L’OpĂ©ra National de Paris accueille l’Orchestre et Choeur du Concert d’AstrĂ©e dirigĂ© par Emmanuelle HaĂŻm, pour la reprise de leur production de Giulio Cesare de Haendel de 2011 dans la mise en scène signĂ©e Laurent Pelly.
Un éventail brillant de sentiments
Comme la distribution des chanteurs d’ailleurs. Si le livret peut paraĂ®tre risible, les chanteurs sont très engagĂ©s et donnent vie aux personnages avec les moyens dont ils disposent. Dans ce sens les rĂ´les de CĂ©sar et de ClĂ©opâtre, tenus par Lawrence Zazzo et Sandrine Piau respectivement, sont les vedettes incontestables, pourtant accompagnĂ©s d’une Ă©quipe de grande qualitĂ©. Le Jules CĂ©sar de Lawrence Zazzo est progressif. Si au tout dĂ©but, il semble plutĂ´t affectĂ© voire superflu, au cours des 4 heures de spectacle, il arrive Ă dessiner un portrait fantastique et complexe du hĂ©ros romain, qui, malgrĂ© l’abondance mĂ©lodique, n’a pas la musique la plus individuelle de l’oeuvre. Il est ainsi le hĂ©ros Ă la coloratura parfaite et savoureuse. Ses moments les plus intenses sont les rĂ©citatifs accompagnĂ©s, mais le souvenir plus vif que nous avons de sa prestation est sans doute son Ă©nergie et cet investissement indiscutable dans ses vocalises pleines de caractère et sa musicalitĂ©. L’interprète se rĂ©vèle mĂŞme irrĂ©sistible dans son court air guerrier Ă la fin du 2e acte “Alla’po dell’armi”.
Sandrine Piau est une ClĂ©opâtre encore plus irrĂ©sistible! Sa prestation est piquante Ă l’extrĂŞme. Tous ses airs chatouillent et caressent les oreilles. De plus, sa silhouette s’accorde parfaitement au personnage sĂ©ducteur. Son air du 2e acte : “V’adoro pupille” avec un orchestre des muses sur scène et l’un des sommets esthĂ©tiques et Ă©rotiques de l’oeuvre. Mais nous avons droit lors du mĂŞme acte Ă un autre sommet de beautĂ© cette fois-ci presque spirituelle lors de son air “Se pietĂ di me non senti” qui n’est pas sans rappeler Bach. Également investie dans les  duos, la soprano rĂ©ussit tout autant son air de bravoure Ă la fin de l’opĂ©ra :  ”Da tempeste il legno infrango” est la cĂ©rise de virtuositĂ© sur le dĂ©licieux gâteau d’une performance indiscutable.
Le personnage le plus dramatique, CornĂ©lie, est vivement dĂ©fendu  par la mezzo-soprano Verduhi Abrahamyan (nous avons toujours des excellents souvenirs de sa NĂ©ris dans la Medea de Cherubini ainsi que de sa Pauline dans la Dame de Piques de Tchaikovsky). Elle est noble et fière dans sa souffrance et le duo final du 1er acte : “Son nata a lagrimar”,  est magnifique : il suscite une vague de forts applaudissements et des bravos justifies.  Le Sextus de Katherine Deshayes paraĂ®t malheureusement en retrait. Son personnage n’a que des airs de vengeance (Ă l’exception du duo d’adieux avec CornĂ©lie), et ils sont tous dans sa tessiture. Ce qui aura pu ĂŞtre une excellente occasion pour elle n’est qu’une interprĂ©tation correcte mais peu mĂ©morable. Christophe Dumaux dans le rĂ´le de PtolomĂ©e est, au contraire, un chanteur que nous avons du mal Ă oublier (excellent Disenganno dans Il Trionfo de fĂ©vrier 2013). VirtuositĂ© vocale, sincère investissement, avec un sens aigu du théâtre, font de lui un mĂ©chant plutĂ´t attirant!  Paul Gay et Dominique Visse sont tous les deux excellents en Achillas et NirĂ©nus respectivement, d’ailleurs comme Jean-Gabriel Saint-Martin dans le rĂ´le de Curio (beau Guglielmo dans CosĂ fan Tutte Ă Saint Quentin en avril 2013).
La mise en scène de Laurent Pelly n’est pas pour tous les goĂ»ts, mais elle ne nuit pas Ă Â l’oeuvre. Au contraire, sa transposition de l’action dans un MusĂ©e du Caire imaginĂ© est plutĂ´t sympathique. Comme le fait qu’il intègre le 18e siècle dans sa vision. Dans ce sens, le concert des muses habillĂ©es en costumes baroques avec divers clins d’oeil Ă la Rome antique (le choeur des bustes entre autres!) affirment une belle humeur et une imagination plutĂ´t libĂ©rĂ©e. La reprise de la production est au final un festival pour tous les sens et l’Ă©ventail des sentiments et d’affects est certainement prĂ©sentĂ© avec candeur et noblesse. Au final, une production recommandable Ă voir et Ă©couter au Palais Garnier, encore le 31 mai ainsi que les 4, 6, 9, 11, 14, 16 et 18 juin 2013.