CD, compte rendu critique. HAYDN 2032 : Il Giardino Armonico. Giovanni Antonini (1 cd Alpha — 2015). SUPERBE PROGRAMME HAYDNIEN. Haydn devient un dĂ©fi nouveau pour tous les ensembles sur instruments d’Ă©poque : c’est que la vivacitĂ© Ă©lĂ©gantissime et souvent facĂ©tieuse, brillante mais hyper subtile de l’Ă©criture haydnienne est aussi un formidable champs d’expĂ©rimentation pour les couleurs instrumentales, dĂ©fi Ă relever entre autres, pour toute formation digne de ce nom, outre l’articulation et la prĂ©cision rythmique requises. Chaque orchestre souhaite tĂ´t ou tard revenir Ă Haydn, source inĂ©puisable du classicisme viennois. Tous les chefs depuis Norrington, BrĂĽggen, ou le plus rĂ©cent Ottavio Dantone (LIRE la critique complète du rĂ©cent coffret Decca de l’intĂ©grale Haydn sur instruments d’Ă©poque, CLIC de classiquenews de juin 2016) cherchent le bon tempo, la pulsation heureuse, Ă la fois vibrante et mordante, mais jamais creuse, la juste palette de couleurs justement ; le geste prĂ©cis et ciselĂ©, Ă la fois profond, fluide et surtout très expressif.
Dans ce programme, la sĂ©lection retenue par le chef d’Il Giardino Armonico donne raison au maestro Giovanni Antonini, sa sensibilitĂ© poĂ©tique et dramatique, soucieuse de cohĂ©sion comme de contrastes : le nerf, la subtilitĂ© des nuances rĂ©alisĂ©es, la vitalitĂ© gĂ©nĂ©rale aux cĂ´tĂ©s de l’opulence sonore et la sĂ»retĂ© expressive de chaque instrumentiste font toute la valeur de ce Haydn, digne crĂ©ateur Ă la fois classique aux cotĂ©s de Mozart, et dĂ©jĂ romantique en bien des aspects – sturm und drang du largo d’ouverture de L’Isola disabitata Hob XVIII:9 : comme dans la Symphonie n°42, chef et instrumentistes se dĂ©lectent Ă ciseler chaque sĂ©quence en une urgence souple et justement expressive. Ce travail du dĂ©tail et aussi de l’architecture dramatique d’ensemble est superlatif : rien de pompeux, ni de creux, mais au contraire une vitalitĂ© qui fait jaillir pour chaque sĂ©quence, une vĂ©ritĂ© de l’instant, idĂ©ale et prenante. La Symphonie n°64 regorge de saine allure rythmique qui Ă©blouit dans le menuet, entre autres, avec en prime propre aux instrumentistes italiens, cette âpretĂ© mesurĂ©e, d’une finesse souple admirablement canalisĂ©e. Distinguons ce lâcher prise de l’excellente corniste Anneke Scott (la musicalitĂ© incarnĂ©e), soliste superlative qui vient d’ailleurs de participer Ă la rĂ©ussite de la rĂ©cente tournĂ©e de la Messe en si mineur de JS Bach sous la direction de William Christie Ă Cuenca, Barcelone, Leipzig entre autres en juin 2016. Son niveau atteste aujourd’hui de l’exceptionnelle maĂ®trise sur instrument ancien, y compris les cuivres d’Ă©poque, pourtant si dĂ©licats Ă contrĂ´ler…
De Pétrarque au Sturm un Drang
Antonini signe un Haydn éclectique, génial, inspirant
Donnant son sous-titre Ă l’album, l’air Solo e pensoso hob XIV B:20 est un chef d’oeuvre de mesure intĂ©rieure, c’est Ă dire d’Ă©quilibre proprement viennois, comme un crĂ©puscule d’une ivresse enchantĂ©e. La voix de la claire et subtile soprano Francesca Aspromonte (nĂ©e en 1991) en cisèle vocalement chaque arĂŞte vive, chaque Ă©clat d’un texte qui rappelle combien tout marcheur en pleine nature fut-il solitaire et recueilli, ne peut que reconnaĂ®tre la silencieuse comprĂ©hension de la nature, miroir et Ă©cho naturel de ses tourments amoureux. Une rĂ©flexion musicale qui dĂ©bute introspective et sereine puis se dĂ©ploie en un ravissement plus conquĂ©rant et brillant, motif d’une virtuositĂ© Ă©lĂ©gantissime pour la soliste. Les qualitĂ©s de naturel et d’articulation de la soprano confirment ici notre impression dans un prĂ©cĂ©dent album, oĂą elle participait Ă un cycle nouveau de rĂ©surrection dĂ©diĂ© aux oratorios de Stradella (LIRE notre critique complète du cd Santa Editta de Stradella, CLIC de classiquenews de mai 2016).
La Symphonie n°4 qui conclue le programme souligne ce parfum d’Ă©loquence lĂ©gère voire d’insouciance bien Ă©loignĂ© des contrastes plus dramatiques et tendus des 42 et 64. La souplesse que parviennent Ă dĂ©ployer et colorer chef et instrumentistes convainc totalement. En somme, Giovanni Antonini aux cĂ´tĂ©s d’Ottavio Dantone s’affirme comme un Haydnien de premier ordre. VoilĂ qui augure de belles rĂ©alisations Ă venir puisque ce volume s’inscrit dans un cycle plus vaste dĂ©diĂ© Ă Haydn, et intitulĂ© “Haydn 2032″. Volet majeur d’une collection thĂ©matique Ă suivre dĂ©sormais pas Ă pas sur classiquenews. Alpha annonce en effet une intĂ©grale Haydn par Giovanni Antonini, d’ici 2032, annĂ©e faste qui marquera les 400 ans de la naissance du compositeur.
CD, compte rendu critique. HAYDN 2032 : Il Giardino Armonico. Giovanni Antonini (1 cd Alpha — 2015)