de MycĂšnes, Agamemnon (maison des Atrides), commandant de la flotte grecque jusquâĂ Troie ; le siĂšge de Troie qui dura 10 ans, enfin la rĂ©solution du conflit pendant la derniĂšre annĂ©e, celle oĂč Hector le troyen affronte Achille le grec, ami inconsolable prĂšs la mort de Patrocle. Tous nâont quâun but : rĂ©cupĂ©rer lâĂ©pouse de leur alliĂ© le roi de Sparte, MĂ©nĂ©las (qui est aussi le frĂšre dâAgamemnon) : HĂ©lĂšne qui a fui la pĂ©ninsule grecque avec PĂąris, fils du roi troyen Priam.
Heureusement racontĂ©e par HomĂšre, lâIliade offre des ressources expressives et un terreau riche en situations intenses et dramatiques. Les auteurs y puisent quantitĂ© dâĂ©pisodes et de caractĂšres dans les genres pathĂ©tique (IphigĂ©nie, Andromaque), hĂ©roĂŻque (Achille, Hector, Ulysse), tragique et hallucinĂ© (Cassandre, AchilleâŠ)⊠Les compositeurs et leurs librettistes lâont bien compris, exploitant tel ou tel Ă©pisode. La Guerre de Troie met en scĂšne la passion amoureuse souvent dĂ©raisonnables chez les dieux; le goĂ»t de la guerre chez les hommes ; dans les deux camps, lâĂ©popĂ©e hĂ©roĂŻque et tragique, toujours riche en sacrifices, dĂ©voile une irrĂ©pressible malĂ©diction de lâautodestruction, lâamour rendant fou ; et la barbarie des armes dĂ©truisant toute issue.
Depuis OrphĂ©e, sujet premier dans lâhistoire de lâopĂ©ra, la musique et le chant mettent en scĂšne le cycle Ă©ternel, inexorable de la perte, du deuil, du renoncement, de la folie et de la mort. Les passions mĂšnent chaque mortel Ă sa perte. Le propre de lâhomme est de vivre dans lâinsatisfaction perpĂ©tuelle, la frustration : sa destinĂ©e sâaccomplit dans lâautodestruction. Tous les mythes parlent de lâextinction programmĂ©e de la race humaine (illustration : l’incendie de Troie, DR).
La narration mĂȘle Ă©troitement le destin des mortels et celui des dieux, dans un conflit qui assimile leur propre dĂ©sir et leur destinĂ©e. Si Zeus se montre du cĂŽtĂ© des Troyens, lui lâinfidĂšle compulsif, reconnaissant alors le droit du prince PĂąris Ă ravir au grec MĂ©nĂ©las (roi de Sparte) son Ă©pouse, la belle HĂ©lĂšne, les autres dieux de lâOlympe prĂ©fĂšrent nettement soutenir les Grecs.
Lâhistoire lĂ©guĂ©e par HomĂšre cĂ©lĂšbre le profil de hĂ©ros inoubliables qui montre leur valeur au combat, tel Achille ; ce sont aussi des figures fĂ©minines habituĂ©es au deuil ou Ă la soumission : IphigĂ©nie, fille dâAgamemnon, ou Andromaque, bientĂŽt veuve dâHector⊠Chacun dĂ©fend sa place, son rang, jusquâau sang. Illustration : Les Troyens tirent le cheval laissĂ© par les grecs, GB Tiepolo, DR).
________________________________________________________________________________________________
LâODYSSĂE : le voyage de retour dâUlysse Ă Ithaque.. Une dĂ©termination que lâon retrouve ensuite dans lâOdyssĂ©e, seconde partie de la fable mythologique racontĂ©e par HomĂšre, et qui sâintĂ©resse au retour du grec Ulysse jusquâĂ sa patrie, Ithaque, aprĂšs un voyage riche en dĂ©tours et Ă©preuves de toute sorte⊠LĂ encore, le mortel pourtant trĂšs astucieux et qui a assurĂ© la victoire de son camp (il a conçu le stratagĂšme du cheval gĂ©ant laissĂ© en offrande aux Troyens), ne peut rĂ©ussir son retour sans la protection de Minerve / AthĂ©na (et de Mercure) qui lui assure un soutien indĂ©fectible tout au long de son incroyable odyssĂ©e.
LâIliade et lâOdyssĂ©e, Ă lâopĂ©ra
________________________________________________________________________________________________
A travers lâhistoire de lâopĂ©ra, depuis sa crĂ©ation Ă lâĂąge baroque au XVIIĂš, dâinnombrables compositeurs ont puisĂ© dans la mythologie et dans le texte dâHomĂšre. Ils y trouvent le portrait de caractĂšres ardents et passionnĂ©s, des situations tragiques et radicales propres Ă nourrir une bonne action, selon le schĂ©ma idĂ©al : prĂ©sentation / exposition, action / dĂ©veloppement, catastrophe, transfiguration, rĂ©solutionâŠ
Si lâon suit la chronologie des opĂ©ras majeurs ainsi conçus dâaprĂšs HomĂšre, on dĂ©couvre de siĂšcle en siĂšcle le goĂ»t des crĂ©ateurs pour la mythologie, et en particulier ce quâils trouvent pertinent dans les choix des sujets et des personnages ainsi mis Ă lâhonneur. De fait, les plus grands auteurs pour lâopĂ©ra ont choisi lâun ou lâautre personnage de la guerre de Troie, marquant par leur Ă©criture respective lâhistoire du genre lyrique. Lâhistoire rĂ©alise la reprĂ©sentation de la condition humaine contrainte, dĂ©munie, finalement impuissante ; tous les hĂ©ros, grecs ou troyens, doivent se soumettre Ă des forces qui les dĂ©passent (incarnĂ©es par le caprice des dieux, lâhumeur du destin, de la mortâŠ) ; chacun doit se transcender pour survivre et non pas vivre. Beaucoup y perde la vie mais gagne un prestige qui les rend immortels.
XVIIĂš / SeicentoÂ
________________________________________________________________________________________________
Monteverdi : Le Retour dâUlysse dans sa patrie, 1640
Câest lâun des derniers ouvrages de Claudio Monteverdi Ă Venise, datĂ© de 1640 (créé au Teatro San Giovanni e Paolo), quand lâopĂ©ra, genre nouvellement inventĂ© depuis 1637 et rendu « publique », sâintĂ©resse Ă lâAntiquitĂ© ; mais Ă travers lâĂ©popĂ©e douloureuse et incertaine du roi dâIthaque, impatient de retrouver Ă©pouse (PĂ©nĂ©lope) et fils (TĂ©lĂ©maque), Monteverdi (en collaboration avec le librettiste Giacomo Badoaro), traite de la destinĂ©e humaine, si faible et dĂ©risoire (le prologue fait paraĂźtre la FragilitĂ© humaine aux cĂŽtĂ©s du Temps, de lâAmour et du Destin) ; sans coup de pouce dâune fortune imprĂ©visible, lâhomme ne peut que dĂ©sespĂ©rer de trouver bonheur et accomplissement. AidĂ© par Mercure et Minerve, le hĂ©ros peut accoster sur lâĂźle natale et ainsi reconquĂ©rir contre les princes opportunistes qui ont profitĂ© de son absence pour se placer, pouvoir et amour.
Monteverdi observe et respecte le goĂ»t du public vĂ©nitien dâalors (1640) : moins de chĆur (contrairement Ă lâopĂ©ra romain), plus de profils psychologiques finement caractĂ©risĂ©s (jusquâĂ 20 personnages diffĂ©rents) dont certains, comiques (le goinfre Iro) ou amoureux (couple MĂ©lanthe et Erymaque) contrastent avec les hĂ©ros hĂ©roĂŻques et tragiques (PĂ©nĂ©lope, Ulysse). Lâorchestre est rĂ©duit Ă son maximum, le recitar cantando sculpte le pouvoir du verbe, mais ce spectacle hautement théùtral et psychologique, cĂšde aussi la place aux interventions divines et surnaturelles (constante apparition des dieux dont Mercure et Minerve) voire spectaculaire (le bal des prĂ©tendants au III, ou Neptune dĂ©truisant les navires des PhĂ©aciensâŠ). Profondeur, comĂ©die, tragĂ©die (le rĂ©citatif de la douleur infinie de PĂ©nĂ©lope « endeuillé », solitaire), riches effets visuels⊠continuent dâassurer Ă lâouvrage (modifiĂ© de 5 Ă 3 actes), son fort impact expressif et poĂ©tique. Dans son dernier ouvrage, LâIncoronazione di Poppea / Le Couronnement de PoppĂ©e de 1643, Ă©galement créé Ă Venise, Monteverdi va plus loin encore aidĂ© de son librettiste Busenello : le couple dâadolescent libidineux et pervers, NĂ©ron et sa favorite PoppĂ©e incarnent lâapothĂ©ose de lâamour sensuel sur toute autre considĂ©ration : fidĂ©litĂ© et honneur (NĂ©ron rĂ©pudie Octavie), sagesse et philosophie (NĂ©ron fait assassiner son maĂźtre Ă penser SĂ©nĂšque) ; le rĂ©alisme sanguinaire qui sây dĂ©ploie,- sans effets de machinerie ici, marque un tournant dans lâhistoire de lâopĂ©ra vĂ©nitien : cru, barbare, cynique, dĂ©sespĂ©rĂ©. Lâamour qui unit NĂ©ron et PoppĂ©e, les mĂšne Ă la folie. Lâabsolue modernitĂ© de lâoeuvre, en fait le premier opĂ©ra proprement dit par sa conception gĂ©nĂ©rale et le rĂ©alisme de son action.
Dallapiccola en 1968 compose lui aussi son opĂ©ra Ulisse, avec dâautant plus de lĂ©gitimitĂ© que dĂšs 1941, il adaptait une version modernisĂ© de lâUlisse montĂ©verdien pour le Mai florentin.
Dans lâombre du gĂ©nial Monteverdi plusieurs compositeurs italiens abordent eux aussi la figure dâUlysse : tel Sacrati (LâUlisse errante, 1644),
XVIIIĂš / SettecentoÂ
________________________________________________________________________________________________
Les 2 IphigĂ©nies de GLUCK : l’opĂ©ra moderne Ă Paris (1774, 1779)
La rĂ©forme de lâopĂ©ra seria au dĂ©but des annĂ©es 1770 se rĂ©alise Ă Paris, grĂące au gĂ©nie puissant, nerveux, dramatique du chevalier Gluck qui aprĂšs la mort de Rameau (1764), incarne lâopĂ©ra moderne, hĂ©roĂŻque, simple, grandiose comme un bas relief antique : ses deux IphigĂ©nies, en Aulide (créé en 1774, dont lâaction se situe au moment du sacrifice pilotĂ© par son pĂšre Agamemnon sâil veut effectivement rĂ©unir et conduire la flotte des rois grecs vers Troie) ; puis IphigĂ©nie en Tauride (1779), seconde Ă©poque situĂ©e aprĂšs lâaffaire du sacrifice, quand la jeune femme dĂ©sormais dĂ©diĂ©e au culte de Diane, retrouve son frĂšre Oreste, lequel est dĂ©vorĂ© par la culpabilitĂ© aprĂšs avoir assassinĂ© avec leur sĆur Electre, leur propre mĂšre Clytemnestre⊠En 1779, IphigĂ©nie en Tauride concentre la derniĂšre maniĂšre de Gluck Ă Paris, le sommet de son style frĂ©nĂ©tique et fantastique, dâune tension nouvelle, perceptible dĂšs la tempĂȘte dâouverture, quand IphigĂ©nie contrainte par les Ă©lĂ©ments, doit accoster prĂšs du bois sacrĂ© de Diane⊠la dĂ©esse est ici maĂźtresse des destinĂ©es.
En choisissant la figure dâune jeune princesse dĂ©vouĂ©e, loyale Ă son devoir et donc prĂȘte effectivement Ă se sacrifier pour la rĂ©ussite du projet paternel, Gluck fait le portrait dâune hĂ©roĂŻne touchante et exemplaire, hautement morale, toute maĂźtrise incarnĂ©e, a contrario des nombreuses sorciĂšres et enchanteresses amoureuses de lâopĂ©ra baroque qui a prĂ©cĂ©dĂ©. Cet idĂ©al classique et moral inaugure lâesthĂ©tique nĂ©oclassique, moralisateur et Ă©difiant qui mĂšne au romantisme. Mais Gluck aime la veine tendue, passionnelle, celle des figures qui dĂ©clament leur valeur morale en stances hallucinĂ©es, dramatiques voire fantastiques. Le compositeur place aux bons moments de la partition, des intermĂšdes ou ballets, frĂ©nĂ©tiques, exaltĂ©s, particuliĂšrement Ă©lectrique.
InspirĂ© surtout du texte dâEuripide, IphigĂ©nie en Aulide commence quand la flotte grecque est arrĂȘtĂ©e par Diane depuis lâĂźle dâAulis. IphigĂ©nie incarne une hĂ©roĂŻne pathĂ©tique et tendre dont se souviendra Mozart pour le personnage dâIlia dans son opera seria dâenvergure, Idomeneo de 1781. Lâaction met en scĂšne autour de la princesse de MycĂšnes, ses parents, Agamemnon et Clytemnestre. Mais aussi Achille, le jeune guerrier accompagnĂ© par son ami Patrocle : amoureux, Achille prend la dĂ©fense dâIphigĂ©nie contre la voeu du roi Agamemnon, favorable au sacrifice de sa fille demandĂ© par Diane qui consent ainsi Ă protĂ©ger le roi jusquâĂ Troie. Ce conflit Achille / Agamemnon ira sâintensifiant, expliquant pourquoi au moment de la guerre de Troie, et sous les remparts de la citĂ© qui rĂ©siste, Achille rechigne Ă combattre sous les ordres du souverain de MycĂšnes.
Avant Gluck, Domenico Scarlatti Ă©crit la musique dâIfigenia in Aulide (1713) ; Desmarest sâintĂ©resse aussi Ă la figure dâIphigĂ©nie sacrifiĂ©e (en Aulide, terminĂ©e par son Ă©lĂšve Campra et créé Ă lâAcadĂ©mie royale en 1722).
Miroir dâune Ă©poque trouble, lâopĂ©ra affectionne les figures passionnĂ©es et les destins tragiques. GrĂ©try plus connu pour ses opĂ©ras-comiques ou galants (LâAmant jaloux, 1778), succombe lui aussi aprĂšs Gluck aux sĂ©ductions de la lyre nĂ©o antique (comme le peintre David) et met en musique sa propre Andromaque en 1778 ; le favori de Marie-Antoinette rĂ©invente le carcan pourtant codifiĂ© de la tragĂ©die en musique et brosse le portrait de la veuve dâHector, en promise Ă Pyrrhus, mais la princesse troyenne meurt suicidaire (comme sa suivante Hermione) sur le corps de son fiancĂ©. RĂ©miniscence du chĆur antique, les choristes ici sont majeurs : « vĂ©ritable personnage permanent, la voix collective apporte lâampleur de la fresque, lâespace de lâarĂšne grecque, le souffle du drame », prĂ©cise notre rĂ©dacteur Lucas Irom.
Lire notre critique du cd Andromaque de Grétry (2010) :
http://www.classiquenews.com/grtry-andromaque-1778france-musique-mardi-13-juillet-2010-20h/
XIXĂš : les Romantiques et l’AntiquitĂ©
________________________________________________________________________________________________
Berlioz, du cÎté des Troyens (1858)
Lecteur passionnĂ© de Virgile et aussi grand admirateur de Gluck, dont il aime la lyre tendue et noble, Berlioz se dĂ©die pour offrir musicalement sa propre lecture des Troyens, Ă travers lâhistoire dâEnĂ©e. Comme il sâĂ©tait passionnĂ© tout autant pour le Faust de Goethe, livrant sa sublime « Damnation de Faust », chef dâoeuvre de lâopĂ©ra romantique français. Concernant Les Troyens, le gros de la partition est Ă©crit entre 1856 et 1858. Câest moins lâIliade que lâEnĂ©ide qui inspire son grand opĂ©ra, jamais produit de son vivant (crĂ©ation partielle en 1863) mais grande partition en deux parties : Les Grecs Ă Troie (la chute de Troie, actes I et II), puis Les Troyens Ă Carthage (actes III Ă V) dont lâĂ©pisode des amours dâEnĂ©e et de la reine Didon cimente lâaction. La crĂ©ation complĂšte est rĂ©alisĂ© aprĂšs la mort de lâauteur Ă Karlsruhe (1890), puis Ă Nice en français en janvier 1891.
De cette façon, Berlioz Ă©claire le destin des Troyens aprĂšs la chute de Troie, comme HomĂšre dans lâOdyssĂ©e, prĂ©cisait le destin dâUlysse, cĂŽtĂ© grec, aprĂšs le mĂȘme Ă©vĂ©nement.
Berlioz, concepteur ambitieux, pense espace et Ă©tagements sonores ; sa fresque antique est surtout chorale et orchestrale, aux harmonies inĂ©dites, au format inĂ©dit, trĂšs expressives et dignes de Gluck, particuliĂšrement dramatiques. Son point de vue est du cĂŽtĂ© des Troyens : EnĂ©e, fugitif et apatride, saura lui aussi trouver sa voie et son destin, sacrifiant son amour pour Didon, et fonder Rome en Italie⊠Ici il est question non plus de destruction des troyens, mais bien de permanence de la splendeur troyenne, ressuscitant dans lâempire romain Ă naĂźtre⊠Berlioz repousse les limites expressives de la scĂšne lyrique ; contredisant la grosse machine souvent alambiquĂ©e dâun Meyerbeer, le Romantique français invente une langue aussi Ăąpre et mordante, fantastique et onirique, mais simple et Ă©purĂ©e que celle de Gluck, mais avec un orchestre somptueux et orageux ; affectionnant aussi le chĆur imploratif (aux cĂŽtĂ©s dâAndromaque la veuve dâHector) et pathĂ©tique, dans « la Chute de Troie » ; quand, dans la seconde partie, « Les Troyens Ă Carthage », le compositeur interroge les amours dâEnĂ©e et de Didon, finalement sacrifiĂ©es sur lâautel du devoir : EnĂ©e amoureux doit rĂ©pondre Ă lâappel du destin et de lâhistoire (les ombres de Priam, ChorĂšbe, Hector le pressent dâhonorer leur mĂ©moire : fonder une nouvelle nation en Italie).
EnĂ©e abandonnera donc Didon pour lâItalie. La scĂšne de lâabandon se transforme alors en vaste bĂ»cher oĂč pĂ©rit la reine suicidaire (nouvelle ClĂ©opĂątre, ou prĂ©figuration de la fin du Ring, quand Brunnhilde dans le CrĂ©puscule des dieux de Wagner, se jette dans un mĂȘme feu libĂ©rateur). Berlioz conçoit le premier en une scĂšne spectaculaire, pathĂ©tique et tragique, la mort de lâhĂ©roĂŻne (Didon) : si EnĂ©e se projette dans lâempire romain Ă venir, Didon maudit la race troyenne et invoque Hannibal, futur rival des romains⊠Chacun imagine son avenir selon sa propre vision.
La tradition de la tragĂ©die en musique y est rĂ©interprĂ©tĂ©e avec une originalitĂ© parfois sauvage et radicale comme lâĂ©tait Berlioz : rĂ©cits ou airs fermĂ©s, sĂ©quence des ballets obligĂ©s, mais Ă©vocation atmosphĂ©rique personnelle (tempĂȘte et chasse dâEnĂ©eâŠ), expression dâun amour absolu et tendre malgrĂ© les Ă©vĂ©nements pressants (ChorĂšbe et Cassandre puis Didon et EnĂ©e, dans chacune des deux parties)⊠LĂ encore comme pour lâUlysse de Monteverdi, HomĂšre et Virgile, ont inspirĂ© deux partitions particuliĂšrement dĂ©cisives dans lâhistoire de lâopĂ©ra et sur le plan poĂ©tique, deux sommets dâĂ©quilibre et de puissance Ă©motionnelle.
Dieux & hĂ©ros ridiculisĂ©s : dĂ©lire et parodie chez OffenbachÂ
LA BELLE HELENE (Paris, 1864) / Jacques Offenbach : vaudeville sublimĂ©. Davantage encore quâOrphĂ©e aux enfers (18580 vĂ©ritable triomphe qui assoit sa cĂ©lĂ©britĂ© et son gĂ©nie sur les boulevards parisiens, La Belle HĂ©lĂšne est plus encore symptomatique de la sociĂ©tĂ© insouciante, flamboyante, un rien dĂ©cadente du Second Empire : créé au Théùtre des VariĂ©tĂ©s le 17 dĂ©c 1864, lâouvrage sous couvert dâaction mythologique, est une sĂ©vĂšre et dĂ©lirante critique de la sociĂ©tĂ© dâalors, celle des politiques corrompus (ici le devin Calchas vĂ©nal), des cocottes alanguies, des sbires insouciants, irresponsables et doucereux (Oreste, Agamemnon)⊠lâhumour voisine souvent avec le surrĂ©alisme et le fantasque, mais toujours Offenbach sait cultiver un minimum dâĂ©lĂ©gance qui fait basculer le fil dramatique dans lâonirisme et une certaine poĂ©sie de lâabsurde … LIRE notre opĂ©ra focus : la Belle HĂ©lĂšne de Jacques Offenbach (Paris, 1864)
Approfondir
________________________________________________________________________________________________
DVD Ă©vĂ©nement… Tous les secrets de la guerre de Troie (LâIliade), les hĂ©ros et les dieux, les relations des uns et des autres, les enjeux, dĂ©sirs, intrigues sont explicitĂ©s dans la saison 2 de la sĂ©rie « les Grands Mythes / LâIliade » Ă©ditĂ© par ARTE Ă©ditions (conception : François Busnel) – sortie : septembre 2019, CLIC de CLASSIQUENEWS (10 Ă©pisodes).
Extrait de notre prĂ©sentation critique du coffret DVD : Les Grands Mythes / L’Iliade (Arte Ă©ditions) : “…  Ici, sur les traces dâHomĂšre, mĂȘme approche complĂšte et claire, esthĂ©tique et trĂšs documentĂ©e : tous les hĂ©ros de lâIliade, guerriers grecs et troyens, dieux et dĂ©esses de lâOlympe, y sont subtilement Ă©voquĂ©s, leurs exploits et leurs enjeux comme leur signification, analysĂ©s : Ajax et Ulysse, Patrocle tuĂ© par Hector, Hector tuĂ© par Achille, Priam et Agamemenon, sans omettre lâimplication des dieux Aphrodite, AthĂ©na, ArĂšs, surtout HĂ©ra dont la ruse, piĂšge Zeus et organise la victoire finale des grecs⊠AprĂšs le visionage de chacun des 10 Ă©pisodes, lâIliade, câest Ă dire lâhistoire de la Guerre de Troie, nâaura plus aucun secret pour vous. IDEAL prĂ©ambule Ă lâopĂ©raâŠÂ Le coffret est dâautant plus nĂ©cessaire que chacun des Ă©pisodes clarifie lâĂ©popĂ©e des grecs contre les troyens, de quoi mieux comprendre tous les ouvrages de musique et surtout les opĂ©ras, si nombreux, qui se sont inspirĂ©s de la formidable Ă©popĂ©e homĂ©rienne et des figures fascinantes des hĂ©ros concernĂ©s : Priam, Agamemnon, IphigĂ©nie, Hector contre Achille, Cassandre, HĂ©cube⊔