mardi 6 mai 2025

Société de musique de chambre de LyonLyon, salle Molière, saison 2011-2012

A lire aussi
saison 2011-2012
Société de Musique de chambre

Lyon, Salle Molière

8 concerts de novembre 2010 à mai 2012

Cela vient de commencer (le 12 octobre) par la 1ère partie de l’intégrale des Trios de Beethoven (dont « l’Archiduc » ; le reste en 2013) avec le Trio Elégiaque : on se tourne vers la suite de la saison 2011-2012, donnée dans l’indispensable Salle Molière pour la sexagénaire Société Lyonnaise (Société de musique de chambre de Lyon)… Qui s’ouvre au jazz et aux musiques du monde, tout en centrant sur classiques, romantiques et modernes, « oh les beaux soirs ! »… Tour d’horizon…

Belle Epoque et délectables sonorités

Nous vantons souvent ici les mérites de la Salle Molière, qui mérite en effet une visite inscrite dans les programmes touristiques culturels de Lyon. Depuis son ouverture il y a un peu plus d’un siècle, La Salle en aura vu, et entendu surtout, beaucoup…Elle est temple « Belle Epoque » de la musique de chambre – sans « profondeur », avec un mur de fond qui la limite bien vite derrière un piano, elle ne permet guère le déploiement des orchestres -, même si un petit orgue surmonte sa scène -, enclavée dans un ensemble architectural dont on peut sans mal oublier l’auteur ( Huguet, si vous y tenez…), mais dont le décor (sculptures, fragments de peinture) tient du composite-kitsch : l’esprit Puvis de Chavannes mâtiné de Viennoiserie (on rêve que Klimt se fût ici arrêté !)… Ce « Palais de Bondy » est comme un emboîtement-Lego avec sa grande façade vitrée (l’Atrium, donnant sur la Saône), des étages qui abritent les Salons de peinture Lyonnais (pas révolutionnaires d’esprit), un « envers » qui était le Conservatoire de Musique jusqu’à la fin des années 1970 – et dont la Salle, avec une annexe, Witkowski, fut le haut-lieu des concours -, sans oublier un abri pour le théâtre des marionnettes de Guignol… L’Atrium lui-même, nous rappellent les spécialistes, avec ses peintures inachevées, porte sa « jolie légende » : le peintre Louis Bouquet, qui devait y inscrire la noblesse mythologique du cheval Pégase, fut « terrassé par une crise cardiaque quand il était sur l’échafaudage »…C’est là qu’aux entractes des concerts on vient « mondaniser », commenter, papoter, se montrer. Et de toute façon, se féliciter – à juste titre- d’une des plus belles acoustiques de France, dont bien des artistes-visiteurs ont apprécié la pertinence spectaculaire et intime à la fois, dans ce quadrilatère à très hauts murs qui permet d’obtenir pour quelque 600 places (certaines de « médiocre visibilité », selon l’euphémisme en vigueur), la délectation sonore la plus subtile, encore que parfois troublée par des grincements de portes et de sièges dont les restauration successives n’ont pu venir à bout.

Du jazz…

La Société de Musique de Chambre, fondée au début des années cinquante par le pianiste Ennemond Trillat – alors directeur du Conservatoire, humaniste et grande figure de la musique à Lyon -, « règne » ici par légitimité. Mais les ans ont passé, cette bientôt-sexagénaire a dû changer ses formules, et se confiant récemment à Eric Desnoues – « patron » des Concerts de la Trinité comme du Festival d’Uzès –, mettre un peu de jazz et de musiques du monde en son breuvage d’ivresse classico-romantique. Cette dimension « hors les murs »paraît donc clairement dans l’ensemble des 9 concerts proposés à la réjouissance des mélomanes encartés-SMC (si on ose une formulation aussi familière sous les peintures de Phaéton et le lustre de la Salle), et des autres, ceux qui viendraient « au coup par coup » se mêler à la série S.M.C.-Tradition. Ainsi écouterons-nous à la fin de l’hiver une carte blanche donnée à Yaron Herman, pianiste israëlien de 30 ans dont les biographies officielles nous apprennent qu’il eût dû s’illustrer dans le basket, mais que disciple à Tel-Aviv du professeur Opher Brayer (piano, mais aussi philosophie, mathématiques et psychologie), il se tourna vite vers le piano-jazz, aux Etats-Unis puis en France. Théoricien de l’improvisation, il joue et enregistre selon un concept de « Thèmes et Variations », ses disques en solo ou avec un Trio (Matt Brewer et Gerald Cleaver) lui valent rapidement une notoriété internationale et un titre de Révélation aux Victoires du Jazz 2008. Il travaille fraternellement avec des « classiques » comme le Quatuor Ebène, établit des collaborations « musicales et amicales » avec le trans-courants Michel Portal, ou Bertrand Chamayou… A Molière, il fera du « jazz de chambre, piano jazz sur des thèmes classiques ».

Du violon tzigane, du cymbalum, Bartok et Mozart

Au cœur de l’hiver, une autre rencontre « inédite » aura lieu, cette fois avec le jeune violoniste-prodige et tzigane Geza Hosszu-Legocky, découvert par Martha Argerich, et qui joue aussi bien Brahms ou Bartok et Kreisler que Grigoras Dinicu(1889-1949), dont il nous est dit que, très grand violoniste roumain, il joua avec Enesco, et oeuvra pour la reconnaissance des Roms dans son pays, tâche – comme on sait, hélas, et pour d’autres pays et temps actuels – toujours à reprendre et honorer…On entendra en duo le cymbalum, ce merveilleux instrument d’Europe Centrale, joué par Julius Csik. Et dans le même janvier probablement bien froid, Bartok résonnera, cette fois par son 5e Quatuor, peut-être le plus sublime des Six, en tout cas le plus divers et qu’on a pu comparer aux ultimes de Beethoven. « Son début inoubliable, ainsi que le décrit Pierre Citron, c’est le Jugement Dernier, annoncé non par des cuivres mais par les cordes seules »… Puis viennent des « musiques nocturnes à l’état pur, la fraternité avec les vents parcourant les espaces ouverts sur la face du monde,…des appels étranges – il m’est arrivé d’entendre cela dans le sifflet d’un express dans la nuit -, des violences terrifiantes, et tout à coup un allegretto burlesque, ticket d’autobus dans un tableau surréaliste, et en coda un contrepoint polytonal de plus en plus démoniaque »… A cette partition de 1935, un miroir de la fin du XVIIIe et de la vie mozartienne : deux des trois quatuors écrits par Wolfgang en période de grande difficulté, et qui « obéissent » à une commande du roi de Prusse Frédéric-Guillaume II ; la série de six (comme celle, glorieuse, des quatuors « à Haydn ») s ’arrêtera à moitié du parcours. Sous le sourire et la « facilité » du 1er (K.575), crispation et inquiétude ; et plus encore pour le 3e (K.590), double signe de la redécouverte du langage « alla Bach » et d’une angoisse qui aiguillonne l’esprit d’une recherche sonore sans concession. Ces œuvres profondément novatrices sont jouées par l’Emerson String Quartet, fondé par des Américains il ya 35 ans, à la discographie impressionnante (des intégrales de Bartok, Beethoven et Chostakovitch…), et dont l’échange de « rôle » entre 1er et 2nd violon en cours de concert illustre la « fluidité ».

Le Temps Perdu et ses petites phrases

C’est un Mozart bien plus souriant que permet de redécouvrir le duo piano et violon de fin mars, dans la sonate K.378, écrite à 22 ans. Et à côté de la 8e (op.30/3) composée en 1802 par Beethoven, voici un autre miroir, entre Sonate de Franck – l’un des chefs d’œuvre des années 1880, chez le Pater Seraphicus et dans la musique française fin de siècle –et la moins connue 1ère op.75 de Saint-Saëns. Là, ne pas oublier de relire son Marcel-RTP, puisque Proust a «délogé » dans l’op.75 la fameuse « petite phrase » qui sert de leitmotiv aux amours de Swann et Odette…Non sans préciser perfidement que là Saint-Saëns, « musicien que je n’aime pas », lui avait fourni « une phrase charmante mais enfin médiocre », et que la Sonate de Franck en était référence plus véritable (en même temps que celle de Lekeu…). Les fort jeunes (25 et 30 ans) Solenne Païdassi (violoniste, Prix du Concours Long-Thibaud en 2010) et Hyo Sun Lim (pianiste sud-coréenne qui joue aussi avec Hillary Hahn et Micha Maisky) nous aident à rechercher dans ces domaines radieux et complexes….Musique française de même époque ? Gabriel Fauré sera présent en mai dans ses admirables 1er Quatuor avec piano (op.15, de 1876), d’un élan inépuisable comme la mer au « dessus » de laquelle le musicien de 30 ans composa, sur les hauteurs du Havre, et « La Bonne Chanson », (1894), dialogue amoureux entre le poète (Verlaine) et les belles écouteuses, entre « l’hiver (qui) a cessé : la lumière est tiède et danse » et l’attente de « donc, ce sera par un clair jour d’été »… En pré-écho, la Chanson Perpétuelle, écrite par Chausson quelques mois avant sa mort accidentelle (1899) sur un texte de Charles Cros, et un Adagio pour piano et cordes de Guillaume Lekeu, mort à 24 ans, et qui a donné dans ces formes « lentes » des méditations admirables. Karine Deshayes, l’une des grandes voix françaises actuelles, qui travaille en profondeur les textes et leur rapport avec la poésie, y sera en dialogue avec l’Ensemble Contraste (un quatuor à cordes et un pianiste), très soucieux d’interrogation instrumentale.

Lumières schubertienne, brahmsienne et baroque

Schubert est pour vous essentiel ? Et en essence de l’essence, le Quintette à deux violoncelles D.956 ? Le concert de mars doit vous retenir, en vous embarquant (au sens pascalien) dans la sublime aventure de la partition ultime, de septembre 1828. Le Syntonia Quintette (là encore quatuor à cordes augmenté d’un piano, et d’un violoncelle) vous guide, de même que pour le très équilibré et lumineux Quintette op.81 que Dvorak composa en 1887. Plus lumineuse aussi, la Sonate de Schubert, écrite en 1823 pour le piano et un instrument ensuite « disparu », l’arpeggione –guitare à archet-, classiquement « remplacé » par le violoncelle. Et le duo des sonates violoncelle-piano de Brahms, dont la 2nde, si profonde, fut écrite en été 1886, dans la lumière du Lac de Thoune : Marc Coppey et Peter Laul y sont à la mi-novembre les interprètes inspirés. Reste à ne pas oublier en Salle Molière une « délocalisation » de mi-décembre avec les artistes du Festival de Musique Baroque (pour le reste, à la Chapelle de la Trinité), « piloté » par Eric Desnoues : les quatre piliers du dôme baroque (Corelli, Haendel, Telemann, Vivaldi), et en formation « serrée » , le Concerto Köln (déjà un quart de siècle !), conduit, primus inter pares, par Markus Hoffmann.

Lyon. Salle Molière. Société de Musique de Chambre. 8 concerts à 20 heures. 16 novembre 2011 : Marc Coppey, Peter Laul (Schubert, Brahms). 13 décembre : Concerto Köln (Vivaldi, Haendel, Telemann, Corelli). 8 janvier 2012, Classique et tzigane, Geza Hosszu-Legocky. 18 janvier, Emerson Stringg Quartet (Mozart, Bartok). 4 mars, piano-jazz, Yaron Herman Solo. 7 mars, Syntonia Quintette et François Salque (Schubert, Dvorak). 28 mars ; Solenne Païdassi, Hyo Sun Lim (Mozart, Beethoven, Franck , Saint-Saëns). 2 mai, Karine Deshayes, Ensemble Contraste (Fauré, Chausson, Lekeu). Propos d’avant-concerts, par des jeunes intervenants lyonnais.
Information et réservation : T. 04 78 38 09 09 ; www.musiquedechambre-lyon.org

Derniers articles

CRITIQUE, récital lyrique. ANDORRE, Parc Central, le 3 mai 2025. Anna NETREBKO (soprano), Serena Malfi (mezzo), Pavel Nebolsin (piano)

C’est sous une serre lumineuse, baignée des derniers rayons du crépuscule andorran, qu’Anna Netrebko a ouvert la 3ème édition...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img