COMPTE-RENDU, opĂ©ra. ORANGE, Théùtre antique, le 10 juillet 2019. Rossini : Guillaume Tell. Gianluca Capuano / Jean-Louis Grinda. Pour fĂȘter ses cinquante ans dâexistence, les ChorĂ©gies dâOrange 2019 sâoffre de prĂ©senter pour la premiĂšre fois le tout dernier ouvrage lyrique de Rossini, Guillaume Tell (1829), seulement un an aprĂšs lâinĂ©vitable Barbier de SĂ©ville (https://www.classiquenews.com/ompte-rendu-opera-choregies-dorange-2018-le-4-aout-2018-rossini-le-barbier-de-seville-sinivia-bisanti). Plus rares en France, les opĂ©ras dit « sĂ©rieux » de Rossini pourront surprendre le novice, tant le compositeur italien sâĂ©loigne des sĂ©ductions mĂ©lodiques et de lâentrain rythmique de ses ouvrages bouffes, afin dâembrasser un style plus variĂ©, trĂšs travaillĂ© au niveau des dĂ©tails de lâorchestration, sans parler de lâadjonction des musiques de ballet et du refus de la virtuositĂ© vocale pure (dans la tradition du chant français).
GUILLAUME TELL Ă ORANGE
Annick Massis (Mathilde)
ComposĂ© pour lâOpĂ©ra de Paris en langue française, Guillaume Tell a immĂ©diatement rencontrĂ© un vif succĂšs, sans doute en raison de son livret patriotique qui fit alors raisonner les Ă©chos nostalgiques des victoires napolĂ©oniennes passĂ©es, et ce en pĂ©riode de troubles politiques, peu avant la RĂ©volution de Juillet 1830.
Aujourdâhui, le style ampoulĂ© des nombreux rĂ©citatifs, surtout au dĂ©but, dessert la popularitĂ© de lâouvrage. Pour autant, du point de vue strictement musical, on ne peut quâadmirer la science de lâorchestre ici atteinte par Rossini, qui Ă©voque Ă plusieurs reprises la musique allemande, de Beethoven Ă Weber.
Il faut dire que la plus grande satisfaction de la soirĂ©e vient prĂ©cisĂ©ment de la fosse, avec un Gianluca Capuano trĂšs attentif Ă la continuitĂ© du discours musical, tout en rĂ©vĂ©lant des dĂ©tails savoureux ici et lĂ . Seule lâouverture laisse quelque peu sur sa faim avec un Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo qui met un peu de temps Ă se chauffer, sans ĂȘtre aidĂ© par lâacoustique des lieux, peu dĂ©taillĂ©e dans les pianissimi. Quel plaisir, pourtant, de se retrouver dans le cadre du Théùtre antique et son impressionnant mur de 37 mĂštres de haut ! Les derniĂšres lueurs du soleil permettent aux oiseaux de continuer leurs tournoiements Ă©tourdissants dans les hauteurs, avant de disparaitre peu Ă peu pour laisser Ă lâauditeur sa parfaite concentration sur le drame Ă venir. Il est vrai quâici le spectacle est autant sur scĂšne que dans la salle, tant la premiĂšre demi-heure surprend par le ballet incessant des pompiers dans la salle, affairĂ©s Ă Ă©vacuer les spectateurs ⊠extĂ©nuĂ©s par la chaleur Ă©touffante.
Sur le plateau proprement dit, la mise en scĂšne de Jean-Louis Grinda, Ă la fois directeur des ChorĂ©gies dâOrange et de lâOpĂ©ra de Monte-Carlo, fait valoir un classicisme certes peu enthousiasmant, mais fidĂšle Ă lâouvrage avec ses costumes dâĂ©poque et ses quelques accessoires. Lâutilisation de la vidĂ©o reste dans cette visĂ©e illustrative en figurant les diffĂ©rents lieux de lâaction, tout en insistant pendant toute la soirĂ©e sur lâimportance des Ă©lĂ©ments. On retiendra la bonne idĂ©e de traiter de lâopposition entre le temps guerrier et lâimmanence de la nature, le tout en une construction en arche bien vue : en faisant travailler Guillaume Tell sur le bandeau de terre en avant-scĂšne dĂšs le dĂ©but de lâouvrage, puis en faisant Ă nouveau planter quelques graines par une jeune fille pendant les derniĂšres mesures, Grinda permet de dĂ©passer le seul regard patriotique habituellement concentrĂ© sur lâouvrage.
Le plateau vocal rĂ©uni sâavĂšre dâune bonne tenue gĂ©nĂ©rale, mĂȘme si les rĂŽles principaux laissent entrevoir quelques limites techniques. Ainsi du Guillaume Tell de Nicola Alaimo qui fait valoir des phrasĂ©s superbes, en une projection malheureusement trop faible pour convaincre sur la durĂ©e, tandis que la Mathilde dâAnnick Massis reste irrĂ©prochable au niveau du style, sans faire toutefois oublier un positionnement de voix plus instable dans lâaigu et un recours frĂ©quent au vibrato. La petite voix de Celso Albelo (Arnold) parvient quant Ă elle, Ă trouver un Ă©clat inattendu pour dĂ©passer la rampe en quelques occasions, avec une belle musicalitĂ©, mais souffre dâune Ă©mission globale trop nasale. Au rang des satisfactions, Jodie Devos compose un irrĂ©sistible Jemmy, autant dans lâaisance vocale que théùtrale, de mĂȘme que le superlatif Cyrille Dubois (Ruodi) dans son unique air au I. Si Nora Gubisch (Hedwige) assure bien sa partie, on fĂ©licitera Ă©galement le solide Nicolas Courjal (Gesler), Ă qui ne manque quâun soupçon de subtilitĂ© au niveau des attaques parfois trop virulentes de caractĂšre. Enfin, les chĆurs de  l’OpĂ©ra de Monte-Carlo et du Théùtre du Capitole de Toulouse se montrent bien prĂ©parĂ©s, Ă la hauteur de lâĂ©vĂ©nement. On retrouvera Guillaume Tell programmĂ© en France dĂšs octobre prochain, dans la nouvelle production imaginĂ©e par Tobias Kratzer pour lâOpĂ©ra de Lyon.
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Compte-rendu, opĂ©ra. Orange, Théùtre antique, le 10 juillet 2019. Rossini : Guillaume Tell. Nicola Alaimo (Guillaume Tell), Nora Gubisch (Hedwige), Jodie Devos (Jemmy), Annick Massis (Mathilde), Celso Albelo (Arnold), Nicolas Cavallier (Walter Furst), Philippe Kahn (Melcthal), Nicolas Courjal (Gesler), Philippe Do (Rodolphe), Cyrille Dubois (Ruodi), Julien Veronese (Leuthold). ChĆurs de  l’OpĂ©ra de Monte-Carlo et du Théùtre du Capitole de Toulouse, Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, direction musicale, Gianluca Capuano / mise en scĂšne, Jean-Louis Grinda
A lâaffiche du festival Les ChorĂ©gies dâOrange, le 10 juillet 2019. CrĂ©dit Photos / illustrations : © Gromelle