CD, Ă©vĂ©nement, critique. SCHUBERT : Symphonies 4 et 6 D 417, D 589. Kammerorchester Basel, Heinz Holliger (1 cd SONY classical, 2018)  -  Quand Schubert (20 ans) tente de percer sur la scĂšne viennoise, Rossini (30 ans) rĂšgne sans partage : les Viennois ayant toujours, depuis le XVIIĂš marquĂ© leur prĂ©fĂ©rence pour les Italiens : ils applaudissent Tancredi (1816-1818). Le Viennois emprunte ainsi Ă son ainĂ©, une sĂ©duction mĂ©lodique, des accents rythmiques, un entrain qui façonne lâOuverture, dans le style italien, D 590. Heinz Holliger, musicien Ă©mĂ©rite, instrumentiste ciselĂ© tĂ©moigne ici dâun rĂ©el sens instrumental, confĂ©rant Ă lâOuverture rossinienne et aussi Ă la Symphonie n°6 (Ă©crite Ă 21 ans en 1818), leur allant jovial, brillant et vivace, exprimant aussi cette dĂ©termination beethovĂ©nienne, mais toujours dans un sens dansant. La D 589 est dite Grande Symphonie, et annonce directement la somptueuse D 944, aux dimensions prĂ©brucknĂ©riennes. La 6Ăš exprime un bouillonnement dâidĂ©es, Ă peine dĂ©veloppĂ©es, oĂč rayonne le tapis scintillant des cordes, et surtout le caquetage virtuose, vif argent des bois, dâune exceptionnelle pĂ©tulance.
La Symphonie n°4 dite « tragique », D417, restituĂ©e ici dans son urgence et sa vitalitĂ© premiĂšre, est plus intĂ©ressante encore car son premier mouvement intĂšgre un nouvel Ă©lĂ©ment, plus vif et nerveux, voire frĂ©nĂ©tique avec des Ă©clairs rythmiques mordants qui indiquent clairement une intranquillitĂ© angoissĂ©e (Allegro vivace), et une trĂ©pidation rythmique (tutti secs scandĂ©s au dĂ©but du 3Ăš mouvement Menuetto) dans lâesprit de la 5Ăš de Beethoven. Cette fougue nouvelle qui semble unir le comique et le tragique, comme la danse dâun Arlequin insatisfait, marque la spĂ©cificitĂ© dâun Schubert remarquablement juste. La permanence du changement et de la mĂ©tamorphose est au centre de cette esthĂ©tique, probable influence des Ă©crits de MatthĂ€us von Collin, proche de Schubert. Lâultime Allegro exprime au plus haut point cette Ă©nergie devenue incandescence, sur un tempo des plus enlevĂ© et oxygĂ©nĂ©.
Les instrumentistes du Kammerorchester Basel savent dĂ©tailler les timbres, assurer une tension permanente, avec un sens dramatique digne dâun opĂ©ra, sans omettre la pulsion Ă©nergique souveraine. LâĂ©quilibre du chef entre prĂ©cision, clartĂ©, tension expressive assure Ă cette lecture une incontestable rĂ©ussite. Dâautant que la sonoritĂ© et le format sonore Ă©cartent toute Ă©paisseur. VoilĂ qui Ă©claire dans la suite dâun Claudio Abaddo (remarquable lecture des symphonies ultimes, 8 et 9 chez DG), la singularitĂ© profonde de Schubert sur la scĂšne orchestrale, pourtant ainsi Ă©crasĂ© entre Rossini et Beethoven. Dâailleurs, lui-mĂȘme ne put jamais Ă©couter ses Ćuvres symphoniques car le premier concert jouant ses Ćuvres remonte Ă dĂ©c 1828 (Redoutensaal), soit un mois aprĂšs sa mort⊠Est ce une intĂ©grale du Schubert symphoniste ? On le souhaite vivement. Holliger sây affirme des plus affĂ»tĂ©s et inspirĂ©s. A suivre.
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CD, Ă©vĂ©nement, critique. SCHUBERT : Symphonies 4 et 6 D 417, D 589. Kammerorchester Basel, Heinz Holliger (1 cd SONY classical – enregistrement rĂ©alisĂ© en oct 2018). CLIC de CLASSIQUENEWS de mars 2020.