César Franck: Cantiques,
Offertoires et Motets.
Michael Jarrell: Eco III
Samedi 3 mars 2007 à 20h30
Lyon, Eglise Saint François de Sales
Pater Seraphicus
Dieu sait que le pieux surnom donné à César Franck par un de ses confrères puis amplement diffusé aura beaucoup fait pour sanctifier mais aussi quelque peu niaiser le compositeur !: Ou en tout cas ne faire voir et entendre qu’un aspect du personnage, ambivalent…en diable, et constamment tiraillé entre son être clérical et son attirance vers des nourritures plus terrestres et amoureuses. D’un côté la tribune de Sainte-Clotilde, les Béatitudes et tant d’œuvres catholiques, de l’autre la tendre présence d’Augusta Holmes et Psyché. L’inspiration de la musique allemande – de Bach à Beethoven et Wagner – et le désir de restaurer l’éminente dignité d’un art français. Le modeste enseignement d’un compositeur très tardivement reconnu et l’influence sur la postérité, via « la bande à Franck » Ou même la belgitude originelle et les sarkovexations de la France louis-philipparde devant la naturalisation….Oui, connaît-on tout à fait César Franck, dont le double musical et privé le plus plausible fut le Vinteuil de Proust ? Et même le compositeur-pour-l’église, malgré la célébrité de superbes pièces d’orgue ?
Un parfait Cavaillé-Col
Cette dernière interrogation figure dans les recherches que Bernard Tétu aime bien mener, notamment dans la musique chorale et instrumentale du XIXe : le fondateur du groupe des Solistes de Lyon, au catalogue duquel on trouve une trentaine de disques (dont une 1ère mondiale de Fauré, La Naissance de Vénus) , commence donc une intégrale de l’œuvre vocale avec orgue du Seraphicus. Curieusement, mis à part le très ressassé Panis angelicus, ce domaine franckiste demeure de l’investigation, et il faut sûrement dépasser les jugements catégoriques à la Saint-Saëns pour aborder ces partitions religieuses avec motets, cantiques, plain-chant harmonisé, faux-bourdons et serpents, ces va-et-vient entre la solennité de l’orgue et la rusticité de l’harmonium. Et en arrière-plan, des trésors sociologico-musicaux à la clé : nationalisme français et autorité vaticane, catholicisme revanchard et expiatoire après les révolutions, liturgie et piété moderniste ou de retour aux traditions…Coïncidant avec la sortie du 1er disque de cette intégrale (Aeolus, AE10651), voici donc un concert inaugural qui donne à écouter 6 Offertoires, 7 motets, 8 faux-bourdons et 4 pièces d’orgue. Bernard Tétu y dirige ses Solistes, la Maîtrise du Conservatoire Populaire de Genève (Magali Daniel), six solistes vocaux et instrumentistes, dont l’organiste argentin Diego Innocenzi. Le lieu est soigneusement choisi : au cœur de la presqu’île lyonnaise, Saint-François-de-Sales abrite un Cavaillé-Col (1879) que son auteur désignait comme « le plus parfait » sorti de ses ateliers.
Les échos d’Eco III
Bernard Tétu se refuse à être tout-XIXe, et il a créé au concert de nombreuses œuvres contemporaines (Ohana, Kagel, Amy, Hersant, Duhamel…). En écho de Franck, il fera écouter… Eco III, une pièce de Michael Jarrell écrite sur un sonnet du précieux absolu espagnol, Gongora. Le compositeur suisse, résident de l’O.N.L. il y a 15 ans, demeure très présent entre Rhône et Saône. Fervent praticien d’une correspondance des arts entre peinture et musique, il évoque ici « la surimpression des plans poésie-chant, une communion avec le silence ». Tout le concert est présenté dans le cadre de « la Belle Voisine », série franco-suisse qui célèbre en 2007 la création contemporaine entre hexagone et lacs alpins.
Tél.:04 72 98 25 30 ; www.solisteslyontetu.com
Crédits photographiques
Les Solistes de Lyon (DR)
Michael Jarrell (DR)