Nouvelle Platée de Rameau à Toulouse

TOULOUSE, Capitole. RAMEAU : Platée, 19, 22, 23, 24 mars 2022. Partition d’une richesse exceptionnelle, flamboyante – et d’un humour d’une terrible amertume, Platée de Rameau est à l’affiche du Théâtre du Capitole. Corinne et Gilles Benizio (alias Shirley et Dino) et le chorégraphe Kader Belarbi éclairent la drôlerie cynique d’une fable déjantée où la première nymphe des marais se croit un temps l’aimée de… Jupiter. Après un silence de 6 années, Rameau refait surface avec entre autres Platée, comédie lyrique atypique et délirante composée pour la Cour de Versailles en 1745 : applaudi, Rameau devient alors compositeur officiel de Louis XV (Maître de Musique de la Chambre du Roi).

TOULOUSE, CapitoleUn Rameau méconnu : Les Fêtes de Polymnie
5 représentations :
Samedi 19, dimanche 20, mardi 22, mercredi 23, jeudi 24 mars 2022
RÉSERVEZ VOS PLACES directement sur le site du Capitole de Toulouse
https://www.theatreducapitole.fr/web/guest/affichage-evenement/-/event/event/6021354

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L’OPERA LE PLUS DÉLIRANT DE RAMEAU…

VERSAILLES, 1765… Etabli à Paris en 1722 comme compositeur pour les farces de la Foire, Rameau gagne une notoriété croissante grâce à la protection de la Poupelinière, son protecteur. Sa première pièce lyrique créée en 1733, Hippolyte et Aricie suscite un triomphe (scandaleux) à l’Académie royale de musique : trop de musique et d’une harmonie injouable pour les détracteurs ; drame sublime pour ses danses et son intensité tragique comme fantastique (l’acte des enfers et le trio des parques) pour les admirateurs. Les chefs d’œuvre se succèdent : Les Indes galantes (1735), Castor et Pollux (1737), Dardanus (1739)…
Platée, « ballet-bouffon » présenté le 31 mars 1745 à l’occasion du mariage du fils de Louis XV, le Dauphin Louis et de Marie-Thérèse, Infante d’Espagne, tire son sujet de l’historien grec Pausanias. Que Platée ait été conçue par allusion à la laideur de l’Infante Marie-Thérèse, laideron repoussoir, Rameau est reconnu comme le nouveau génie de l’opéra, doué d’une invention mélodique et musicale inédite, et dans Platée, capable de délire satirique d’une subtilité étourdissante. En réalité, il s’agit d’un stratagème piloté par Jupiter lui-même pour démontrer à son épouse Junon, trop jalouse, qu’elle s’inquiète pour rien : en effet, comme le dieu des dieux pourrait-il s’emmouracher d’un tel laideron ? Or la nymphe des marais elle, croit sincèrement aux sentiments d’un Jupiter manipulateur. Platée fait les frais de cette cruelle intrigue et tout le monde se gausse de sa naïveté orgueilleuse. Quand le voile de la mariée est soulevé révélant le laideron, Junon amusée, manque de s’étouffer de rire.
Musicalement, Rameau compose parmi ses meilleurs ballets et destine au personnage de Platée, un rôle d’une rare virtuosité (alors pour la haute-contre Pierre Jélyotte, chanteur vedette de ses opéras), entre sincérité, tendresse, gravité. Rameau va plus loin et imagine une autre figure déjantée : la folie qui s’est saisie de la lyre d’Apollon et « ose » exprimer une série de tableaux musicaux contrastés, chante un air légendaire, vrai défi pour toute soprano coloratoure.

RIRE DÉSESPÉRÉ
Programmée pour être jouée dès le printemps 2020, la production de Platée par Dino et Shirley a été annulée à cause de la pandémie. Il s’agit d’une production d’autant plus attendue que le ténor Mathias Vidal est annoncé dans le rôle-titre et que la soprano Marie Perbost incarnera La Folie. Après avoir mis en scène King Arthur de Purcell, Dino et Shirley aborde l’une des comédies lyriques les plus délirantes du répertoire français. Délirante et touchante aussi car la pièce montre combien des dieux oisifs, montant tout un stratagème, par pur sadisme, se moquent d’une vieille nymphe des marais, en lui faisant croire qu’elle va pouvoir épouser Jupiter. Rameau semble alors épingler la barbarie sadique des grands contre les petits ; les marais sont les bas-fonds et Platée qui est un travesti, concentre tous les sévices et les sarcasmes d’une classe aisée, arrogante et méprisante, a contrario, idéalement privilégiée. « Des favelas brésiliennes aux barsglauques de Pigalle, on sait bien comment cela se passe. Il y a même bien des pays où les travestis sont persécutés. En même temps, il y a dans ces lieux interlopes une joie de vivre, une gaieté désespérée : on danse, on rit, on fait la fête. Grandeur héroïque de ce monde-là. La fin est terrible : ce rire des dieux face à l’humiliation tragique essuyée par Platée », précisent Shirley et Dino qui ont choisi d’actualiser l’histoire du XVIIIè dans notre actualité sociétale : « dans une sorte favela latino-américaine, une population fragilisée tente de se protéger et de protéger la vieille patronne, où des riches font intrusion pour faire la fête à n’importe quel prix. » Canal privilégié de la danse tragique de Platée, les deux metteurs en scène travaillent aussi avec le chorégraphe Kader Belarbi, directeur du Ballet du Capitole, pour exprimer la poésie douce amère de ballets impressionnants soit un « univers à la Almodovar, un monde coloré, à la fois tragique et joyeux. Des vies brisées, mais intenses, profondément humaines. »

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Reprise à VERSAILLES, Opéra royal
4 représentations :
Mercredi 18, vendredi 20, samedi 21, dimanche 22 mai 2022
RÉSERVEZ VOS PLACES
directement sur le site de l’Opéra royal de Versailles

https://www.chateauversailles-spectacles.fr/programmation/rameau-platee_e2464

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PLATÉE de JEAN-PHILIPPE RAMEAU
(1683-1764)
Opéra-ballet bouffon en trois actes
Livret d’Adrien-Joseph Le Valois d’Orville
Création le 31 mars 1745 au Grand Manège de Versailles
NOUVELLE PRODUCTION – Capitole de Toulouse

Shirley et Dino (Corinne et Gilles Benizio),
mise en scène, costumes, comédiens

Mathias Vidal, Platée
Marie Perbost, La Folie
Pierre Derhet, Mercure
Jean-Christophe Lanièce, Momus
Jean-Vincent Blot, Jupiter
Marie-Laure Garnier, Junon
Marc Labonnette, Cithéron
Lila Dufy, Clarine

Chœur et Orchestre Concert Spirituel
Ballet du Capitole
Hervé Niquet, direction musicale

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CRITIQUE, opéra. TOULOUSE. Capitole le 2 juillet 2021. R. STRAUSS : ELEKTRA.  R.MERBETH ; V.URMANA ; N.GOERNE ; F. BEERMANN / M.FAU

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE. Capitole le 2 juillet 2021. R. STRAUSS : ELEKTRA.  R.MERBETH ; V.URMANA ; N.GOERNE ; F. BEERMANN / M.FAU. Il nous a fallu assister deux fois à ce fabuleux spectacle (2 puis 4 juillet) pour en percevoir la richesse et en rendre compte. Le choc attendu avec cet opéra hors normes a été au rendez-vous. Une saison capitoline sacrifiée (comme partout) porte sa revanche avec une production superlative. Le dispositif scénique est insolite et …génial. La fosse du Capitole ne permet pas d’entasser les musiciens nécessaires à cette partition sans risques sanitaires. L’orchestre a donc été plus confortablement installé en fond de scène, l’occupant plus de la moitié. Un très beau rideau de tulle peint fait séparation. La fosse recouverte permet sur le proscénium des mouvements d’acteurs réduits mais percutants. La scène est encombrée d’une gigantesque statue d’Agamemnon abattue au-dessous du genou. Un souterrain s’ouvrant permet d’évoquer le terrier d’Elektra. A cour et à ardin, les entrées et sorties suggèrent l’extérieur et le palais sans vraie rigueur.  La statue d’Agamemnon envahit l’espace scénique comme le père envahit l’espace mental et affectif d’Elektra.

ELEKTRA Tutta Forza au Capitole !

elektra michel fau apitole merbeth gornerLa fusion musicale et scénique voulue par le tandem si intime Hofmannsthal / Strauss se retrouve parfaitement dans cette production inouïe. La grandeur et la richesse de la scène sont enchâssées dans une direction musicale à la fois retenue au niveau du tempo et très analytique, permettant de déguster toutes les finesses orchestrales de Strauss. Le drame se tend lentement mais avec une puissance orchestrale extraordinaire que le chef allemand arrive à tenir afin de ne pas couvrir les chanteurs. L’Orchestre du Capitole est absolument flamboyant. Placée si habilement, la dimension symphonique est enthousiasmante.
La direction de Franck Beermann retrouve les belles qualités de son Parsifal la saison dernière. Direction dramatique tenue tout du long, grands arcs construits, détails subtils sculptés et un équilibre parfait avec le plateau. La riche orfèvrerie orchestrale de Richard Strauss est scintillante tout du long. Le même scintillement se retrouve sur scène. Je crois peu élégant de détailler les éléments vus sur scène, il le faut pourtant pour rendre à chacun la part de son travail inestimable mais le travail d’ensemble est remarquable pour la cohérence de la vision, car tout se complète.

Rendons à Christian Lacroix, la palme de la brillance. Son goût pour les couleurs est bien connu. Il a dessiné des costumes de toute beauté, si trop beau est possible nous n’en sommes pas loin ! Quelle subtilité dans l’outrance et quel goût dans le choix des matières. Le décor repose sur les créations de Phil Meyer avec cette extraordinaire statue d’Agamemnon et son très beau rideau de fond de scène. Les lumières de Joel Fabing sont magiques et permettent une variété presque infinie de lieux. Jouant sur la transparence du rideau et la franchise des couleurs des costumes, il crée des espaces infinis. La dominante rouge pour Clytemnestre, l’or pour Chrysothémis, le vert pour Oreste, le blanc après les deux meurtres : cela a aussi pour effet de changer les visages très maquillés et qui « prennent » la lumière très fortement. Le jeu des acteurs est emphatique sans être grandiloquent. La noblesse des personnages principaux nous rappelle que nous sommes chez les Atrides tout de même ! Les servantes sont plus caricaturales avec un jeu outré comme si chacune était l’un des membres d’une pieuvre. Groupe mouvant tentaculaire.

Vocalement les servantes ont toutes de fortes voix mais sans unité vocale ni recherche d’harmonie, c’est l’opposé de ce que l’on voit. Elektra sort de terre comme d’une tombe en évoquant Agamemnon. L’effet est puissant. Son costume ne tient pas compte de la tradition, entorse qui est en fait très signifiante. Sa robe pourrait être une robe de mariée avec couronne de fleurs. Cela nous suggère que la vie mentale d’Elektra la domine complètement.  Ce mariage avec son père n’est donc pas interdit mais « raté ». Toute la névrose hystérique est contenue en ce costume…  Cette Elektra ne renonce pas totalement à plaire et n’est pas une souillon.
L’interprétation de Riccarda Merbeth est totalement convaincante : elle est Elektra sur le plan vocal et scénique. La voix est somptueuse, admirablement conduite afin de ne jamais la mettre en danger. Elle terminera la série de cinq représentations avec une voix en totale santé. Et pourtant elle donne généreusement sa voix sur toute la vaste tessiture. Les graves sont magnifiquement timbrés sans effets de poitrinage et les aigus se développent en rayons de soleil progressifs que le geste large du chef encourage. Cette manière magistrale de placer le son puis le développer est remarquable et permet de comprendre l’extraordinaire carrière qui lui permet d’enchainer les rôles les plus terrifiants (Isolde, les trois Brunnhilde et Turandot entre autres). Ce rôle d’Elektra, elle l’a beaucoup chanté, et je ne sais pas si elle dira la même chose mais je trouve qu’entre le confort des arcs tendus par la direction du chef et une certaine élégance du personnage autorisée par la mise en scène, la noblesse du personnage de cette production sied particulièrement à la cantatrice allemande, dont la tenue vocale a tant d’élégance. Dans la mise en scène de Michel Fau, le personnage gagne en complexité. Le travail d’acteur est efficace et renouvelle le rôle. Du coup les relations avec les autres personnages sont également enrichies. Le combat avec sa terrible mère est tout en subtilités. Violetta Urmana est une Clytemnestre pleine de séduction. Vocalement elle est très à l’aise et scéniquement rien que par le costume somptueux, elle est une reine indétrônable. Le face à face est monstrueux à souhait entre la mère et la fille. Chrysotémis est un personnage qui gagne également en complexité. J’ai regretté que vocalement il ait manqué une lumière dans le timbre de Johanna Rusanen  et une petite fragilité qui permettrait d’en faire une sœur seconde par rapport à Elektra. Mais cette manière de se tenir à égalité face à Elektra y compris vocalement donne de la profondeur au drame. Il m’est arrivé de penser qu’il n’est pas fréquent d’avoir sur scène trois Elektra, une titulaire, une qui aurait pu l’être (Violetta Urmana) et une en devenir (Johanna Rusanen ). Car la puissance vocale sur tous les registres des trois cantatrices est équivalente.
L’autre grand rôle, plus attendu qu’entendu mais fondamental pour le drame est Oreste. Pour une prise de rôle Nelson Goerne est royal d’allure et de voix. Le timbre somptueux, le texte est si bien dit qu’il est un Oreste mémorable. Le jeu est retenu, le costume de velours griffé vert est peut-être plus sobre mais au combien élégant. Les gestes sont rares, le personnage attend, et se concentre. La tendresse vis à vis d’Elektra est vraie ainsi esquissée d’un simple geste. Le matricide est sobre avec un beau geste de la mère vers son fils en son dernier instant. Là aussi la manière de traiter le personnage convainc à la noblesse de l’interprète. Valentin Thill  en jeune serviteur est remarquable de clarté de timbre et d’émission agréable. Barnaby Rea en serviteur d’Oreste est d’une belle présence face pourtant à de terribles monstres vocaux. L’Egisthe de Frank van Aken tient son rang en tout et sa mise à mort ressemble à un film qu’Elektra regarde. Comme si cette pièce indispensable mais de deuxième importance dans le délire hystérique d’Elektra ne méritait plus d’importance.

C’est donc avec un spectacle total et sur une réussite exceptionnelle et sans faiblesse que le Capitole gâte son public in fine. Cette Elektra intelligemment revisitée par Michel Fau restera dans les mémoires.

CRITIQUE, opéra. TOULOUSE, Théâtre du Capitole,  les 2  et 4 Juillet 2021 ; Richard STRAUSS :( 1864-1949) : Elektra ; tragédie  en un acte ; Livret  de Hugo von Hofmannsthal ; Création  le 25 janvier 1909 au Semperoper de Dresde ; Michel Fau,  mise en scène ; Hernán Peñuela,  scénographie ; Phil Meyer,  sculpture et peinture ; Christian Lacroix,  costumes ; Joel Fabing,  lumières ; Ricarda Merbeth : Elektra ; Johanna Rusanen : Chrysothémis ; Violeta Urmana : Clytemnestre ; Matthias Goerne :  Oreste ; Frank van Aken : Égisthe ; Sarah Kuffner : La Confidente, la Surveillante ; Svetlana Lifar,  Première Servante ; Grace Durham,  Deuxième Servante ; Yael Raanan-Vandor :  Troisième Servante, La Porteuse de Traîne ; Axelle Fanyo : Quatrième Servante ; Marie-Laure Garnier : Cinquième Servante ; Valentin Thill : Un Jeune Serviteur ; Barnaby Rea,  Le précepteur d’Oreste ; Thierry Vincent : Un vieux Serviteur ; Zena Baker, Mireille Bertrand, Catherine Alcoverro, Judith Paimblanc, Biljana Kova, Stéphanie Barreau : Six servantes ; Orchestre National du Capitole ; ChÅ“ur du Capitole, Alfonso Caiani  direction; Frank Beermann,  direction musicale – Photo : © Mirco Magliocca

VOIR le TEASER VIDEO ici :
https://www.youtube.com/watch?v=cgrQPWujEOY&t=13s

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 13 déc 2019. J.WILLIAMS. J.HORNER H.ZIMMER. L.SCHIRFIN. ONCT. T.SOKHIEV.


SOKHIEV-582-594-Tugan-Sokhiev---credit-Marc-BrennerCOMPTE-RENDU, critique, concert. TOULOUSE, le 13 déc 2019. WILLIAMS, ZIMMER, SCHIRFIN. ONCT. Tugan SOKHIEV. Lors de ces deux concerts salle comble, déclarés complets depuis des lustres, un complexe est tombé. Il est permis d’aimer la musique symphonique la plus complexe et de trouver le même plaisir musical dans la décontraction et le bonheur de l’enfance en plus avec la musique hollywoodienne. Contrairement à l’an dernier où les deux concerts étaient thématiques avec uniquement la musique de Star Wars associant des tubes et des pages plus rares, cette fois Tugan Sokhiev a choisi le plaisir pur de faire entendre les musiques des films les plus connus. Le concert n’a pas été très long mais quel voyage il nous a fait faire et quelle richesse ! Avec la même science de la construction du programme, avec des humeurs variées et une sorte d’apothéose pour le final, s’est construite un festival d’émotions. Ainsi enchaînés : Jurassik Park, Mission Impossible, Titanic, Star Wars Les Sept mercenaires, Retour vers le futur, Hook, E.T. et Indian Jones pour finir en apothéose le départ pour le voyage en haute mer de Pirates des Caraïbes. Photo Tugan Sokhiev (service de presse Capitole Toulouse DR)  

 

   

 

 

Le Père Noël à Toulouse :

quand Tugan Sokhiev fait son cinéma

 

 

 

Avec le même soin du détails, comme de la dramaturgie de la partition, c’est comme si ces musiques tant aimées et bien connues sortaient d’une sorte de brouillard, d’une boite un peu oxydée, pour vivre à l’air libre leurs splendeurs sonores, en irradiant de bonheur. Fidèles à eux-mêmes, les musiciens de l’orchestre ont brillé. Ils ont été enthousiastes, soignant chaque instant et sachant devenir dans les moments solistes, et ils sont nombreux, de véritables …divas. Les cuivres ont caracolé sans complexes ; les cors ont soufflé la grandeur ou exprimé des sentiments intimes ; les trompettes ont fouetté le sang et les violons ont ouvert le ciel de plages laiteuses, de volutes sublimes ou de thèmes piquants. Les violoncelles ont su faire pleurer de beauté, comme les bois, tous magiques. Les percussions ont été mises a rude épreuve et le brio a été permanent. Le piano, la batterie et la guitare électrique (Mission Impossible) ont tenu le public en haleine avec un swing incroyable.

Tugan Sokhiev a fait l’enfant, heureux d’avoir à sa main un super orchestre sachant tout jouer de la plus belle manière. Ils semblait s’émerveiller lui-même du pouvoir d’évocation de la musique sous ses doigts, qui suggérait histoires et images. Ces compositeurs de musiques de films américains, avec en maître tutélaire John Williams, ont tous un véritable don. La richesse des partitions n’est pas en comparaison du répertoire « dit symphonique classique ». Il se dégage de tels concerts un bonheur et une énergie incroyable. Et le rajeunissent du public est également un élément important. Sentir le plaisir de ses voisins quand arrive son thème préféré, procure le frisson à la salle entière. Pour ma part je reste un inconditionnel de Star Wars de John Williams mais cette année Pirates des Caraïbes de Hans Zimmer et Mission Impossible de Lalo Schifrin l’ont rejoint au Walhalla. 
Vivement au autre cinéma de Tugan Sokhiev l’an prochain !  Pour nous, il a carte blanche. Car cela ferait croire au père Noël !  

 

   

 

 

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COMPTE-RENDU, critique, concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, les 12 et 13 décembre 2019. John Williams : Jurassik Park, Star Wars, Hook, E.T. , Indiana Jones ; Lalo Schifrin : Mission Impossible ; James Horner : Titanic ; Elmer Bernstein : Les Sept Mercenaires ;  Alan Silvestri : Retour vers le futur ; Hans Zimmer : Pirates des Caraïbes. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev direction.

 

 

   

 

 

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, le 26 nov 2019. POULENC : Dialogues des Carmélites. O Py / JF Verdier.

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE. CAPITOLE. Le 26 Novembre 2019. F. POULENC. DIALOGUES DES CARMELITES. O. PY. A. CONSTANS. A. MOREL. J DEVOS. J.F. LAPOINTE. J.F. VERDIER. Cette belle production d’Olivier Py avait déjà eu bien du succès au Théâtre des Champs Élysées à Paris, et au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles en 2013. La grande élégance stylisée des décors et des costumes y est pour beaucoup. La force également qui se dégage des éclairages et des mouvements puissants des décors à vue marquent durablement les esprits. Le jeu des chanteurs-acteurs est toujours sobre. Il y a comme une certaine distanciation en permanence qui évite toute émotion trop forte. L’intelligence,  les symboles sont lisibles et le contexte historique de la Révolution Française est présent.

 

 

Au Capitole, de beaux Dialogues
…mais un peu froids

 
 
Dialogues-des-carmelites-poulenc-py-toulouse-devos-lapointe-critique-opera-classiquenews
   

Mais il y une distanciation très contemporaine avec le tragique des faits historiques qui nuit à l’émotion forte de certaines scènes. Les faits historiques sont exposés et compris mais non vécus. Il faut dire que la présence du Chœur dans les loges de part et d’autre de la scène ou dans le côté du théâtre avec une présence très forte en habits contemporains, a minoré l’impact émotionnel de la sublime scène finale. En effet le bourdon trop présent a couvert le dénuement qui gagne le chant des moniales au fur et à mesure que la guillotine s’active. Même la scène de la mort de la prieure dans un habile dispositif, a gardé comme une distance avec l’ émotion.

Pourtant l’engagement des chanteurs a été notable. En particulier la jeune Anaïs Constans qui est une Blanche de la Force impressionnante de présence tant vocale que scénique. En Mère, Marie, Anaïk Morel a su trouver la dureté du personnage avec une voix comme minérale. Janina Baechle est une première prieure plus humaine que certaines avec une mort presque trop polie. Catherine Hunold en nouvelle prieure sait de sa voix homogène mettre le moelleux nécessaire à la dimension maternelle du rôle. Jodie Devos incarne tant vocalement que scéniquement la force de vie du rôle de Constance avec beaucoup de naturel et de charme. C’est elle qui délivre le chant le plus porteur d’émotion, surtout durant le final.
Les hommes n’ont pas démérité sans s‘imposer particulièrement. Les petits rôles sortis du Chœur ont tous été excellents, tout particulièrement Catherine Alcoverro très émouvante en Jeanne.
L’orchestre du Capitole a été parfait.  Les nuances ont été parfois un peu trop présentes sans mettre en danger les chanteurs. Jean-François Verdier développe la dimension symphonique de la partition. Lui aussi en accord avec la mise en scène appuie la clarté du discours, la perfection formelle des équilibres sonores. Mais cette élégance, comme celle de la mise en scène nous a semblé manquer d’émotion.
Ces dialogues ont donc été bien accueillis par le public, mais sans beaucoup d’yeux humides…

 
  
 

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COMPTE-RENDU, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole , le 26 Novembre 2019. Françis Poulenc (1899-1963) : Dialogue des Carmélites. Opéra en trois actes et douze tableaux ; Texte de la pièce de Georges Bernanos, adapté avec l’autorisation d’Emmet Lavery ; D’après une nouvelle de Gertrud von Le Fort (La Dernière à l’échafaud) et un scénario du Rév. Raymond Leopold Bruckberger et de Philippe Agostini ; Édité par CASA RICORDI MILANO ; Création le 26 janvier 1957 au Teatro alla Scala de Milan. Coproduction Théâtre des Champs Elysées et du  Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles. Olivier Py : mise en scène ; Pierre-André Weitz : décors et costumes ; Bertrand Killy : lumières Avec : Anaïs Constans, Blanche de la Force ; Anaïk Morel, Mère Marie de l’Incarnation ; Janina Baechle, Madame de Croissy, première Prieure ; Catherine Hunold, Madame Lidoine, nouvelle Prieure ; Jodie Devos,  Constance de Saint-Denis ; Jean-François Lapointe, Le Marquis de la Force ; Thomas Bettinger, Le Chevalier de la Force ; Vincent Ordonneau, L’Aumônier ; Jérôme Boutillier, Le Geôlier / Thierry / Monsieur Javelinot ; Chœur du Capitole, Alfonso Caiani direction ;  Orchestre national du Capitole ; Jean-François Verdier direction. Photo © Patrice Nin

 
 
 

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, les 29 sept * et 8 oct 2019. BELLINI : NORMA. REBEKA, KOLONITS, DEHAYES, BISANTI.

7 - Norma - Airam Hernandez (Pollione), Klara Kolonits (Norma) - crÇdit Cosimo Mirco MaglioccaCOMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE. CAPITOLE. Le 29 septembre * et le 8 octobre. V. BELLINI. NORMA. A. DELBE. M. REBEKA. K. KOLONITS. K. DEHAYES. A. HERNADEZ. G. BISANTI. Ouvrir la saison nouvelle 2019 2020 du Capitole avec Norma relève du génie. Salles combles, public subjugué, succès total. Une sainte trilogie que tout directeur de salle rêve un jour de vivre. Christophe Gristi a réussi son pari. Car il en faut du courage pour monter Norma et trouver deux cantatrices capables de faire honneur au rôle. Nous avons eu la chance d‘avoir pu admirer les deux distributions. En débutant par Klara Kolonits, nous avons pu déguster la douceur du timbre, la délicatesse des phrasés, la longueur de souffle de sa Norma. Sa blondeur donne beaucoup de lumière dans le duo final lorsque la bonté et le sacrifice de Norma trouvent des accents sublimes. Norma, la déesse céleste, trouve dans l’incarnation de Kolonits, une beauté douce et lumineuse d’une grande émotion. Mais c’est sa consœur, Marina Rebeka qui est une véritable incarnation de Norma, dans toutes ses dimensions de cruauté, de violence, de grande noblesse et de pureté recherchée dans le sacrifice. (Photo ci dessus : Klara Kolonits et Airam Hernandez).

Au Capitole deux sensationnelles Norma et une sublime Adalgise :
c’est Bellini qui ressuscite.

9.1 - Norma - Marina Rebeka (Norma) - crÇdit Cosimo Mirco Magliocca

 

 

La voix est d’une puissance colossale. La noirceur dont elle sait colorer un timbre très particulier rappelle d’une certaine manière La Callas dans son rôle mythique. La voix large et sonore sur toute la tessiture sait trouver des couleurs de caméléons, ose des nuances affolantes ; les phrasés sont absolument divins. L’art scénique est tout à fait convainquant et sa Norma sait inspirer la terreur, l’amour ou la pitié. Marina Rebeka est une Norma historique semblant révéler absolument toutes les facettes vocales et scéniques de ce personnage inoubliable.

En face de ces deux Norma, la blonde et la brune, la douceur et l’engagement amical de l’Adalgise de Karine Deshayes, sa constance sont un véritable miracle. La voix est d’une beauté à couper le souffle sur toute la tessiture. Les phrasés belcantistes sont d’une infinie délicatesse. Les nuances, les couleurs sont en constante évolution. Le chant de Karine Deshayes est d’une perfection totale. Le jeu d’une vérité très émouvante. Les duos avec Norma ont été les véritables moments de grâce attendus. Le « mira o Norma » arracherait des larmes à des rocs.

 

 

9 - Norma - Karine Deshayes (Adalgisa), Marina Rebeka (Norma) - crÇdit Cosimo Mirco Magliocca

 

 

En Pollione , Airam Hernández s’affiche avec superbe. La voix puissante est celle du héros attendu et le jeu de l’acteur assez habile dans le final donne de l’épaisseur au Consul ; ce qui le rend émouvant. Le timbre est splendide. Même si le chant parait plus robuste que subtil, l’effet est réussi. En Oroveso, Bálint Szabó remporte la palme du charisme, véritable druide autoritaire dont le retournement final fait grand effet. L’autre titulaire du rôle, Julien Véronèse ne démérite pas mais est plus modeste de voix comme de présence, plus jésuite que druide. La Clotilde d’Andrea Soare a un jeu remarquable et une voix claire et sonore qui tient face aux deux Norma si puissantes vocalement. L’orchestre du Capitole mérite des éloges tant pour la beauté des solos que pour son engagement total tout au long du drame.

Il faut dire que la direction de Giampaolo Bisanti est absolument remarquable. Il vit cette partition totalement et la dirige avec amour. Il en révèle le drame poignant dans des gestes d’une beauté rare. Il a une précision d’orfèvre et une finesse dans le rubato tout à fait féline. Il ose des forte terribles et des pianissimi lunaires.

Dans les duos des dames, il atteint au génie sachant magnifier le chant sublime des deux divas. Le rêve romantique a repris vie ce soir et Bellini a été magnifié par l’harmonie entre les musiciens, le chef et les solistes. Les chœurs ont été très présents dans un chant généreux et engagé.

TRISTE MISE EN SCENE… La tristesse de la mise en scène n’est pas arrivée à cacher le plaisir des spectateurs. Pourtant quelle pauvreté, quelle ineptie de faire dire un texte oiseux en français sur la musique avec la voix du père Fouras… Pas la moindre poésie dans les décors, du métal froid, des pendrillons fragiles, des costumes d’une banalité regrettable. Qu’importe la ratage de l’entrée de Norma trop précoce, le final sans grandeur, ces chÅ“urs et ces personnages visibles sans raisons, la musique a tout rattrapé.  Cela aurait pu me donner envie de prendre un permis de chasse pour certaine bête cornue ridicule et peut être pour le possesseur du téléphone coupable de sonner et pourquoi pas pour celles qui ne savent pas laisser à la maison, semainiers et autres bracelets. Ce n’est jamais très agréable ces sons métalliques mais dans cette Norma musicalement si subtile, ce fût un véritable crime.
Qu’importe ces vilains véniels, le succès de cette ouverture de saison capitoline va rester dans les mémoires !

 

 

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Compte-rendu Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 29 septembre* et le 8 octobre 2019. Vincenzo Bellini (1801-1835) ; Norma ;  Opéra  en deux actes ; Livret  de Felice Romani ; Création  le 26 décembre 1831 au Teatro alla Scala de Milan ; Nouvelle production ; Anne Delbée,  mise en scène ; Émilie Delbée,  collaboratrice artistique ; Abel Orain  décors ; Mine Vergez,  costumes ; Vinicio Cheli, lumières ; Avec : Marina Rebeka / Klára Kolonits*,  Norma ; Karine Deshayes,  Adalgisa ; Airam Hernández,  Pollione ; Bálint Szabó / Julien Véronèse*,  Oroveso ; Andreea Soare,  Clotilde ; François Almuzara,  Flavio ; ChÅ“ur du Capitole – Alfonso Caiani  direction ; Orchestre national du Capitole ; Giampaolo Bisanti, direction musicale / Photos : © Cosimo Mirco Magliocca / Théâtre du Capitole de Toulouse 2019

COMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, le 10 Juin 2019. BORODINE, RACHMANINOV, MOUSSORGSKI. Chœurs du Capitole. Orch Nat du Capitole. G.Magee. T.SOKHIEV

SOKHIEV-maestro-chef-toulouse-capitole-presentation-critique-par-classiquenews-sokhiev_c_marc_brennerCOMPTE-RENDU, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 10 Juin 2019. A. BORODINE. S. RACHMANINOV. M. MOUSSORGSKI/M.RAVEL. Chœurs du Capitole. Orchestre National du Capitole. G.Magee. T.SOKHIEV, direction. Ce concert très attendu n’a pas permis à la vaste Halle-aux-Grains d’accueillir tout le public venu demander une place. C’est donc dans une salle bondée avec une ambiance électrique que le concert a débuté. La Cantate le Printemps de Rachmaninov pour baryton et chœur est un hymne à l’amour et au renouvellement perpétuel de la vie. Elle contient un très beau message de paix et de pardon. L’orchestration est subtile avec un éveil de la nature d’une sensualité envoutante. Tugan Sokhiev dirige à mains nues et semble obtenir de tous une musique aussi belle qu’émouvante. Le Chœur du Capitole est profond dans d’admirables nuances. Le baryton Garry Magee au chant subtile et à la voix naturellement belle fait un beau portait d’homme amoureux meurtri qui pardonne. Mais nous savons quel Eugène Onéguine il a su être au Capitole. Il offre des interventions parfaites qui nous ont semblé trop courtes. Illustration : Tugan Sokhiev © M Brenner.

 

 

 

Sommet de musicalité à Toulouse

Puis les danses Polovtsiennes du Prince Igor avec chœur sont une merveille de beauté et de grâce trop rarement donnée. La danse des jeunes filles permet aux femmes du chœur d’offrir nostalgie et délicatesse, tandis que les hommes sont d’une vivacité et d’une énergie bien dosées. Pour la danse finale, le chœur mixte fait merveille. Tugan Sokhiev dirige avec gourmandise ces pages superbes et richement orchestrées.
La deuxième partie du concert offre une œuvre phare que l’orchestre et son chef jouent avec succès dans le monde entier. L’enregistrement par ces même interprètes en 2006 chez Naïve est une référence. Le concert de ce soir renouvelle cette magie et l’augmente car l’orchestre du Capitole a des couleurs plus profondes et plus lumineuses. L’équilibre entre le son français et russe est inégalable de charme et d’émotion. La trompette solo qui ouvre la promenade demande un culot incroyable au soliste, Hugo Blacher est tout simplement merveilleux dans une émotion palpable partagée. Tout ira ensuite comme par enchantement : les tableaux sont pleins de vies et défilent, la promenade est pleine d’esprit dans ses transformations.
Chaque instrumentiste soliste donne sa vie et les gestes de Tugan Sokhiev disent la musique et les mini drames contenus dans la partition avec une beauté de chaque instant. Ses mains semblent créer le son, agençant avec un air gourmand couleurs et nuances dans une narrativité sans cesse relancée. La délicate mélancolie du vieux châteaux, la puissance de la marche du bétail, l’humour du ballet des coquilles d’œuf et la noirceur des catacombes, tout est parfaitement suggéré. Ainsi ce voyage se poursuit dans une atmosphère de beauté et d’émotions délicates avant que d’arriver au final triomphant qui dans un crescendo irrésistible nous entraine dans la Russie éternelle de nos rêves. La Grande porte de Kiev est aussi grandiose et majestueuse que possible. Tugan Sokhiev dose à la perfection les nuances pour terminer dans un fortissimo enthousiasmant. Quel admirable concert associant une œuvre très rare, des danses célèbres rarement donnée et un must absolu pour un orchestre virtuose. Tugan Sokhiev a une maturité artistique inouïe tout en gardant ce contact chaleureux et simple avec les musiciens de son orchestre comme avec son public. Public toulousain sous son charme tant cet homme semble incarner totalement la Musique.
Le triomphe fait par le public obtient un bis mystérieux tout en émotion : la délicate orchestration par Debussy de la première Gymnopédie de Satie !
C’était le dernier concert de la saison dirigé par Tugan Sokhiev qui atteint un nouveau sommet de musicalité avec ses musiciens toulousains. Les retrouver à la rentrée sera un grand moment.

 

 

 

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Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains le 10 juin 2019. Alexandre Borodine (1833-1887) : Le Prince Igor : Danses Polovtsiennes ; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Le printemps, Op.20 ; Modeste Moussorgski ( 1839-1881) Orchestration de Maurice Ravel : Tableaux d’une exposition ; Garry Magee, baryton ; Choeurs du Capitole, chef de chœur : Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Tugan Sokhiev, direction.

 

 

 

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, le 1er mars 2019. R. STRAUSS: Ariane à Naxos. Fau, Hunhold, Savage. Orch Nat Capitole. E.ROGISTER

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Capitole, le 1er mars 2019. R. STRAUSS: Ariane à Naxos (nouvelle production). Fau, Belugou, Fabing, Hunhold, Savage, Morel, Sutphen. Orch National du Capitole. E.ROGISTER, direction. Donner l’opéra le plus élégant de Richard Strauss et Hugo von Haufmannstahl, le plus exigeant au niveau théâtral avec des voix hors normes, toutes surexposées, est une véritable gageure que Christophe Ghristi, nouveau directeur de l’auguste maison toulousaine, relève avec brio. Il a trouvé en Michel Fau un homme de théâtre respectueux de la musique, capable de donner vie à Ariane à Naxos en un équilibre parfait entre théâtre et musique, entre le prologue et l’opéra lui-même.
J’ai toujours jusqu’à présent trouvé que la partie musicale dépassait le théâtre et que des deux parties l’une dominait l’autre. Au disque la musique sublime de bout en bout de l’opéra s’écoute en boucle et sans limites, à la recherche de timbres rares et de vocalités exactes. A la scène souvent le prologue est trop ceci ou pas assez cela ; et en fait ne convainc pas ; trop souvent l’opéra peut s’enliser. Pourtant je parle de productions à Aix (avec  l’Ariane de Jessye Norman) ou Paris (avec la Zerbinetta de Natalie Dessay)… Je dois dire que ce soir le travail extraordinairement intelligent et délicat de Michel Fau mériterait une analyse de chaque minute.  L’humour y est d’une subtilité rare et sur plusieurs plans. La beauté des costumes (David Belugou)  et des maquillages (Pascale Fau)  ajoutent une élégance rare à chaque personnage quelque soit son physique.

Ariane à Naxos de Strauss/Hofmansthal
Production géniale à Toulouse

STRAUSS-ariane-capitole-toulouse-opera-critique-annonce-classiquenews-critique-opera-Issachah-Savage-(Bacchus)-et-Catherine-Hunold-(Ariane)---crédit-Cosimo-Mirco-Magliocca

C’est également David Belugou qui a réalisé deux décors intelligents et qui éclairés avec subtilité par Joël Fabing, semblent bien plus complexes et profonds qu’ils ne paraissent. Il est rarissime de trouver à l’opéra travail théâtral si soigné dans un respecte absolu de la musique. Dans la fosse les instrumentistes de l’orchestre du Capitole choisis pour leur excellence jouent comme des dieux sous la baguette inventive et vivante d‘Evan Rogister. Il aborde par exemple le prologue de l’opéra avec une allure presque expressionniste et sèche avant de colorer toute la subtile orchestration de Strauss en son poids exact. N’oublions pas que les 38 instrumentistes demandés par Strauss sont évidement de parfaites solistes ou chambristes avérés, mais ensemble ils sonnent comme un orchestre symphonique complet (dans le final).

Que dire des chanteurs à présent ? Ayant chacun les notes incroyables exigées et des timbres intéressants, dans un tel contexte, ils n’ont qu’à chanter de leur mieux pour devenir …divins dans un environnement si favorable. Jusqu’aux plus petites interventions, chacun est merveilleux. L’Ariane de Catherine Hunold est sculpturale, sa prima Donna caricaturale.  En Bachus,  le ténor Issachah Savage,  est éblouissant de panache vocal avec une quinte aiguë et une longueur de souffle qui tiennent du surnaturel ;  dans le prologue, sa brutalité pleine de morgue un est vrai régal de suffisance, pardonnée après le final. Car la puissance du duo final justement, est historique ; une telle plénitude sonore dépasse l’entendement. La Zerbinetta d‘Elisabeth Sutphen mérite des éloges pour un équilibre théâtre-chant de haut vol, alors qu’il s’agit d’une prise de rôle. Elle passe du moqueur au profond en un clin d’ oeil ; virtuose ou languide, elle peut tout.
Le trio de voix, rondes et nuancées, qui tiennent compagnie à Ariane sur son rocher sont d’une qualité inoubliable que ce soit Caroline Jestaedt,  en Naïade, Sarah Laulan en Dryade ou Carolina Ullrich en Echo. Les quatre messieurs qui accompagnent Zerbinetta ne sont pas en reste au niveau vocal mais jouent également avec beaucoup de vivacité et d’énergie (Pierre-Emmanuel Roubet,  Scaramouche ; Yuri Kissin,  Truffaldino ; Antonio Figueroa,  Brighella).  Philippe-Nicolas Martin, en  Arlequin ajoutant une belle touche de vraie-fausse mélancolie dans son lied.
Dans le Prologue, le compositeur d’Anaïk Morel est très sympathique ; c’est vraiment Strauss lui-même qui se questionne sur la folie d’oser composer des opéras dans un monde si absurde. La réponse est OUI :  la beauté, l’intelligence, la finesse sont le remède à l’absurdité et la bêtise du monde. Aujourd’hui à Toulouse, le flambeau a été rallumé avec panache. Oui en une soirée la beauté peut ragaillardir tout un théâtre et le succès public a été retentissant. Les mines réjouies en quittant la salle du Capitole en disent long sur la nécessité de croire, et ce soir de l’avoir vue réalisée, en cette alchimie subtile  qui se nomme opéra. Génialement, unanimement appréciée, la production capitoline aborde le rivage de la perfection !

 STRAUSS ARIANE A NAXOS capitole critique opera classiquenews mars 2019

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COMPTE-RENDU, opéra. Toulouse, Capitole, le 1er Mars 2019. RICHARD STRAUSS (1864-1949) : ARIANE à NAXOS, Opera  en un acte et un prologue, Livret  de Hugo von Hofmannsthal, Création  le 4 octobre 1916 au Hofoper de Vienne, Nouvelle production du Théâtre du Capitole/Opéra Orchestre  national  de  Montpellier – Occitanie.  Michel Fau,  mise en scène ; David Belugou,  décors et costumes ; Joël Fabing,  lumières ; Pascale Fau ,  maquillages.  Avec : Catherine Hunold,  Primadonna / Ariane ; Issachah Savage,  Ténor / Bacchus ; Anaïk Morel,  Le Compositeur ; Elisabeth Sutphen,  Zerbinetta ; Philippe-Nicolas Martin , Arlequin ; Pierre-Emmanuel Roubet,  Scaramouche; Yuri Kissin,  Truffaldino ; Antonio Figueroa,  Brighella ; Caroline Jestaedt,  Naïade ; Sarah Laulan,  Dryade ; Carolina Ullrich,  Echo; Florian Carove,  Le Majordome ; Werner Van Mechelen,  Le Maître de musique ; Manuel Nuñez Camelino,  Le Maître à danser; Alexandre Dalezan, Le Perruquier ; Laurent Labarbe,  Un Laquais ; Alfredo Poesina,  L’Officier ; Orchestre national du Capitole ; Evan Rogister :   direction musicale. / Photos: © Cosimo Mirco Magliocca / Capitole de Toulouse 2019

COMPTE-RENDU, concert . TOULOUSE, le 28 fév. 2019. BRAHMS. DEBUSSY. TCHAÃKOVSKI. Orch Capitole, Sorokin, Penas, Lee,  T. SOKHIEV.

Tugan sokhiev direction dorchestre toulouse france russie festival 2019 compte rendu critique par classiquenewsCOMPTE-RENDU, Concert . TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 28 fév. 2019. BRAHMS. DEBUSSY. TCHAÃKOVSKI. BORODINE. STRAVINSKI. Orch National du Capitole, N.Sorokin , B. Penas, E. Lee,  T. SOKHIEV, direction. C’est la 3ème année que Tugan Sokhiev et l’Orchestre National du Capitole proposent à Toulouse une Académie de direction d’orchestre.  Le concert du soir permet aux chefs candidats de diriger devant le public dans des conditions optimales. Puis Tugan Sokhiev dirige la deuxième partie du concert. La salle de la Halle-aux-Grains est pleine et le succès public est au rendez-vous de cet enseignement éclairant. Les séances de l’académie sont publiques et j’ai pu passer la journée de mercredi à assister à cette aventure extraordinaire.

 

Le concert de l’Académie d’Orchestre de Toulouse, une belle transmission !

 

Trois jeunes chefs se succèdent dirigeant les même oeuvres à tour de rôle sur les trois jours. Les progrès sont notables chez chacun avec plus ou moins de visibilité. Les explications de Tugan Sokhiev durant les « leçons » sont incroyablement simples et profondes mettant au coeur de sa transmission, le rapport entre les musiciens et le chef, et le respect de la partition mais surtout la place de la musique. Ainsi la technique et la connaissance de la partition sont vite mises de coté pour aborder le mystère de l’alchimie qui peut exister entre un chef et les musiciens de l’orchestre. L’importance du regard posé sur chaque instrumentiste, les gestes qui doivent parler en même temps à divers groupes, les bras pour les cordes et les mains pour la petite harmonie par exemple. Ainsi il va amener chacun à comprendre comment aller plus loin.

Par exemple ce long moment pendant lequel il demande de regarder le hautbois pour obtenir la plus belle phrase et jusqu’à la dernière note alors que le jeune chef regarde au début, puis vite va ailleurs pensant à la suite. Ou comment il prend le bras d’un autre pour montrer la souplesse et la largeur qu’il souhaite lui proposer, ou comme le troisième doit par ses gestes, obtenir plusieurs caractères différents dans la même phrase.

Et ce credo immuable :  le chef doit proposer à l’orchestre sa version musicale de l’œuvre, et la rendre lisible par ses gestes car chaque musicien pourrait proposer la sienne et l’orchestre le dévorerait s’il ne savait pas où il veut aller précisément. Ainsi l’angoisse des jeunes chefs en devenir va  petit à petit faire place au plaisir de faire de la musique avec cet orchestre si magnifique. Car il faut dire combien les musiciens jouent le jeu avec patience et engagement en conservant une qualité sonore inaltérable.



sorokine nikita chef maestro jeune chef toulouse academie direction tugan sokhiev direction classiquenews review compte renduNIKITA SOROKINE… Le concert du soir  a permis  au jeune Nikita Sorokine, 27 ans, originaire de Russie, actuellement dans la classe d’orchestre d’Alain Altinoglu à Paris, de diriger le premier mouvement de la quatrième symphonie de Brahms. Il est venu à bout avec panache de cette partition particulièrement complexe et ses sourires ont montré comment il a su dépasser ses appréhensions pour entrer dans le grand plaisir de faire de la musique avec des musiciens  d’exemption.

penas bastien chef maestro classiquenews toulouse acadmeie direction orchestre tugan sokhiev compte rendu critique review classiquenewsBASTIEN PENAS… Le plus jeune du groupe, est Bastien Penas  25 ans, originaire de Bordeaux, actuellement dans la classe d’orchestre à Toulouse. Il a dirigé avec beaucoup de poésie Après midi d’une Faune de Debussy. Tugan Sokhiev lui avait fait remarquer la veille qu’il avait su rapidement se connecter avec l’orchestre. C’est celui qui lors de ce concert final a été le plus proche des musiciens et Sandrine Tilly à la flûte lui a offert une introduction d’une grande suavité, quasi murmurée.

LEE earl chef maestro conducting academy review classiquenews toulouse tugan sokohiev Earl-LeeEARL LEE… En troisième oeuvre le chef américain originaire de Corée, Earl Lee a dirigé le premier mouvement de la quatrième symphonie de Tchaikovsky. Plus âgé, il a 35 ans, il est déjà habitué à diriger l’orchestre de Pittsburgh en tant qu’assistant. Son autorité est plus appuyée mais il n’a pas su aller au devant des musiciens avec le regard totalement engagé que lui a suggéré Tugan Sokhiev, dirigeant parfois les yeux fermés ou presque, il a su proposer une version personnelle de cet extraordinaire mouvement d’ouverture de la symphonie du destin.

SOKHIEV-maestro-chef-toulouse-capitole-presentation-critique-par-classiquenews-sokhiev_c_marc_brennerMAESTRO SOKHIEV… En deuxième partie de concert, le Maestro pédagogue Tugan Sokhiev à mains nues, a dirigé un voyage dans les Steppes de Borodine, périple évocateur et hédoniste laissant ses musiciens s’exprimer librement dans des moments solistes absolument somptueux. Puis avec un drame constamment renouvelé, il a offert une interprétation exaltante de l’Oiseau de feu de Stravinski avec un début venimeux à la beauté sulfureuse avant d’évoluer vers une beauté plus sensuelle et un final grandiose. Pour conclure cette belle édition de l’Académie d’Orchestre 2019, la direction complice et l’admiration réciproque du chef et de ses musiciens a été un véritable bonheur. Deuxième temps forts des Musicales Franco-russes, ce concert a été très applaudi faisant la joie d’un public rajeuni et conquis. Tugan Sokhiev ayant insisté sur l’importance à ses yeux de la transmission et du partage d’expérience, a réussi son pari : proposer à Toulouse quelque chose d’unique en Europe.

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Compte rendu concert. Toulouse. Halle-auGrains, le 28 février 2019. Johannes Brahms ( 1833-1897) : Symphonie n°4 en mi mineur, ext. ; Claude Debussy (1862-1918) :  L’après midi d’un faune ; Piotr Illich Tchaïkovski ( 1840-1893) : Symphonie n°4 en fa mineur, ext. ; Alexandre Borodine (1833-1887) : Dans les steppes de l’Asie Centrale ; Igor Stravinski (1882-1971) : L’Oiseau de feu ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Nikita Sorokine, Bastien Penas, Earl Lee, Tugan Sokhiev : Direction.

TOULOUSE, Semaine RUSSE : Tugan Sokhiev à la barre

Sokhiev_Tugan_Tugan-Sokhiev2-credit-Mat-HennekFRANCE MUSIQUE, Semaine Russe : 11-15 mars 2019. Le Bolchoï à l’honneur avec le chef TUGAN SOKHIEV en guest star. La chaîne radiophonique dédie 7 jours à la musique russe et en particulier l’école du Bolshoi, fleuron de la tradition musicale de Russie. Brillant chef de sa génération, Tugan Sokhiev, directeur musical du Capitole de Toulouse, partage sa vie musicale entre deux institutions : en France, l’Orchestre du Capitole dont il a fait depuis plus de 10 ans – à la suite de Michel Plasson – l’une des phalanges françaises les plus célébrées dans le monde ; et en Russie, le légendaire Théâtre du Bolchoï. L’interprète incarne cette double excellence.
En liaison avec la première édition des « Musicales franco-russes » à Toulouse, France Musique met l’accent sur l’activité et l’éclat de la musique russe. Trois semaines de concerts, de master class, la naissance d’une Académie de direction d’orchestre… et point d’orgue du festival, deux opéras en version de concert réunissant les forces du Bolchoï et Tugan Sokhiev : France Musique en diffuse les temps forts sur son antenne. La chaîne « salue cet événement avec une antenne aux couleurs musicales franco-russes, comme une âme en partage »… (Prochain compte rendu à venir sur classiquenews).

Toute la semaine du 11-15 mars 2019 de 14h à 16h :
Arabesques, Petite histoire du « Grand ». En effet, le mot « Bolchoï », nom mythique de la musique et de la danse, signifie « le Grand ». Le « Grand Théâtre » de Moscou est ainsi au cœur d’une semaine évoque les presque deux cents ans d’existence de l’institution légendaire. Tchaïkovski, Moussorgski, Rachmaninov, en sont les auteurs les plus joués aujourd’hui, évoquant aussi les tourbillons de l’histoire russe en savourant le génie de ses plus grands interprètes.

Jeudi 14 mars, 7h30
Tugan Sokhiev, chef d’orchestre, est l’invité de Musique Matin (à partir de 7h) ; le chef présente la première édition des Musicales franco-russes de Toulouse, dédiées aux artistes des deux pays afin de renforcer les liens historiques et d’amitié entre la France et la Russie, ainsi que le dialogue culturel et les échanges artistiques.

Vendredi 15 mars, 20h
Le concert de 20h : soirée en direct à la Halle aux Grains de Toulouse. A la tête du Chœur et de l’Orchestre du Théâtre du Bolchoï, Tugan Sokhiev dirige en version de concert l’opéra Ivan le Terrible de Rimski-Korsakov.

Puis Dimanche 2 juin 2019, 20h
La Dame de Pique de Tchaïkovski, enregistrée à la Halle aux Grains le jeudi 14 mars 2019

Compte-rendu, concert. TOULOUSE, le 17 nov 2018. Beethoven. Orch National Capitole de Toulouse / Emelyanychev.

Emelyanychev maestro classiquenews Maxim EmelyanychevCompte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 17 novembre 2018. Beethoven. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Emelyanychev. Le concept même du concert d’une heure à 17h le samedi est excellent car il réunit familles, public nouveau et habitués. Ce soir les deux symphonies proposées ont été choisies avec art. « La Poule » de Haydn est agréable, facile d’écoute; elle permet à l’orchestre de s’installer dans un beau son, très tranquillement. La direction énergique et même enthousiaste de Maxim Emelyanychev donne beaucoup de vie à cette partition parangon du classicisme. Issu du monde baroque, ce chef qui joue toutes les musiques se donne entièrement dans sa direction. C’est peut être un peu beaucoup pour cette partition qui n’en demande pas tant mais c’est très sympathique.

 
 
 

Happy Hour :  Oh yes very, very  happy !

 
 
 

Avec la Symphonie Héroïque de Beethoven, l’orchestre s’étoffe et le ton change. Toujours aussi mouvementée, la direction de Maxim Emelyanychev se fait plus incisive et plus tranchée. Le premier mouvement en sort un peu raidi, quoique avec beaucoup d’allure. C’est dans la marche funèbre que le génie de Maxim Emelyanychev apparaît. L’inventivité dont il fait preuve dans ses phrasés et ses nuances subtiles, provoque une nouvelle écoute de cette magnifique page. Les deux mouvements suivants vont gagner en puissance avec un final quasi démiurgique. Le thème évoquant la figure tutélaire de Prométhée étant particulièrement mis en valeur par le chef qui sait doser d’admirables crescendos. Le final est enthousiasmant.
Les instrumentistes sont tous magnifiques, surtout le bois et les cuivres qui dans leurs interventions solistes sont remarquables. Mais la précision des cordes est tout autant admirable.
Voilà un bien agréable moment, vivifié par la direction enthousiaste du chef russe Maxim Emelyanychev, inclassable et engagé, sans retenue aucune, dans chaque œuvre dirigée, ce soir du classique  au romantisme. L’orchestre a su suivre avec panache une direction qu’il semble tout particulièrement apprécier. Le public ravi a applaudi après chaque mouvement ce qui a semblé stimuler l’orchestre que l’indisposer. Belle interactivité.

 
 
 

 
 
 

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Compte rendu concert. Toulouse.  Halle-aux-Grains, le 17 novembre 2018. Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie, N°83, La Poule, en sol mineur ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Symphonie N°3, Héroïque, en mi bémol majeur, op.55 ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Maxim Emelyanychev, direction.

 
 
 

 
 
 

Compte-rendu, concert. Toulouse, le 12 oct 2018. Bernstein.Pisar. Orch, chœur et Maîtrise du Capitole. Wayne Marshall.

Compte rendu concert. Toulouse. Halle aux grains, le 12 octobre 2018. Léonard Bernstein. J. et L. Pisar. Orchestre, chœur et maitrise du Capitole. Wayne Marshall. En cette année du centenaire de la naissance de Léonard Bernstein nous espérons entendre beaucoup d’œuvres de ce génial compositeur. Toulouse avait prévu de donner sa Messe mais a du y renoncer vu le nombre d’exécutants impossible à faire tenir sur la scène de la Halle-aux-Grains ; à défaut voici la (non moins passionnante) Symphonie n°3 avec une distribution d’un lustre très particulier.

 

BERNSTEIN-2-600x397Cette œuvre hybride associe un long texte, le « Kaddish » et trois grands moments musicaux et vocaux. Le texte primitif de Leonard Bernstein a été réécrit à sa demande par son ami Samuel Pisar. Ce rescapé des camps de la mort (il avait 16 ans) n’a pas cédé facilement à la prière de Bernstein qui n’a jamais eu la joie de l’entendre. Ce texte très puissant nous a été dit ce soir par la veuve et la fille de Samuel Pisar. Il est peu de dire combien l’émotion soulevée par ces deux voix a été absolument inoubliable. La mère, Judith d’une voix sépulcrale et la fille Leah, d’une voix noble et ferme ont porté admirablement les messages terriblement humains du père-époux décédé en 2015. Car ce texte d’interpellation du créateur va jusqu’au seuil du blasphème en demandant des comptes, mais se reprend en priant pour une nouvelle alliance des habitants de la terre avec le ciel. Car finalement n’est ce pas l’homme lui-même et sans aide qui crée avec ce malin « génie », l’enfer sur terre ?  Composée après l’assassinat de JF Kennedy qui lui est dédié, la symphonie est unique par l’ampleur donnée au texte.

 

Symphonie n°3 “Kaddish” de Bernstein:
Un grand moment d’humanisme partagé à Toulouse.

 

 

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L’association faite des souffrances du peuple juif depuis l’esclavage en Egypte sans oublier la Shoah, vers le Djihad qui ensanglante à présent tous les pays est puissante. Très universel, le message reste et restera  actuel. La partition de Bernstein est bouleversante d’intelligence : elle sait utiliser toutes les subtilités et toute la puissance d’un immense orchestre symphonique, d’un chœur mixte et d’un chœur d’enfants ainsi qu’une voix soliste. L’Orchestre du Capitole dans une concentration de chaque instant a su faire sonner cette œuvre dans sa plénitude. La beauté des soli, la puissance comme la délicatesse des nuances infimes, tout a été admirable. Le chœur de Capitole a été grandiose et la Maîtrise a apporté une émotion indicible (en évoquant les enfants sacrifiés par la barbarie).
La voix de la soliste, Kelley Nassief,  avec sa grande fragilité dans les aigus et une profondeur d’expression totale, a rajouté un pan d’émotions supplémentaires. Les deux récitantes, Judith et Leah Pisar sont incroyables de théâtralité maitrisée comme d‘émotions contenues. Tant d’intelligence dans l’interprétation est véritablement … historique.
Mais de tous ces magnifiques interprètes c’est probablement le chef Wayne Marshall qui a été le plus exceptionnel. Avec une direction habitée et très millimétrée, il a su offrir une version de grande tenue et de grande humanité de cette œuvre inclassable. La bonté qui émane de de sa présence magnifie une direction d’orchestre de grande musicalité jusque dans les moments de terreurs.

En première partie de concert, les qualités de l’orchestre en terme de virtuosité et de coloration ont été magnifiées par la direction surnaturelle d’énergie du chef anglais. L’ouverture de Candide dans un tempo d’enfer a été un vrombissement jouissif. La suite du film On the waterfront  a été orgie de climax les plus variés avec des nuances et des couleurs inouïes. Les phrasés aboutis et souples du chef ont magnifié la partition. Leonard Bernstein est un immense compositeur. Wayne Marshall a su mettre tout son art au service de ce compositeur trop peu joué.
La symphonie «  Kaddish » restera le sommet d’émotions de la soirée et un moment de culture humaniste inoubliable. New-York avec ses immenses qualités culturelles s’est donné rendez-vous à la Halle-Au-Grains. Dans de tels moments, Toulouse est absolument capitale culturelle, et ce soir capitale du génie symphonique.

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Compte rendu concert. Toulouse. Halle aux grains, le 12 octobre 2018. Leonard Bernstein (1918-1990) : Candide , ouverture ; On the waterfront, suite d’orchestre ; Symphonie n°3 « Kaddish » ; Judith et Leah Pisar, récitantes ; Kelley Nassief, mezzo-soprano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Chœur du Capitole et maitrise du Capitole, direction Alfonso Caiani ; Direction musicale : Wayne Marshall. Illustration : © Darrin-Zammit

 

 

 

Compte-rendu, opéra. Toulouse, Capitole. Les 2 et 7* oct 2018. Verdi : La Traviata. Capitole de Toulouse. Pierre Rambert / George Petrou.

Compte-rendu Opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole. Les 2 et 7* octobre 2018. Verdi : La Traviata. Capitole de Toulouse. Pierre Rambert. George Petrou.  Somptueuse ouverture de Saison au Capitole : 9 représentations, une salle debout aux saluts lors de la dernière.

Cette production de Traviata en ouverture de la saison lyrique 2018 – 2019 au Capitole a fait sensation au point que France 3 l’a filmée. Il s’agit de la première saison entièrement construite par le nouveau directeur Christophe Gristi. Sachant quel homme de passion il est, nous attendions tous quelque chose de beau. Et il faut le reconnaître le succès public considérable fait honneur à une production qui frôle la perfection sur bien des plans.
 

 

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 Pastirchak et Amiel

 

 

Qu’attendre en réalité, en 2018, d’un chef d’œuvre incontournable, vu et revu ? Pierre Rambert a su respecter la fine musicalité de l’œuvre, garder en mémoire l’époque de composition, tout en mettant habilement en lumière l’intemporalité du sujet. Il s’est adjoint un costumier de grand talent en Franck Sorbier. Tous les costumes, y compris ceux du chœur, sont superbes. Mais ils ont aussi une dimension psychologique en mettant la puce à l’oreille du spectateur. Les personnages en habits XIXème siècle représentent ceux dont la mentalité date du passé, les  conformistes et bien pensants, pleins de bons sentiments. Germont est le prototype du bourgeois moyen, pur produit XIXème. Alfredo lorsqu’il repasse sous l’emprise de son père également. Alfredo et Violetta dans leur nid d’amour sont nos contemporains au bord de leur belle piscine, lui en pantalon, espadrilles et chemise ouverte; elle lorsqu’elle quitte son long manteau et son chapeau géant porte une robe noire souple toute simple tout à fait actuelle. Ainsi la fête luxueuse chez Flora semblant d’un autre âge fait XIXème, même si elle arbore une robe fourreau lamée de toute splendeur en marge du bon goût.
Un autre élément donne au drame son intemporalité : les somptueux décors d’Antoine Fontaine car ils sont également très intelligents.  Le loft de Violetta au premier acte se situe dans un immeuble de style Pompier, contemporain de Verdi, avec un étage intérieur style année 50 et éléments modernes. C’est très élégant et beaucoup plus stylé que chez Flora. L’action du début de l’acte 2 «  à la campagne », nous offre une splendide vue sur une crique méditerranéenne, avec un bord de piscine. Les éléments de costumes d’aujourd’hui nous suggèrent que nous sommes à l’époque des Navettes Air France, permettant le retour des héros dans le demi journée…

Un autre élément d’intemporalité vient de la mort de Violetta chauve comme après une chimio. Le cancer remplace ainsi la tuberculose ce qui touche encore d’avantage le public. Les lumières d’Hervé Gary sont contrastées entre la lumière aveuglante du début de l’acte 2  et les scènes d’intérieur nocturnes très réussies.  L’Orchestre du Capitole est royalement dirigé par George Petrou. Le chef sait donner au chef d’œuvre de Verdi une profondeur et un drame de tous les instants. La précision qu’il obtient de l’orchestre en terme de nuances et de couleurs est magnifique. Les instruments solistes sont d’une musicalité remarquable (les bois avec Violetta au 2, le violon au 3). Les violons fragiles et très émouvants dans les deux préludes sublimes et la chaleur ambrée des violoncelles font merveille. On sait combien Verdi en cherchant une grande simplicité apparente demande à l’orchestre de soutenir tout le drame.

George Petrou tient sous sa baguette admirablement le grand concertato du 2 mais c’est à main nue qu’il dirige le dernier acte avec une délicatesse extraordinaire. Les chœurs sont admirables vocalement et scéniquement. Le ballet chez Flora est interprété avec beaucoup d’humour et de puissance par les deux danseurs, Sophie Célikoz et François Auger, maîtres de cérémonie représentant la mort.

 

 

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 Pastirchak et Amiel

 

 

 

Pour cette production le Capitole peut s’enorgueillir d’avoir su trouver deux distributions au sommet. Trouver une superbe Violetta est rare mais deux ! Il est impossible de départager les deux dames. Anita Hartig a une allure noble, une voix somptueuse de tenue, et une homogénéité parfaite sur toute son étendue. Son léger vibratello donne comme une aura à son superbe timbre. Les vocalises sont parfaitement  réalisées et le legato est souverain. Les phrasés sont nobles et toujours élégants, le souffle large. Anita Hartig a tout d’une grande Traviata. Polina Pastirchak est tout aussi crédible vocalement dans ce rôle écrasant dont elle ne fait qu’une bouchée. Si dans l’acte 1 sa voix met un peu de temps à se déployer dès son duo avec Alfredo le jeu émouvant et l’engagement de chaque instant font merveille. L’agilité et la beauté des cascades de vocalises dans le « sempre libera » donnent le frisson et l’air est couronné par un contre mi de toute beauté. La sincérité de son jeu à l’acte deux, la tenue vocale, les nuances piano de son chant de douleur arrachent des larmes. Le travail de mise en scène trouve dans ce tableau un véritable aboutissement tant la vérité du jeu se calque sur la musique. La puissance vocale dans le concertato du 2 est un grand moment d’opéra. Et nous l’avons dit la direction de George Petrou est de première grandeur. C’est là que le travail d’équipe prend tout son sens.

Le dernier acte atteint les sommets d’émotions attendus avec des sons pianissimi de toute délicatesse et un jeu poignant. De part son engagement scénique et vocal toute la soirée et surtout ce dernier acte admirable, Polina Pastirchak sera notre Violetta préférée.  Pour Alfredo la comparaison des deux ténors est sans appel. Airam Hernández est un ténor au timbre agréable mais sans personnalité et le ténor malhabile semble jouer l’opéra façon années 50. La manière dont il se comporte au dernier acte est désolante. Il s’installe aux pieds de Violetta mourante en cherchant à se placer confortablement !

Le tout jeune Kévin Amiel avec la fougue de la jeunesse et un vrai travail d’acteur est tout simplement Alfredo. Le timbre solaire et clair, immédiatement reconnaissable, a une séduction irrésistible. Il abuse de notes tenues aiguës mais elles sont si belles… qu’il est impossible d’y résister. Son jeu au dernier acte est bouleversant. Voilà un jeune ténor promu à une belle carrière.
Tout oppose les deux Germont. Nicola Alaimo a une voix de stentor et une technique belcantiste de haut vol. Son personnage est tout d’une pièce : celui qui persuadé de son bon droit et sûr de son fait ne soupçonne même pas le mal qu’il fait. André Heyboer est un Germont plus tourmenté et un acteur plus nuancé. Vocalement il n’a pas les atouts de son aîné mais il s’approprie bien ce rôle avec prestance.
Les petits rôles sont admirablement tenus y compris par les chanteurs sortis du chœur du Capitole. Tenir son rang à coté de tous ces chanteurs de premier plan est encourageant.  La dernière représentation était une session supplémentaire organisée devant le succès des réservations. La salle comble jusqu’aux places avec très peu de visibilité, a fait un triomphe à cette magnifique production : standing ovation. Et il avait fallu refouler du monde …. Toulouse est bien l’une des villes qui aime le plus l’opéra. L’ère de Christophe Gristi s’annonce excellente.

 

 
 

 

 

 

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Compte-rendu Opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole. Les 2 et 7* octobre 2018. Giuseppe Verdi (1813-1901) : La Traviata, opéra en trois actes sur un livret de Francesco Maria Piave d’après La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils ; Création le 6 mars 1853 au Teatro la Fenice à Venise ; Nouvelle coproduction Théâtre du Capitole / Opéra National de Bordeaux . Pierre Rambert, mise en scène ; Antoine Fontaine, décors ; Frank Sorbier, costumes ; Hervé Gary, lumière ; Laurence Fanon, collaboratrice artistique. Avec : Anita Hartig / Polina Pastirchak*, Violetta Valéry ; Airam Hernández / Kévin Amiel*, Alfredo Germont ; Nicola Alaimo / André Heyboer*, Giorgio Germont ; Catherine Trottmann, Flora Bervoix ; Anna Steiger, Annina ; Francis Dudziak, Docteur Grenvil ; François Piolino, Gaston de Letorières ; Marc Scoffoni, Baron Douphol ; Ugo Rabec Marquis d’Obigny ; Danseurs : Sophie Célikoz et François Auger ; Orchestre National du Capitole ; ChÅ“ur du Capitole – Alfonso Caiani direction ; Direction musicale: George Petrou.

 

 

 

 

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Prochaine production lyrique à l’affiche du Capitole de TOULOUSE : La Ville morte de Korngold, du 22 nov au 4 décembre 2018.
https://www.theatreducapitole.fr/web/guest/affichage-evenement/-/event/event/5565445

 

 

 

 

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VOIR notre reportage La Ville Morte de Korngold, les clés de compréhension, production déjà présentée par Angers Nantes Opéra (en mars 2015) – entretien avec Philippe Himmelmann…
http://www.classiquenews.com/reportage-video-la-ville-morte-de-korngold-1920-au-theatre-graslin-de-nantes-jusquau-17-mars-2015/

Compte-rendu concert. Toulouse, Halle-Aux-Grains, le 25 juin 2016 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893); Inon Barnatan, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Thomas Sondergard, direction.

SOndegard Thomas maestro chef capitole review critique concert Martin_Bubandt_2_Web_Version-1Le concert  permettait au public de retrouver un pianiste et un chef très appréciés. Il s’est déroulé sous des auspices amoureux qui se sont concrétisés par un Concerto n°4 de Beethoven admirable en tous points. Dès son entrée solo, le pianiste a suscité, en un toucher idéal de pondération, une écoute émue. La réponse tout en délicatesse de l’Orchestre du Capitole  a initié un dialogue de poésie, de bonheur, d’élégance. La direction de Thomas Sondergard contient la même poésie pleine de finesse que celle du pianiste Inon Barnatan. L’orchestre avec des qualités de timbre, de couleur et des phrasés de rêve a été admirable de bout en bout. Le deuxième mouvement contient ce moment unique d’un dialogue entre la supplique du piano et la rigueur de l’orchestre qui finit par céder devant la bonté et la pudeur de l’instrument soliste.

L’amour de la musique

Incroyable moment de beauté et d’harmonie, gage de paix  gagnée au terme d’un intense dialogue partant sur des positions et des nuances au départ tout en oppositions. Exemple d’un idéal de dialogue qui manque tant à notre époque. Le dernier mouvement, extraverti et caracolant a été une fête de l’aventure commune entre le soliste brillantissime et l’orchestre qui peut tout. La technique d’Inon Barnatan est fabuleuse et les qualités d’ensemble de cet artiste, véritable poète du piano, en font l’un des pianistes les plus attachants du moment.
Le concert avait débuté avec une Ouverture III de Léonore d’un drame assumé avec des couleurs admirablement variées.
En deuxième partie de concert, la symphonie n°2 de Tchaïkovski reste un moment de fête de l’orchestre. Le lien amical entre Thomas Sondergard et l’Orchestre du Capitole a fonctionné parfaitement pour mettre en valeur la structure d’une symphonie plus complexe qu’il n’y paraît. Les couleurs ont irisé et les nuances ont été finement creusées. La gestuelle si élégante du chef danois est un régal de chaque instant. Il obtient avec douceur tout ce qu’il veut. Cette symphonie est riche en thèmes russes inventés par Tchaïkovski ou retranscrits. Cette science de l’écriture si classique et occidentale permet une symbiose parfaite entre les deux mondes auxquels la Russie voulait appartenir. Un instrument solo a été la voix la plus émouvante de ce dialogue entre des racines retrouvées et une aspiration à un ailleurs exigeant, c’est le cor de Jacques Deleplancque  dans une forme extraordinaire. Capable d’une richesse de couleurs allant du murmure le plus doux,  aux éclats profonds les plus spectaculaires. Le basson d’Estelle Richard  avec beaucoup de personnalité a pris le relais pour lancer le thème Ukrainien qui ouvre la symphonie. Le final a été amené avec conviction, dans un crescendo savamment conduit, s’achevant sur une intervention si déterminante des timbales, admirable Emilien Prodhomme !
Le public a été enthousiaste et a généreusement applaudi deux artistes poètes inspirés, le pianiste Inon Barnatan et le chef Thomas Sondergard. Ils reviendront à Toulouse nul doute n’est permis ! L’orchestre du Capitole s’est montré enthousiaste et dans ses plus beaux atours. Le public a été conquis.

Compte-rendu concert. Toulouse, Halle-Aux-Grains, le 25 juin 2016 ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Léonore III ouverture en do mineur ; Concerto pour piano et orchestre n°4 en sol majeur ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n°2 en do mineur, « Petite Russie » ; Inon Barnatan, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Thomas Sondergard, direction.

Photo : © Martin

Ludovic Tézier chante Rigoletto à Toulouse

Giuseppe VerdiToulouse, Opéra.Verdi : Rigoletto. Du 17 au 29 novembre 2015. D’après Victor Hugo, Rigoletto impose sur la scène verdienne, un nouveau réalisme. La trame resserre ses filets sur chaque protagoniste rendu dépendant du sort des autres : Rigoletto, l’amuseur de la cour du duc de Mantoue, voit son arrogance atrocement punie, sur la personne qui lui est la plus chère : sa propre fille. Le duc, volage, irresponsable, séduit la belle (Gilda) à la barbe du bouffon. Mais il y a pire : la jeune femme trop crédule et bien naïve s’éprend profondément de ce séducteur professionnel et accepte de mourir à sa place, dans le piège qu’avait organisé Rigoletto, de sorte qu’à l’acte III, en une sorte de scène shakespearienne où souffle la tempête, le tueur à gages Sparafucile ne tue pas le Duc mais bien la pauvre Gilda qui se présente à sa place, à la porte de l’auberge. tel est punit celui qui se riait de tous (la malédiction du comte Monterone, au début de l’opéra, qui s’adresse face au boufflon, s’est accomplie) : la morale est cynique et barbare, au diapason de l’humanité qui est dépeinte. Mais à trop moquer l’autre, on pourrait s’en mordre les doigts. A la fin de l’ouvrage, Rigoletto a tout perdu et doit regretter d’avoir tant railler les autres…

Toulouse : Rigoletto, le nouveau défi de Ludovic TézierLe tragique qui sert de fond narratif s’accompagne ici de grotesque mordant, d’humour inhumain, de ce grotesque que Hugo aimait user pour dresser le portrait du genre humain. Ainsi en s’inspirant du Roi s’amuse de Hugo, Verdi déploie une maestrià unique jusque là, dans la fusion des genres : comique et légers (le Duc), cynique et barbare (la foule des courtisans), grotesque sanguinaire et fantastique (Sparafucile et la scène du meurtre de Gilda au III)… Intense, brûlante, âpre et étonnement juste, la lyre de Rigoletto fixe une nouvelle esthétique réaliste et fantastique, tragique et cynique à la fois (l’ouvrage est créé à La Fenice de Venise le 11 mars 1851), une réussite éblouissante, expressionniste et poétique, qui place désormais Verdi, au devant de la scène opératique en Europe. La production toulousaine est la reprise de la mise en scène créée par Nicolas Joel en 1992. L’argument de poids du spectacle en novembre 2015 au Capitole, demeure l’incarnation du baryton français Ludovic Tézier qui pourrait affirmer une profondeur blessée et tragique convaincante, s’il force un peu sa vraie nature… A voir à partir du 17 novembre 2015.

 

 

 

boutonreservationRigoletto de Verdi au Capitole de Toulouse
5 représentations
Les 17, 20, 22, 26 et 29 novembre 2015

Durée : 2h50 (avec entracte)
Production du Capitole de Toulouse, reprise, créée en 1992

Daniel Oren, direction
Nicoals Joel, mise en scène

Ludovic Tézier, Rigoletto
Saimur Pirgu, Le Duc
Nino Machaidze, Gilda
Sergey Artamonov, Sparafucile
Maria Kataeva, Maddalena…

Diffusé en direct sur Radio Classique, le 26 novembre 2015 à 19h30

 

 

 

 

Compte rendu critique, opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole, le 9 octobre 2015, Luigi Dallapiccola (1904-1975) : Le Prisonnier ; Opéra en un acte avec prologue sur un livret du compositeur d’après Villiers de l’Isle-Adam ; créé en concert le 1er décembre 1949 à Turin ; Béla Bartók (1881-1945) : Le Château de Barbe-Bleue ; Opéra en un acte et un prologue sur un livret de Béla Balázs ; créé le 24 mai 1918 à l’Opéra de Budapest ; Nouvelle production du Capitole ; Aurélien Bory : mise en scène ; Taïcyr Fadel ; collaborateur artistique du metteur en scène ; Vincent Fortemps : artiste plasticien ; Aurélien Bory, Pierre Dequivre : scénographie ; Sylvie Marcucci : costumes ; Arno Veyrat : lumières Avec : dans Le Prisonnier : Tanja Ariane Baumgartner, La Mère ; Levent Bakirci, Le Prisonnier ; Gilles Ragon, Le Geôlier / L’Inquisiteur ; Dongjin Ahn, Jean-Luc Antoine , Deux Prêtres. Dans Le Château de Barbe-Bleue : Bálint Szabó, Barbe-Bleue ; Tanja Ariane, Baumgartner, Judith ; Yaëlle Antoine, Le Barde (Prologue) ; Orchestre national du Capitole ; Chœur du Capitole , (direction Alfonso Caiani) ; Direction musicale : Tito Ceccherini.

Toulouse, passionnante ouverture de saison 2015-2016 au Capitole. Le Château de Barbe-Bleu est une si belle œuvre que lui chercher un compagnon relève de la folie. Une oeuvre si belle, si dense et si profonde, qui exige tant du spectateur plongé dans des abîmes philosophiques où l’orchestre est absolument fabuleux et qui demande deux grandes voix, suffirait en intensité. Mais le compte temps n’y est pas. Un peu, toute proportion gardée,  comme dans Didon et Enée de Purcell.

Bartok-dallapiccola-balint-szabo-toulouse-capitole-octobre-2015
 

Château magnétique au Capitole

Le Capitole a su rendre justice au chef d‘œuvre de Bartók. La direction musicale du chef italien Tito Ceccherini est celle d’un amoureux de la partition. Il sait en rendre toutes les subtilités assurant aussi bien hédonisme généreux et intensité théâtrale à couper le souffle. L’Orchestre du Capitole est admirable de nuances comme de couleurs. Seul un orchestre symphonique  de cette trempe peut véritablement rendre justice, dans une fosse, à une partition si formidable. La mise en scène est habile ; elle permet aux chanteurs de caractériser leurs personnages avec force. Lui, d‘abord immobile, qui se laisse gagner par les mouvements de plus en plus larges de Judith. Tous deux faisant bouger des portes. Le dispositif scénique de ces portes autour d’un axe central est aussi beau qu’habile. Capable en tous cas de beaucoup de suggestions. Les lumières très précises d’Arno Veyrat habillant comme un arc en ciel de splendeur les portes et les entre-portes de la plus grande beauté possible ; l’ouvertures des portes est bien à chaque fois un moment fondateur qui éloigne de plus en plus les deux amoureux. La mise en scène et le dispositif scénique soulignent le combat philosophique et éthique de ces deux conceptions de l ‘amour que tout oppose. La réussite est totale ; elle ne nous permet pas de juger mais simplement de constater que Judith et Barbe-Bleu ne sont tout simplement pas sur le même plan symbolique. Chacun étant violant par l’intransigeance de sa vision de l‘Amour, creusant un abîme mortel  entre le femme et l’homme.  Les deux chanteurs, Bálint Szabó en Barbe-Bleue et Tanja Ariane Baumgartner en Judith  sont magnifiques, belles et grandes voix comme acteurs saisissants.

Cette très intéressante version du Château était précédée de l’étrange partition, dodécaphoniste – et un peu poussiéreuse – du Prisonnier de Luigi Dallapicola. Le parti pris de mise en scène a été particulièrement convainquant pour mettre en valeur le chef d‘œuvre de Bartok. Préparation philosophique aux mirages qui tente de permettre à l’Homme de croire à l’intérêt et au sens de la vie. Le prisonnier va vers une mort sans justification, comme la vie. Un pas de désillusion supplémentaire sera ce vertige de l’amour, prison mortelle du Château de Bartok. Le noir et blanc du Prisonnier prépare à la couleur ; le lyrisme aride et l’orchestration étrange préparent l’oreille à l’apothéose bartokienne. Le plasticien Vincent Fortemps  qui dessine sans couleurs en même temps que la pièce se déroule, permet de comprendre comment la vie se déroule sans plans et sans direction. Le système de projection en direct de ses coups de pinceaux est très bien réalisé. Vocalement la tessiture du rôle de la mère dessert Tanja Ariane Baumgartner, alors qu’elle est une superbe Juliette et la voix du prisonnier,  Levent Bakirci, est centrale et sans brillance bien loin de la puissance et de la rondeur ce celle du grandiose Barbe-Bleu du superbe Bálint Szabó. En ce sens, le personnage du Prisonnier devient un archétype de L’homme qui ne peut être que perdu dans une vie dénuée de sens. Gilles Ragon impressionne vocalement et par sa haute taille dans les deux rôles ambigus du geôlier et de l’inquisiteur. Le chÅ“ur, à qui Dallapicola réserve de belles pages, est magnifique.

Après deux œuvres si denses aux sujets si profonds l’audace de ce début de saison sera tempérée par la reprise pour la troisième fois d’un Rigoletto de bon aloi en novembre 2015. A Toulouse bien des gouts du public sont comblés à l’Opéra. Merci à Frédéric Chambert qui sait osciller entre audace et répertoire indéboulonnable. Le public a paru apprécier particulièrement cette ouverture de saison originale que France-Musique a diffusé dans ces soirées de samedi à l’opéra.

 

 

 

Bartok-dallapiccola-balint-szabo-toulouse-capitole-octobre-2015Compte rendu critique, opéra. Toulouse, Théâtre du Capitole, le  9 octobre 2015, Luigi Dallapiccola (1904-1975) : Le Prisonnier ; Opéra en un acte avec prologue sur un livret du compositeur  d’après Villiers de l’Isle-Adam ; créé en concert le 1er décembre 1949 à Turin ; Béla Bartók (1881-1945) : Le Château de Barbe-Bleue ; Opéra en un acte et un prologue sur un livret de Béla Balázs ; créé le 24 mai 1918 à l’Opéra de Budapest ; Nouvelle production du Capitole ; Aurélien Bory : mise en scène ; Taïcyr Fadel ; collaborateur artistique du metteur en scène ; Vincent Fortemps : artiste plasticien ; Aurélien Bory, Pierre Dequivre : scénographie ; Sylvie Marcucci : costumes ; Arno Veyrat : lumières  Avec : dans  Le Prisonnier : Tanja Ariane Baumgartner, La Mère ; Levent Bakirci, Le Prisonnier ; Gilles Ragon,  Le Geôlier / L’Inquisiteur ; Dongjin Ahn, Jean-Luc Antoine , Deux Prêtres. Dans  Le Château de Barbe-Bleue : Bálint Szabó, Barbe-Bleue ; Tanja Ariane, Baumgartner, Judith ; Yaëlle Antoine, Le Barde (Prologue) ; Orchestre national du Capitole ; Chœur du Capitole , (direction Alfonso Caiani) ; Direction musicale : Tito Ceccherini.

Illustration : Patrice Nin © Capitole de Toulouse octobre 2015 – les deux chanteurs Bálint Szabó en Barbe-Bleue et Tanja Ariane Baumgartner en Judith. 

 

Opéra, compte rendu critique. Toulouse, Capitole le 30 juin 2015. Giacomo Puccini (1858-1924) : Turandot, Drame lyrique en trois actes sur un livret de Giuseppe Adami et Renato Simoni d’après la fable de Carlo Gozzi créé le 25 avril 1926 à Milan. Nouvelle production en coproduction avec le Staatstheater Nürnberg et le NI Opera (Belfast);Calixto Bieito, mise en scène ; Rebecca Ringst, décors ; Ingo Krügler, costumes ; Sarah Derendinger, vidéo ; Avec : Elisabete Matos ,Turandot ; Alfred Kim, Calaf ; Eri Nakamura, Liù ; Luca Lombardo , l’Empereur Altoum ; In Sung Sim Timur ; Gezim Myshketa, Ping ; Gregory Bonfatti, Pang ; Paul Kaufmann, Pong ; Dong-Hwan Lee, Un Mandarin ; Marion Carroué, Une Servante ; Argitxu Esain , Une Servante ; Dongjin Ahn, Le Prince de Perse ; Choeur et Maîtrise du Capitole : Alfonso Caiani, direction ; Orchestre national du Capitole ; direction musicale, Stefan Solyom.

turandot capitole toulouse juin 2015

 

 

 

Erare humanm est , sed persevare diabolicum (1). Quelle tristesse, quelle déception. La princesse Turandot, belle et cruelle, issue d’un conte irisé de couleurs, ravalée au fond d’un dépôt d’usine. Il en fallait de l’impudeur et de l’inculture pour mettre à mal ainsi l’ultime ouvrage de Puccini. ! On ne sait qui plaindre le plus les auteurs de la mise en scène sans poésie ni imagination ou les commanditaires irresponsables et dispendieux de l’argent public. Calixto Bieito est venu, il a sévi qu’ il ne revienne jamais ni à l’opéra, ni surtout à Toulouse avec un tel vide d’idées. La laideur absolue de la vue, sauf les lampions rouges, aura gâché la sublime partition de Puccini pour ceux qui n’ont pu regarder l’orchestre pour retrouver les couleurs et l’intensité musicale de la partition. Car heureusement l’orchestre a été merveilleux de précision, couleurs, nuances et phrasés. La direction de Stefan Solyom est souple, et développe avec efficacité l’éclat d’une partition fleuve à la riche orchestration. Le deuxième atout de cette production est le choeur et la maitrise, parfaits de présence vocale et de délicatesse de nuances. Le patient travail d’Alfonso Caiani porte les chœurs au sommet de l’opéra italien. La distribution est interdite de jouer et de montrer la moindre émotion ou le moindre sentiment. La performance d’ Alfred Kim en Calaf n’est que plus admirable. Voix belle, large et bien conduite mais impossible de déceler les capacités de l ‘acteur dans un tel marasme…

La Liu d’ Eri Nakamura a une voix corsée au large vibrato encore maitrisé, seule sa musicalité permet un peu d ‘émotion tant son jeux est bridé. Le minimum syndical pour la mort de Liu ! Il fallait imposer cela à une cantatrice trop docile.

Les autres acolytes, dont Ping, Pang, Pong, sont bons chanteurs mais tellement grotesques sur scène qu’ils ne peuvent rien offrir comme émotion même dans les évocations poétiques le la maison au bord du lac bleu… L’empereur Altoum, avec Luca Lombardo, est pour une fois une belle voix, avec l’autorité qui convient , mais sa mise en couches scénique signifie sa sénilité avec grossièreté…

Reste le cas d’ Elisabete Matos. Déjà dans Isolde sa placidité nous avait déconcerté, accablée d’une mise en scène ridicule , en blonde façon femme politique sur fond bleu marine, le ridicule la happe sans cesse. Et la voix immense et sans vie semble sans âme. Une machine à faire du son plus qu’une musicienne ne saurait rendre la complexité du personnage, la mise en scène détruit jusqu’à la crédibilité de la cantatrice…

Pour une fois il y a eu mauvais choix et injure au compositeur dans une production Capitoline. Avec beaucoup trop de politesse aux saluts, le public a vivement hué les responsables du massacre. Autrefois ils auraient eu droit aux plumes et au goudron.

ERRARE HUMANUM EST …

Oublions ce cauchemar de cartons, laideur et bêtise. C’est l’été, les festivals nous réconforterons et la rentrée ne peut être aussi moche, non, non , ce n’était qu’un très mauvais rêve….

SED PERSEVERARE DIABOLICUM ! Avis , avis aux décideurs.

(1) L’erreur est humaine si elle persévère, elle devient diabolique

 

 

Toulouse. Théâtre du Capitole ; Le 11 février 2015 ; Richard Wagner(1813-1883) : Tristan et Isolde, action musicale en trois actes sur un livret du compositeur créée le 10 juin 1865 à Munich . Production du Théâtre du Capitole (2007) ; Nicolas Joel : mise en scène ; Andreas Reinhardt : décors et costumes ; Vinicio Cheli : lumières ; Robert Dean Smith :Tristan ;Elisabete Matos : Isolde ; Daniela Sindram : Brangaene ; Stefan Heidemann : Kurwenal ; Hans-Peter Koenig : Le Roi Marc ; Thomas Dolié : Melot ; Paul Kaufmann, Un Berger / Un Matelot ; Chœur du Capitole : Alfonso Caiani, direction ; Orchestre national du Capitole ; Claus Peter Flor : direction musicale.

Wagner 2014 : Le Ring nouveau de BayreuthCette production maison de Tristan et Isolde remonte à 2007 lorsque Nicolas Joel était maître des lieux. Sa mise en scène est sobre, laisse toute sa place à la musique et jamais l’oeil n’est distrait. Au contraire la stylisation des éléments de décors esthétisant le propos. Le grand plateau mouvant du premier acte rend perceptible l’élément marin et la lente montée de l’astre lunaire coïncide à son apogée avec la rencontre des futurs amants et l’effet du philtre. A l’acte 2, le fond de scène entièrement étoilé crée une nuit enveloppant les amants. Le roc sur lequel est étendu Tristan à l’acte 3 puis le nuage de mélancolie qui surplombe les amants fait sens : leur absolue solitude est évidente.

 

 

 

Fluide et beau Tristan à Toulouse

 

La sobriété du jeu d’acteur est compréhensible avec des chanteurs si peu acteurs et chacun concentré sur son rôle écrasant. Seule la Brangaene de Daniela Sindram  est actrice sensible et accomplie. Le roi Marc de Hans-Peter Koenig  tout de noblesse et de retenue touche visuellement par l’autorité bienveillante de son jeux. Les beaux costumes aux couleurs franches, sont empesés et ne permettent pas une grande liberté de mouvement.

Dans cette mise en scène plutôt statique, l’opéra avance pourtant grâce à une direction musicale très théâtrale. Claus Peter Flor dirige admirablement cette partition fleuve abolissant temps et espace. Lecture où le théâtre est roi, l’analyse fine de la partition permet des nuances exquises et des couleurs instrumentales d’une grande richesse. Les phrasés sont intéressants et la construction d’ensemble de la succession des trois actes est très réussie. L’orchestre du Capitole est royal, capable de toutes les finesses possibles, les nuances sont particulièrement creusées. La spacialisation des cors et du cor anglais est magnifiquement réalisée.

 

 

Tristan-et-Isolde-4914-crédit-Patrice-Nin-682x1024Sur le plan vocal l’Isolde d’Elisabete Matos est solide et vaillante. Elle arrive a chanter son Liebestod sans faiblesse, mais sans génie. La voix puissante est sans particularité, les phrasés ne sont pas toujours du niveau attendu. Par contre la Brangaene de Daniela Sindram est de haute lignée. La voix a un beau métal ombré mais la clarté du timbre par moments permet de comprendre comment cette belle cantatrice peut aborder des sopranos dramatiques comme Sieglinde. Le chant est subtil avec des phrasés nobles et un jeu de scène poignant.  Du côté des hommes, incontestablement il n’y a eu aucune faiblesse dans la distribution. Le Tristan de Robert Dean Smith a un timbre juvénile et brillant. Nous avons connu cet artiste dans l’impossible rôle du Kaiser dans la femme sans ombre de Richard Strauss. La solidité de la voix, la beauté du timbre et l’absence de vibrato rendent justice au héros sublime que doit être Tristan. Par contre le jeu du chanteur est assez inexistant.
Hans-Peter Koenig en Roi Marc est parfait. Beauté du timbre, noblesse du jeu, subtilité des phrasés et perfection de la diction. Tout est là pour que l’émotion naisse dans sa grande tirade de l’acte 2. Stefan Heidemann en Kurvenal campe un personnage attachant, la voix est belle et la diction nette.
Les petits rôle sont correctement tenus, avec une intense  émotion chez Paul Kaufmann en berger. Les choeurs d’hommes sont impressionnants de présence dans leurs courtes mais déterminantes interventions. Une belle production qui n’a pas perdu en intérêt et qu’il a été bon de retrouver. C”est un Tristan fluide, la partition si troublante déroulant son envoûtement sans heurts pour notre plus grand plaisir.

 

 

tristan-isolde-wagner-capitole-toulouse

 

Illustrations : P. Nin

 

 

Compte rendu, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 21 novembre 2014. Benjamin Britten (1913-1976) : Owen Windgave, Le Tour d’écrou. David Syrus, Walter Sutcliffe.

Quelle intelligence de proposer à Walter Sutcliffe une telle gageure ! Frédéric Chambert a en effet osé demander au metteur en scène britannique d‘utiliser le même décor pour deux opéras de Britten créant ainsi une perspective vertigineuse sur la maltraitance infantile dans les familles.  Nous garderons en effet de cette aventure un enrichissement inattendu des œuvres de Britten. Si chaque opéra seul, de part sa puissance théâtrale, vaut  habituellement une soirée d‘opéra, ce qui sera réalisé plus tard à Toulouse qui propose chaque opéra séparément, nous pouvons écrire que la puissance de ces deux œuvres dans leur suite, donne à penser comme rarement à l’opéra. La mise en scène de Walter Sutcliffe est digne du théâtre : chaque acteur-chanteur fait bien plus que d’habitude à l’opéra. Physiques parfaitement liés aux rôles, voix belles et diction parfaite permettent au spectateur de suivre avidement deux actions théâtrales fulgurantes, grâce à des artistes très engagés.

 

 

 

Choc salutaire

 

_59P9160Owen Wingrave défend avec audace un pacifisme pensé, argumenté, courageux dans une famille où plus personne ne pense plus depuis longtemps, chacun répétant sans en rien comprendre, tels des perroquets décérébrés, une ode à la mort des mâles et agissant en serviteurs zélés de Thanatos. Le pauvre Owen, de retour dans sa famille après sa formation, abasourdi par tant de bêtise et de méchanceté entremêlées perdra la vie, volontairement … ou tué par un membre de la famille, la question reste ouvert. Chacun dans cette pièce oppressante joue et chante à merveille : Dawid Kimberg  avec une voix lumineuse en Owen, une dignité et une noblesse perceptible touche le cœur dans son monologue pacifiste. Voilà des mots puissants à se répéter sans cesse :

La paix n‘est pas oisive mais vigilante. La paix n’est pas consentement mais quête. La paix n’est pas muette, elle est la voix de l’amour.

Toutefois face à tant de vide de pensée et tant de haines, rien de  cette intelligence et de cette force d’ âme n’a pu tenir… Le décor est réduit en hauteur afin de permettre aux acteurs de gagner en présence pour le spectateur. Le jeu est habile et naturel. Vocalement chaque voix est parfaitement choisie et l‘équilibre général est remarquable.

Le manoir de Paramore est sinistre à souhait. Les éclairages de Wolfgang Goebbel accentuent le malaise et rendent perceptible l’oppression d’ Owen.

L‘orchestre est magnifique, les choeurs surnaturels glacent le sang. Et la ballade macabre de la famille Wingrave est chantée de manière inoubliable par Thomas Randle. Les costumes parfaitement assortis aux décors dans des tons subtilement associés sont du meilleur goût. Kaspar Glarner a fait un travail d’orfèvre.

_59P9454Retrouver des éléments de décors détournés avec esprit dans Le Tour d’écrou accentue le malaise face à l‘enfance maltraitée. Là-bas, les ancêtre en portrait avaient menés Orwen à la mort autant que les vivants. Ici, La présence du tuteur si coupablement absent de la vie des enfants,  en des portraits géants prend un sens nouveau. C’est par son abandon que les enfants ont été manipulés par des pervers, devenus fantômes présents pour jamais dans l‘âme, l’esprit et le corps des enfants. La pédophilie ne pouvant jamais être exclue, on devine que les mauvaises rencontres les ont détruit. Les deux rôles d‘enfants chantés ont été remarquables et la puissance des voix parfaitement équilibrés avec celle des adultes. Plus lyrique que Owen Wingrave le Tour d‘écrou offre un rôle émouvant à la gouvernante. Anita Watson est un beau soprano lyrique qui joue ce personnage sensible et bon avec force et émotion. Le Quint de Jonathan Boyd est aussi séduisant vocalement que le jeu de son personnage est répugnant par sa lascivité, créant une tension entre la vue et l’ouïe qui déstabilise. Du grand art !

Avec concentration et une main de fer David Syrus obtient de l’Orchestre du Capitole une tension dramatique quasi insoutenable, dans une splendeur sonore de chaque instant. Bravo à tous les musiciens de  l’orchestre !

La mise en scène  de Walter Sutcliffe trouve tout au long de la soirée une théâtralité naturelle, comme la musique coule et le texte se déploie, en un spectacle total.

Cette association généreuse offre un spectacle de près de quatre heures dont le spectateur ressort plus lucide, loin du conformisme ambiant. Un moment trop rare dans une salle d‘opéra. Merci à Frédéric Chambert qui signe ici l’une de ses plus audacieuses productions au Capitole de Toulouse.

Compte rendu, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 21 novembre 2014. Benjamin Britten (1913-1976) : Owen Windgave, Le Tour d’écrou.  

Owen Wingrave, Opéra en deux actes sur un livret de Myfanwy Piper d’après la nouvelle de Henry James créé le 16 mai 1971 à la télévision, BBC 2, création scénique le 10 mai 1973 au Royal Opera House, Covent Garden, Londres. Walter Sutcliffe, mise en scène ; Kaspar Glarner, décors et costumes ; Wolfgang Goebbel, lumières. Avec : Dawid Kimberg, Owen Wingrave ; Steven Page, Spencer Coyle ; Steven Ebel, Lechmere ; Elisabeth Meister, Miss Wingrave ; Janis Kelly, Mrs Coyle ; Elizabeth Cragg, Mrs Julian ; Kai Rüütel, Kate Julian ; Richard Berkeley-Steele, Général Sir Philip Wingrave ; Thomas Randle, Le Narrateur / Le Chanteur de ballades. Production Opéra de Francfort (2010).

 

Et

 

Le Tour d’écrou, Opéra en deux actes et un prologue sur un livret de Myfanwy Piper d’après la nouvelle de Henry James créé le 14 septembre 1954 au Teatro la Fenice, Venise ; Nouvelle production ; Walter Sutcliffe, mise en scène ; Kaspar Glarner, décors et costumes; Wolfgang Goebbel, lumières. Avec: Jonathan Boyd, Le Narrateur / Peter Quint ; Anita Watson, La Gouvernante ; Francis Bamford / Matthew Price, Miles ; Lydia Stables / Eleanor Maloney, Flora ; Anne-Marie Owens, Mrs Grose ; Janis Kelly, Miss Jessel.

Maîtrise du Capitole, Alfonso Caiani direction ; Orchestre national du Capitole ; Direction musicale, David Syrus.

 

 

 

 

Illustrations : F. Nin © Capitole 2014.

 

 

Compte rendu, concert. Toulouse. Halle aux Grains, le 31 octobre 2014. Claude Debussy (1862-1918) : Nocturnes, triptyque symphonique avec chœur de femmes ; Maurice Ravel (1875-1937) : Shéhérazade, trois poèmes pour chant et orchestre ; Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847) : Les songes d’une nuit d’été musique de scène, op61 (extraits) ; Marianne Crebassa, mezzo-soprano ; Chœurs du Capitole, chef de chœur : Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Pierre Bleuse, direction.

bleuse, pierrePierre Bleuse a sauvé un programme ambitieux en acceptant de relever le défi de diriger, en urgence, un copieux concert programmé de longue date et que le chef Josep Pons, retenu au-delà de Pyrénées, n’a pu honorer de sa présence. Au-delà du sauvetage qui lui vaudrait toute notre sympathie et notre admiration il est indéniable que Pierre Bleuse, violoniste de grand talent, venu assez récemment à la direction d‘orchestre, a convaincu par sa grande musicalité. Encore prudent dans sa gestuelle et très concentré, il a montré une belle qualité de clarté des plans sonores, un intéressant dosage des nuances, surtout une capacité à laisser chanter l‘orchestre dans une sorte de liberté permettant à la musique quelque soit son style de se développer.

Les trois Nocturnes de Debussy ont ainsi évoqué pour Nuages, une texture ouatée et ferme dans une légèreté très poétique avec des choeurs bouches fermées d’une subtile évocation. Fête a caracolé avec puissance et joie dans une très belle fermeté rythmique. Dans Sirènes, le dosage entre le chœur a moins fonctionné car les nombreuses sirènes avaient des accents quelque peu wagnériens. Mais quel hédonisme sonore !

La toute jeune mezzo-soprano Marianne Crebassa dès son entrée sur scène a irradié de sa douce présence. Avant tout un timbre rare par sa couleur mordorée nous a envouté puis une diction claire et enfin une musicalité délicate avec de très beaux phrasés. Cette toute jeune cantatrice est promise à un bel avenir d’autant que sa personnalité artistique semble attachante dans son écoute et son partage avec l’orchestre et le chef. L’Orient évoqué dans ces trois mélodies sur des poèmes de Tristan Klingsor, a été ce soir avant tout poésie de l’imagination débarrassée d’une couleur locale trop appuyée. Les musiciens de l’orchestre ont rivalisé de subtilités et la direction souple de Pierre Bleuse a crée un climat de liberté propice à une magnifique musicalité partagée. Le public de s’y est pas trompé quia a chaleureusement applaudi. Le pari de Pierre Bleuse était gagné : il a su  transférer sa sensibilité musicale de violoniste à la direction d’orchestre.

En deuxième partie de programme le chœur est revenu pour de très larges extraits de la musique de scène du Songe d’une nuit d‘été de Mendelssohn. Deux cantatrices sont venus se joindre à l’orchestre afin de compléter les forces nécessaires à une belle réalisation de ces pages magiques. Julie Wischniewski et Anne Magouët, sopranos, avec beaucoup de goût et de musicalité ont abordé leurs airs et duos féériques. Le climat de poésie nocturne a semblé particulièrement inspirer Pierre Bleuse qui a su trouver des phrasés variés, des nuances subtiles. Il a également lâché toutes les forces orchestrales dans une marche nuptiale enthousiasmante. Mais c’est bien le climat si particulier de ces pages de Mendelssohn si évocatrices de la nature dans sa beauté et son mystère qui a dominé cette interprétation. Pierre Bleuse a également su mettre des touches d‘humour bienvenues.  Le chœur a apporté de belles couleurs et une présence pondérée cette fois.

Un très agréable concert sur le thème du voyage et du rêve qui a permis de découvrir deux talents à suivre. Nous espérons les retrouver bientôt.

Compte rendu, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 7 octobre 2014. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Un Ballo in Maschera, opéra en trois actes. Vincent Boussard, mise en scène ; Vincent Lemaire, décors ; Christian Lacroix, costumes ; Guido Levy, lumières ; Avec : Dmytro Popov, Riccardo ; Vitaly Bilvy, Renato ; Keri Alkhema, Amelia ; Elena Manistina, Ulrica ; Julia Novikova, Oscar ; Aymery Lefèvre, Silvano ; Leonardo Neiva, Samuel ; Oleg Budaratschkyi, Tom ; Choeur et Maitrise du Capitole (chef de choeur Alfonso Caiani); Orchestre National du Capitole de Toulouse. Daniel Oren, direction.

ballo maschera bal masque verdi toulouseLe lever de rideau annonce une belle soirée d’opéra. Les cordes suraiguës sont subtiles, le canapé sur lequel dort Riccardo avec une élégance très inhabituelle pour un ténor et la plastique gourmande du page oscar, vraie femme et non adolescent incertain, promettent une lecture de l’oeuvre pensée. Le beau portrait du monarque suspendu en fond de scène fait passer le souffle de l’idéal des Lumières cher au XVIIIème siècle. Le choeur d’hommes est bien nuancé. Le réveil du comte déguisé en monarque fonctionne à merveille entre rêve et réalité,: il situe bien l‘idéalisation de cet homme de pouvoir animé par de bons sentiments. C’est en effet Dmytro Popov en Riccardo qui tient tout au long de l’opéra ses promesses. Longue voix de ténor spinto, aux couleurs magnifiques, au grain noble ; capable de nuances sur toute la tessiture avec des piani aigus de rêve, ce  chanteur fera courir les foules.

Le superbe Riccardo du ténor Dmytro Popov

Ricardo ballo maschera verdi toulouse dmytro_popov_et_la_soprano_julia_novikova_lors_dune_repetition_au_capitole._photo_ddm_michel_vialaDe surcroit, c’est excellent acteur qui a une belle allure tant dans la légèreté que dans le drame. Quand on sait la difficulté du rôle, saluons bien bas une incarnation magistrale tant scénique que vocale, car cela tient  presque du miracle. Au firmament il restera pourtant bien seul. Car son Amelia est bien loin de son aisance scénique. Il faut dire à sa décharge qu‘elle a été abandonnée à son triste sort par le metteur en scène et le costumier. Une petite robe noire en imperméable transparent pour la scène du gibet! Et rien dans ses attitudes qui trahissent l‘effroi peint par l‘orchestre ! Seul le dernier costume du bal lui sied un peu. Mais aucune direction d’acteur même pour la mort de Riccardo. La voix de la soprano Keri Alkhema est toutefois celle d’une grande et puissante Amelia. Voix corsée capable d’allégements, avec des forte puissants et des sons piani délicats, elle sait admirablement phraser ces deux airs sublimes. Avec une émotion poignante dans le deuxième. Le duo d‘amour restera comme une merveille de fusion vocale en plénitude de beau son. En Renato, le baryton verdi Vitaly Bilvy reste à un niveau de prise de rôle honnête sans trouver l’honneur ombrageux du personnage. Car non Renato n’est pas un simple méchant de mélodrame ! C’est un noble coeur tout fait d’abnégation qui souffre d’aveuglement et se laisse gagner par la mort quand l‘amour le menait jusqu’alors. Une belle voix un peu raide qui gagnera, nous l‘espérons en souplesse et en intelligence théâtrale avec l’expérience. Et un chanteur qui renoncera aux effets de volume en fin d‘air terminé fortissimo… (O Dolcessa perdutta! )

Le page Oscar semble avoir occupé metteur en scène et costumier qui en font un personnage intéressant. Vocalement Julia Novikova a une voix plus corsée que bien souvent sans rien abandonner des vocalises légères du rôle. Avec Riccardo, ils forment le couple théâtral qui fonctionne le mieux. Ulrica est scéniquement une sorcière de salon plus élégante qu’effrayante et vocalement plus mezzo que contralto. Mais l‘habileté du jeux d’Elena Manistina et sa belle voix cuivrée retiennent l’attention.

Le choeur est à la hauteur des très belles pages écrites par Verdi. Admirablement préparés par Alfonso Caiani, ils rivalisent avec les meilleures maisons d’opéra. L’Orchestre du Capitole est superbe de couleurs instrumentales. Mais la direction de Daniel Oren est brutale, sans phrasés. Il semblerait que le chef ai voulu ignorer l’admirable construction dramatique de l’ouvrage, tout attaché à ses oppositions kaléidoscopiques passant si abruptement du monde léger d’Offenbach au drame le plus sombre. En ce sens, il y a un vrai accord avec la mise en scène de Vincent Boussard et les costumes de Christian Lacroix : tout dans les effets d’opposition, rien dans une vision dramatique construite. Dommage …. Même réserve pour les décors et les lumières se font oublier, absentes dans la scène nocturne du gibet, moment attendu s’il en est.

Au final, reste le portrait idéalisé du Monarque des Lumières incarné par  Dmytro Popov en Riccardo. Pas assez de la subtilité de ses rapports avec les autres personnages et un orchestre sous employé.

Toulouse. Théâtre du Capitole, le 7 octobre 2014. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Un Ballo in Maschera, opéra en trois actes. Vincent Boussard, mise en scène ; Vincent Lemaire, décors ; Christian Lacroix, costumes ; Guido Levy, lumières ; Avec : Dmytro Popov, Riccardo ; Vitaly Bilvy, Renato ; Keri Alkhema, Amelia ; Elena Manistina, Ulrica ; Julia Novikova, Oscar ; Aymery Lefèvre, Silvano ; Leonardo Neiva, Samuel ; Oleg Budaratschkyi, Tom ; Choeur et Maitrise du Capitole (chef de choeur Alfonso Caiani); Orchestre National du Capitole de Toulouse. Daniel Oren, direction.

 

 

Illustrations : © P.Nin

Compte rendu, opéra. Toulouse.Théâtre du Capitole, le 19 juin 2014. Richard Strauss (1864-1949) : Daphné, tragédie bucolique en un acte, op.82 sur un livret de Joseph Grégor. Nouvelle production. Hartmut Haenchen, Direction musicale.

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En terminant sa saison d’opéra sur cette rarissime Daphné Frédéric Chambert a fait un pari audacieux. Les intermittents du spectacle dans leur angoisse des changements à venir ont empêché le public, – pris injustement en otage-, de voir la première le 15 juin. Cette violence contemporaine va en fait assez bien à Daphné. L’oeuvre si difficile représente tout sauf quelque chose de tendre. La violence est consubstantielle à cet opéra. Sa création a été minée en ces dernières années 1930 par la censure la plus abjecte. Strauss ne pouvait plus travailler avec des librettistes juifs et Stefan Sweig, pourtant consulté en secret, ne sera pas nommé. Strauss toujours désireux d’équilibrer puissance orchestrale moderne, éclat des voix et compréhension du texte a peut être ici  réalisé son plus bel équilibre. Daphné est bien plus proche de Salomé, voir Elektra, que du Chevalier à la Rose.  C’est là que se présente la plus grande difficulté de l’oeuvre qui n’a rien de simplement bucolique malgré un début fait de tendresse au seuls bois de l’orchestre.
Plus ou moins consciemment, Richard Strauss a tissé dans sa partition orchestrale les éléments de violence de son époque. Un dieu arrogant détruit beauté et innocence, et une femme éprise d’absolu est aveugle aux autres humains se réfugiant dans l’éternelle nature croyant esquiver la mort. On sait comme les Aryens en leur folie et leur croyance en l’existence des races ont conduit à la plus grande perversion des hommes. L’orchestre est plein de cette violence et de cette brutalité.

Incandescente Daphné au Capitole

Dans un passionnant article du programme, Hartmut Haenchen, explique comment il a repris toutes les corrections de Strauss afin d’éviter la “bouillie informe” que sa partition peut contenir. La patient travail du chef allemand nous offre une interprétation musicale et dramatique de toute splendeur. L’Orchestre du Capitole a sonné de manière incandescente toute la soirée. Tout était parfaitement équilibré avec une lisibilité de tous les plans sonores. Chaque instrumentiste a été parfait et l’ensemble permettait à la fois d’entendre chaque passage instrumental solo comme les effrayants tutti  dans une palette de dynamique sonore exaltante.  La présence des cordes capables de fournir une matière onctueuse (de double crème), comme des acidités terribles, mérite une mention particulière. Les suraigus de la toute fin de l’oeuvre ont été un véritable instant de magie, créant des vapeurs d’or dans l’air. Avec un sens dramatique toujours en éveil Hartmut Haenchen a tenu son orchestre à chaque instant avec une tension parfois insoutenable.
L’équilibre avec les chanteurs a été constamment exact, jamais un Apollon n’a été soutenu avec une violence si grande, oui soutenu, jamais écrasé avec pourtant des fortissimi effrayants. L’orchestre a donc été splendide amenant le drame à son terme dans la plus folle démesure comme la plus grande subtilité (le froissement de cymbale final) .
La mise en scène de  Patrick Kinmonth est peut être plus picturale que dramatique. La référence à l’Arcadie est évidente et peut être un peu trop appuyée. Les costumes à l’antique en toile écru ont l’allure de ceux du début du XXème siècle.  Ils manquent curieusement de simplicité et laissent un peu perplexe. Sauf la somptueuse robe bleu de Gaea.  Le décor fonctionne bien mais l’aspect minéral de la grotte en carton pâte n’est séduisant  qu’avec les très beaux éclairages de Zerlina Hughes. Pourquoi donc le montrer sans aucune magie, avant le lever du rideau ? La descente des murs de marbre après le meurtre commis par Apollon, par le nouvel enfermement produit et la beauté irrésistible du mur de fond rendent bien compte de la folie qui se révèle. Faut-il alors passer  par le meurtre de Leukippos pour arriver à tant de beauté ? La “révélation” de l’arbre final n’est pas dans la tempo de la musique, il est frustrant de le voir si peu de temps et trop tard après les derniers mélismes de Daphné.
Toutes ces réserves sont minimes car le jeu d’acteurs est très efficace n’éludant pas les rapports violents entre les personnages.  Les scènes de groupe sont efficaces et le choeur masculin, participe activement à l’action, mais surtout il est vocalement parfait avec des nuances magiques. la chorégraphie de Fernando Melo crée des vraies identités de personnages et les effets de masse sont très réussis.

La distribution est parfaitement équilibrée. Les ancêtre sont somptueux de présence tant vocale que scénique. Franz-Josef Selig est un Peneos charismatique à la voix d’airain. En mère tutélaire, Anna Larsson est d’une beauté stupéfiante. L’allure de cette grande et belle femme est associée à une voix de contralto d’une profondeur mielleuse. Son timbre rare diffuse des harmoniques d’une grande richesse. Les pâtres et les servantes sont excellents. Belles voix bien projetées et belles présences scéniques. Une mention particulière pour le duo féminin. Bénédicte Bouquet et Hélène Delalande, qui sont remarquables. Les timbre sont très assortis et brillants assurant une belle présence vocale dans une distribution terriblement efficace. Car les trois rôles principaux sont très difficiles. Daphné doit être un grand soprano pour dominer les sublimes lignes de chant de Richard Strauss. La jeunesse du timbre doit être évidente et la grâce du personnage doit être plus visible que sa vaillance.

strauss-apollon-daphne-capitole-toulouse-474Claudia Barainsky est une Daphné exceptionnelle. Le timbre est pur et la projection de la voix extraordinairement efficace. Jamais dominée par un orchestre très puissant elle fait face à toutes les exigences du rôle. Elle arrive à rendre son texte presque toujours compréhensible malgré la tessiture meurtrière ; et son jeux est très sensible. L’exhalation du personnage est très bien rendue et sa difficulté à se contenter des relations avec les humains également dans cette recherche d’absolue mortifère. Dans les duos avec ses deux amoureux, elle trouve une présence très différente rendant le personnage très intéressant.
Les deux ténors sont traités avec beaucoup d’exigences par Strauss. Lui même savait sa difficulté à écrire pour cette tessiture. Les deux rôles sont meurtriers. En Leukippos, le canadien Roger Honeywell est très touchant. La voix est brillante mais surtout le chanteur est particulièrement sensible, les tourments du jeune berger sont lisibles tant dans son chant que dans son jeu. Sa noblesse provoque  également une vive sympathie. Mais le phénomène vocal le plus incroyable de la soirée est Andreas Schager. Ce ténor germanique tout longiligne a une voix de stentor. Il lui faut même un peu de temps afin de doser sa projection vocale face à l’orchestre et ses collègues. La puissance de cette longue voix semble sans limites. Le timbre est lumineux et le métal très noble. Cet habitué de Tristan et Siegfried doit être spectaculaire s’il a l’endurance nécessaire, ce que sa forme en fin de spectacle laisse entendre. Avec des moyens vocaux hors du commun, il campe un personnage altier, suffisant et méprisant. Apollon n’est pas n’importe qui ; même déguisé en bouvier. La morgue de l’acteur, son allure faussement nonchalante le rendent odieux et son abus de pouvoir en tuant un simple mortel relève de l’insoutenable. Mais en grand artiste Andreas Schager arrive dans son long monologue des remords à gagner la bienveillance du public. Pour une fois un puissant à qui tout réussit, arrive à susciter un début d’empathie…  Après ce grand monologue en forme de prière, la dernière scène de transformation de Daphné devient une apothéose telle que nous l’attendions. La magie de cette dernière scène est totale avec de tels interprètes. L’orchestre est magnifique de couleurs, de nuances et d’impact. La voix de Claudia Barainsky semble sans limites capable d’une puissance terrible comme d’une douceur délectable. Le public comme en transe fait un triomphe à cette magnifique production, elle a toutes les qualités pour tourner dans les théâtres voulant rendre hommage à Richard Strauss dans un ouvrage fulgurant qui se révèle ainsi à la scène. Magistral.

Compte rendu, opéra. Toulouse.Théâtre du Capitole, le 19 juin 2014. Richard Strauss (1864-1949) : Daphné, tragédie bucolique en un acte, op.82 sur un livret de Joseph Grégor. Nouvelle production. Patrick Kinmonth : Mise en scène, décors, costumes ; Fernando Melo : Chorégraphie ; Zerlina Hughes, Lumières ; Distribution : Franz-Josef Selig, Peneios ; Anna Larsson, Gæa ; Claudia Barainsky, Daphné ; Roger Honeywell, Leukippos ; Andreas Schager, Apollo ; Patricio Sabaté, Premier Pâtre ; Paul Kaufmann, Deuxième Pâtre ; Thomas Stimmel, Troisième Pâtre ; Thomas Dear, Quatrième Pâtre ; Marie-Bénédicte Souquet, Première Servante ; Hélène Delalande, Deuxième Servante ; Choeurs du Capitole, direction Alfonso Caiani ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Hartmut Haenchen, Direction musicale.

Illustrations : © P. Nin 2014

Compte rendu, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, 16 mai 2014. Verdi: I due Foscari. Gianluigi Gelmetti : direction musicale. Stefano Vizioli: mise en scène.

Les idées fausses ont parfois la vie dure. I due Foscari est tout sauf un opéra de jeunesse à oublier et Verdi a écrit une partition superbe, injustement méconnue contrairement à ce qui a souvent été dit et écrit. Rendons grâce au directeur Frédéric Chambert qui a réunis tous les moyens pour faire de cette production du Capitole une réussite totale. Le public a semblé ravi et a fait un beau triomphe à cette production. La mort rode dans Venise et la vengeance décime une famille sous les yeux du spectateur. Le rôle du « méchant » Jacopo Loredano, est dévolu à une basse mais n’est pas aussi développé que Wurm, Macbeth, le Grand Inquisiteur ou Iago dans les opéras futurs ; pourtant ses machinations sont terriblement efficaces. Il parvient à devenir Doge à la toute fin de l’ouvrage ayant conduit le fils du Doge et le Doge à la mort par désespoir. Le ressort psychologique est assez fin car finalement toutes les valeurs conduisent les héros à la mort. Le père en tant que Doge doit participer à la condamnation de son fils et son refus d’utiliser son pouvoir pour sauver son enfant le conduira à condamner un innocent. Le fils de ce noble Doge a hérité de fortes valeurs patriotiques et d’amour de la famille qui ne lui permettent pas de survivre à l‘injustice de sa condamnation et à la séparation définitive par l‘exil de tout ce qui compte pour lui : sa patrie, son rang,  sa famille. La femme du condamné avec noblesse demande à suivre son mari en exil … ce qui lui est refusé. Elle aussi est donc brisée, privée de soutien, mère de deux orphelins à l‘avenir bien sombre.

 

 

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La douleur est superbement source de musiques très belles du jeune Verdi. Des grands airs sont offerts aux solistes et la  grande scène  de la soprano à l’acte I est dans les pas du Miserere du Trouvère. La scène de folie du ténor à l’acte II est un grand air, beau et puissant. Quand au rôle du Doge dévolu à un baryton, il requiert un artiste à la vocalisé impeccable, ayant une sens du drame et des mots avec en particulier une grande scène au dernier acte sur la vanité du pouvoir, de haute inspiration. L’orchestration est richement colorée et de superbes moments sombres accompagnent le drame. Certes Verdi se soumet encore aux formes de l‘opéra romantique italien de ses prédécesseurs, ainsi des cabalettes terminent souvent les airs fermés, mais des moment plus libres font éclater le cadre.

Un sombre verdi inconnu et superbe

Dans la production capitoline, la mise en scène, les décors, les costumes et les lumières se complètent pour rendre justice au drame verdien. Le décors avec l’immense tête du vrai Francesco Foscari et ensuite l’énorme tête de lion sont les uniques éléments de décor ; mais ils offrent une puissance d’évocation peu commune. Les costumes sont riches avec des velours lourds aux couleurs variées. Globalement l’époque des faits est respectée et rien d’incongru ne vient divertir de l‘action. La sobriété des acteurs sied bien à cette action intériorisée plongeant dans l’âme des personnages. Musicalement, la direction de Gianluigi Gelmetti est efficace, précise : on devine son plaisir à faire sonner le superbe orchestre du Capitole en pleine forme. Il peut se permettre cette puissance car les chanteurs ont tous des moyens adéquats. Tamara Wilson est un grand soprano verdien spinto. Capable d’aigus tranchants et charnus, ses graves sont corsés et le médium, homogène. In Loco, sa Léonora du Trouvère avait déjà convaincu. Elle porte le rôle de Lucrezia au même niveau d’intensité. Le ténor vénézuelien, élève d’ Alfredo Krauss à Madrid, Aquiles Machado, est une voix à suivre. La puissance alliée à la finesse des nuances avec de superbes messe di voce lui permet de briguer bien des rôles verdiens. Très engagé scéniquement, il porte l‘émotion de ce rôle de condamné perdu d’avance, avec éloquence et noblesse. Les deux voix sont superbes de couleurs, de textures, de richesses harmoniques ; leur duo est donc un très grand moment. Le baryton Sebastian Catana incarne le rôle du Doge et du père qui perd tout espoir avec une intensité vocale et scénique d’une grande efficacité. Verdi demande déjà pour ce rôle une longue voix de baryton, des couleurs variées et un sens du texte inhabituel. Le compositeur reviendra à cette figure de pouvoir meurtrie avec Simon Boccanegra mais déjà ici le rôle est magnifique.

La distribution des trois rôles principaux est donc proche de l’idéal. Les choeurs puissants ont rendu hommage à l‘inspiration verdienne bien connue. Le rôle pas très développé de la « méchante » basse est très intensément incarné par le jeune Leonardo Neiva à l’autorité déjà impressionnante. Les autres petits rôles y compris ceux sortis du choeur sont excellents,  ce qui dans ce niveau vocal n’est pas peu dire.

Au final  les deux Foscari a été représenté dans une production de haute tenue à Toulouse. La retransmission le vendredi 23 mai sur Radio Classique permettra à chacun de découvrir avec plaisir un bel opéra de Verdi dans une distribution magnifique.

 

 

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Toulouse. Théâtre du Capitole, 16 mai 2014. Giuseppe Verdi (1813-1901): I due Foscari, Opéra tragique en trois actes sur un livret de Francesco Maria Piave d’après une pièce de Byron, créé le 3 novembre 1844 au Teatro Argentina, Rome. Stefano Vizioli: mise en scène; Cristian Taraborrelli : décors; Annamaria Heinreich : costumes ; Guido Petzold : lumières ; Avec:Sebastian Catana, Francesco Foscari ; Aquiles Machado, Jacopo Foscari; Tamara Wilson, Lucrezia Contarini; Leonardo Neiva, Jacopo Loredano ; Francisco Corujo, Barbarigo ; Anaïs Constans, Pisana ; Choeur du Capitole,Alfonso Caiani direction; Orchestre National du Capitole; Gianluigi Gelmetti : direction musicale.

Illustrations : I Due Foscari de verdi à Toulouse © P. Nin 2014

 

Toulouse, Capitole. Philippe Hurel : Les Pigeons d’argile.15>20 avril 2014

Unknown-1OPERA, création. Toulouse, Capitole, Les Pigeons d’argile. 15>20 avril 2014. A Toulouse, Philippe Hurel tire son sujet d’un fait d’actualité: l’enlèvement par un groupe terroriste de Patricia Hearst, héritière d’un magnat de la presse (avril 1974). L’ouvrage est une commande du directeur du Capitole, Frédéric Chambert. Le compositeur et son librettiste (Tanguy Viel) recomposent la matière du fait historique pour en tirer la matière d’un opéra non politique mais psychologique centré sur la relation de la prisonnière et de son geôlier, Patricia et Toni. Le témoignage et l’expérience de cet enlèvement par le compagnon d’armes de Toni, Charlie pèsent aussi progressivement. Le trio devient huit clos sentimental. L’opéra traite de la jeunesse inconsciente des terroristes, leur fragilité psychique face à la réalité, leur naïveté face à la violence de leurs actes; ils sont ces pigeons d’argile, proie des tireurs au ball-trap, qui explosent en vol, preuve de leur dérisoire pouvoir sur les êtres et le monde. Formé à l’écriture spectrale, Philippe Hurel privilégie l’efficacité du drame, l’enchaînement resserré des épisodes en une texture transparente qui recherche l’équilibre entre texte projeté naturellement (par les 6 solistes tout au long du drame) et masse orchestrale.  Les Pigeons d’argile de Philippe Hurel (né en 1955) : Toulouse, Capitole, les 15,18,20,22 avril 2014.  

 

 

Compte rendu, opéra. Toulouse.Théâtre de Capitole, le 14 mars 2014. Pietro Mascagni (1863-1945): Cavalleria Rusticana; Ruggero Leoncavallo (1858-1919): Paillasse. Nouvelle production du Capitole. Yannis Kokkos: mise en scène. Tugan Sokhiev, direction

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Si l’association de Cavalleria et Paillasse ne brille certes pas par l’originalité, il faut reconnaitre que l’efficacité du dispositif toulousain est totale. Impossible de résister à Toulouse à cette version magnifique des deux opéras en un acte. Il est certain que le concision et la concentration obtenue par cette contrainte ont mobilisé le meilleur génie de chacun des compositeurs dont aucun des autres opéras n’a obtenu le succès de ce duo étrange. Et lorsque tous les moyens sont utilisés le résultat est là. Cavalleria Rusticana ouvre la soirée avec, dès les premières mesures de son magnifique prélude, la certitude de vivre un grand moment de musique. L’orchestre a des sonorités d’une plénitude symphonique inhabituelle au fond d’une fosse. Les cordes en particulier sont brillantes autant qu’émouvantes dans les longues phrases de Mascagni.

 
 

Mascagni : Bravo, bravissimo ! …

 

Tugan Sokhiev est un orfèvre qui tout au long de la soirée a à coeur de rendre le drame autant que la beauté plastique des partitions. C’est dans Cavalleria que sa direction précise et souple fait merveille offrant toutes les beautés de la partition, ciselées et irrésistibles jusque dans la manière d’assumer une forme de grandiloquence. Portés par une telle beauté, les artistes chantent avec une grande élégance et une tenue inhabituelle dans ce répertoire. Le Turrido de Nikolai Shukoff est époustouflant de présence et l’acteur sait rendre le tourment qui habite ce rôle plus complexe qu’il n’y parait. Vocalement le ténor a des moyens considérables (ceux d’un véritable heldenténor) qu’il adapte parfaitement à l’opéra italien. Face à lui la Santuzza d’Elena Bocharova a un jeu plus conventionnel mais surtout un engagement vocal si considérable qu’elle évoque un peu la projection droite et volcanique dont était capable Fiorenza Cossoto. Leur duo est marqué par une théâtralité associant un jeu très physique et un engagement vocal sans limites. Aucun des deux chanteurs, ne ménageant pourtant jamais sa voix, n’est pris en défaut. La Mamma Lucia d’ Elena Zilio est à la fois présente vocalement dans les ensembles, ce qui face aux héros aux voix de stentor n’est pas rien, et très émouvante dans ces très courtes interventions face à Santuzza et Turridu. André Heyboer en Alfio est capable de rendre perceptible toute l’humanité de son personnage un peu sacrifié. Vocalement il sait tenir face à toute les exigences du rôle avec une voix pleine et sûre. La Lola de Sarah Jouffroy est aguicheuse à souhait.
L’orchestre durant tout l’opéra a une place très importante offrant un miroir à l’âme si tourmentée de Santuzza. La beauté sonore est totalement captivante ainsi que le drame dont Tugan Sokhiev met en valeur chaque instant. L’Intermezzo restera longtemps dans les mémoires. La production de Yannis Kokkos qui assure mise en scène, décors et costumes, est très cohérente respectant les didascalies. La Sicile archaïque et religieuse est présente avec une église très écrasante et des escaliers habiles pour les mouvements de foule. Un travail très respectueux qui mobilise le drame a chaque moment.

Les mêmes éléments de décors sont utilisés pour Paillasse, la place de l’église servant de scène pour les saltimbanques. Là c’est l’engagement dramatique et théâtral de Tugan Sokhiev qui porte la partition à l’incandescence du drame le plus implacable. La folie meurtrière qui s’empare de Canio, obligé de jouer son tourment privé sur scène arrache des larmes dans son implacabilité. Le ténor géorgien Badri Maisuradze, habitué du Bolchoï, a tout à la fois une voix puissante et parfaitement maitrisée et un engagement scénique quasi viscéral qui convient parfaitement à ce personnage si malheureux, incapable de résister à sa violence. La performance vocale est à la hauteur de son jeux. La Nedda de Tamar Iveri est un papillon pris au filet qui n’arrivera pas à s’ échapper malgré son courage et sa détermination. La composition de la cantatrice, habituée aux rôles nobles et tristes, la rend méconnaissable de légèreté. Son art vocal lui permet avec délicatesse de vocaliser comme d’exprimer puissamment ses sentiments et sa révolte. En Tonio, Sergey Murzaev est très troublant capable de la plus grande vilénie comme d’un émotion noble dans le prologue.
C’est vraiment le théâtre qui domine Paillasse dans cette interprétation qui avance inexorablement vers le drame final. Avec cette éternelle question du jeu social si difficile à tenir dans les moments de tourments personnels, le théâtre dans le théâtre pirandellien dans Paillasse fait toujours son effet fulgurant. Les très belles lumières nocturnes de Patrice Trottier s’ajoutent à la cohérence du travail de Yannis Kokkos. Les choeurs dont la maîtrise sont très efficaces dans leurs courtes interventions et d’une belle présence scénique.

 

Drame et passions se sont développés avec puissance pour un public pris par les beautés de ces partitions envoûtantes. Chacune a retrouvé une noblesse irrésistible sous la baguette de Tugan Sokhiev dans une production belle et respectueuses des éléments consubstantiels aux mélodrames. Un grand succès pour cette production capitoline !

Toulouse.Théâtre de Capitole, le 14 mars 2014. Pietro Mascagni (1863-1945): Cavalleria Rusticana; Ruggero Leoncavallo (1858-1919): Paillasse. Nouvelle production du Capitole. Yannis Kokkos: Mise en scène, décors et costumes; Patrice Trottier : Lumières; Anne Blancard : Dramaturgie. Avec : Elena Bocharova, Santuzza; Sarah Jouffroy, Lola; Nikolai Schukoff, Turiddu ; André Heyboer, Alfio; Elena Zilio, Mamma Lucia; Badri Maisuradze, Canio ; Tamar Iveri, Nedda; Sergey Murzaev, Tonio; Mikeldi Atxalandabaso, Beppe ; Mario Cassi, Silvio. Chœur et Maîtrise du Capitole, Alfonso Caiani direction; Orchestre national du Capitole. Tugan Sokhiev, Direction musicale.

 

Illustration : © P. Nin 2014

 
 

Compte rendu, concert. Toulouse. Halle-aux-grains, le 17 janvier 2014. Carl Maria Von Weber (1786-1828) : Der Freischütz, ouverture ; Richard Danielpour (né en 1956) : Darkness in the ancient valley ; Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 4 en sol majeur. Soula Parassidis, soprano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Giancarlo Guerrero, direction.

Mahler_gustav_mahler_2007Pour débuter ce concert, l’orchestre, un peu pléthorique pour une oeuvre du premier romantisme, s’est lancé sans finesse dans l’ouverture du Freischütz de Carl Maria Von Weber. Les instrumentistes ont semblé presque pris au dépourvu avec des attaques parfois imprécises et des cors en ordre dispersé. Les gestes énergiques du chef lui donnant presque un coté martial par moment.
Lui a fait suite une oeuvre contemporaine du compositeur américano-iranien Richard Daniel, Darkness in the ancient Valley. Cette Suite est construite comme la quatrième symphonie de Mahler avec en final un chant de soprano. Richement orchestrée, la partition ne manque pas d’allure en faisant référence à Britten y mêlant quelques éléments ethniques. Il y eut des moments d’une grande violence, dignes des musiques de films en Cinémascope. La tragédie de la vie des Iraniens est ainsi rendue perceptible avec un effet immédiat, le compositeur aimant à parler directement aux émotions de l’auditeur. Le chant final confié à une soprano est troublant. Une femme, parlant pour son pays, l’Iran, accepte par amour les coups presque mortels de son époux espérant toujours arriver à se relever par la force de son amour. La voix de soprano assez corsée de  Soula Parassidis ainsi que sa diction tranchée sont très évocatrices des dangers encourus en Iran et de la force de la résistance du peuple. Il s’agissait de la création française de cette pièce.

Après l’entracte la Quatrième Symphonie de Mahler a été proposée dans une interprétation immédiate et hédoniste par Giancarlo Guerrero. La beauté de cette partition très lumineuse a ainsi resplendi, limpide mais sans ombres. Le trouble qui peut sourdre, la dérision et l’humour noir contenus dans certaines pages n’ont pas été invités par un chef plutôt soucieux à tout moment de beauté sonore. L’orchestre est très généreux en somptuosité de timbres et moins en nuances et subtilité de phrasés. Le premier mouvement dans un tempo prudent a déroulé ses ensorcelants mélismes en toute candeur sans dérision ni gentilles moqueries lors des archets frappés ou les riches percussions. Le deuxième mouvement contenant une marche funèbre avec un premier violon en scordattura est resté très élégant et joyeux sans jamais rien d’inquiétant ou de vraiment provoquant. Le troisième, Ruhevoll,  eut la beauté des songes avec une avancée de tapis volant sans jamais rien de trop profond.  Le final a été un peu décevant par son manque d’humour mais la partition jouée ainsi au premier degré avec une soprano au chant ferme reste un pur joyaux mettant en valeur le génie d’orchestrateur de Mahler et la virtuosité de l’orchestre du Capitole. L’évocation de l’ambivalence de l’enfance n’a même pas été effleurée. Cette version solide et avant tout centrée sur le beau son, a été bien accueillie par le public. Mais nous nous sommes souvenus de l’interprétation si complète sur bien des plans, y compris quant à l’ambivalence de l’image du paradis enfantin, donnée par ce même orchestre autrement plus engagé sous la baguette de Tugan Sokhiev très inspiré en mars 2010…

Toulouse. Halle-aux-grains, le 17 décembre 2014. Carl Maria Von Weber (1786-1828) : Der Freischütz, ouverture; Richard Danielpour (né en 1956) : Darkness in the ancient valley ; Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 4 en sol majeur. Soula Parassidis, soprano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Giancarlo Guerrero, direction.