mardi 29 avril 2025

Sarah Lavaud, piano joue Charles Koechlin… France Musique. Dimanche 27 septembre 2009 à 7h

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Sarah Lavaud,

Piano



France Musique
Dimanche 27 septembre 2009 à 7h

« Leur premier cd »…

Réécouter Koechlin

A 26 ans, la pianiste lyonnaise Sarah Lavaud
(née en 1982) n’a pas uniquement l’éclat d’un jeune talent.
L’interprète sait aussi prendre des risques et « oser » plusieurs perles
chambristes de la musique française, d’autant plus méritantes qu’il
s’agit de retrouver l’art d’un compositeur oublié, (injustement): Charles Koechlin.
Son projet de défrichement a séduit la Fondation Lagardère qui en la
nommant lauréate 2008, lui a offert de financer son projet
d’enregistrement discographique. Le disque paraîtra en juin 2009.
Entretien avec une artiste déterminée, ambassadrice volontaire de
partitions à réécouter…

En quoi consiste l’aide et l’accompagnement de la Fondation Lagardère vis à vis de votre projet musical?

Au travers de sa Bourse Musicien (l’une des dix Bourses de Talent
qu’elle attribue chaque année depuis 1989), la Fondation Lagardère aide
un jeune artiste, âgé de moins de trente ans et ayant déjà quelque
expérience en matière discographique, à financer la production d’un
enregistrement – pour lequel il doit être parrainé par un label
indépendant.

Je suis donc très reconnaissante aux membres de mon jury du précieux
soutien (le montant de la bourse s’élève à 10 000 euros) qu’ils ont
choisi de m’apporter – dans la conjoncture actuelle du marché
discographique, de surcroît, qui tend à engendrer morosité et
frilosité, et dans laquelle publier un disque relève du défi (tout
particulièrement pour un jeune musicien dont la renommée n’est pas
encore solidement assise) – pour l’enregistrement en première mondiale
d’œuvres de musique de chambre de Charles Koechlin, que j’ai réalisé en
compagnie du Quatuor Antigone le mois dernier pour le label Ar Ré-Sé et
qui sortira début juin 2009. Un soutien qui valorise – ce dont je me
réjouis profondément – cette démarche de découvreur qui est au cœur
même de mon éthique d’interprète et de celle de la directrice
artistique d’Ar Ré-Sé, Lydia Jardon (elle-même pianiste de grand talent
dont la réputation n’est plus à faire): dans ses choix de répertoire,
en effet, l’interprète révèle et affirme sa conception de son propre
rôle, sa volonté singulière de contribuer (à sa modeste échelle) à
« l’histoire de la musique » dans son sens le plus artistique et le
plus vivant – en favorisant notamment la découverte de compositeurs
rarement défendus, et injustement méconnus.


Pourquoi vous intéressez-vous à l’oeuvre de Charles Koechlin? Quelles
sont les facettes de sa vie ou de son oeuvre qui vous touchent?

C’est
Lydia Jardon (qui s’est donné pour mission en créant Ar Ré-Sé de «
permettre à des artistes femmes de graver un répertoire original, voire
inédit », pour reprendre ses propres mots) qui a déniché ces pages
méconnues du répertoire de musique de chambre français de la première
moitié du XX° siècle – éditant en première mondiale, en 2007, les
Quatuors à cordes n°1 et 2 du compositeur avec le Quatuor Ardeo, puis
sollicitant le Quatuor Antigone et moi-même pour la poursuite de
l’aventure (enregistrement, toujours en première mondiale, de son
Quatuor à cordes n°3 ainsi que de son Quintette avec piano).
Avec ses 226 numéros d’opus, Koechlin figure parmi les compositeurs les
plus prolifiques de son époque mais reste, aujourd’hui encore, l’un des
moins joués – et si son nom nous est familier, nous n’avons cependant
de son imposante production qu’une connaissance extrêmement restreinte
(voire purement livresque pour une partie d’entre elle, encore
inédite). Nous sommes donc tentés de nous poser la question suivante:
pourquoi donc un tel désintérêt vis-à-vis d’un homme d’une richesse
pourtant hors du commun, connu pour son insatiable curiosité et son
ouverture d’esprit (il s’intéressa aux mathématiques, à l’astronomie,
la littérature, l’architecture, le cinéma…), sa générosité, l’ardeur de
son engagement dans la promotion de la musique contemporaine (il
participa en 1909, avec Maurice Ravel et Florent Schmitt entre autres,
à la fondation de la Société Musicale Indépendante) – mais aussi son
exceptionnelle maîtrise de l’écriture orchestrale, très vite reconnue
par Fauré qui lui confia l’orchestration de Pelléas et Mélisande
(musique de scène) et Debussy celle de Khamma (ballet), ainsi que son
immense érudition (parmi les nombreux ouvrages théoriques qu’il nous a
légués – sans oublier ses biographies de musiciens parmi lesquels…
Fauré et Debussy –, son Traité de l’orchestration est constamment
réédité et reste un ouvrage de référence, faisant dire à un compositeur
et chef d’orchestre aussi renommé que Heinz Holliger – qui a consacré à
Koechlin plusieurs enregistrements remarquables – qu’il est un
« alchimiste des sons »)? Peut-être la notoriété de celui qui eut pour
maîtres Massenet, Gedalge et Fauré, et entre autres illustres disciples
Francis Poulenc, Germaine Tailleferre, Darius Milhaud et Roger
Désormière, pâtit-elle aujourd’hui encore de cette indépendance qu’il
revendiquait hautement (comme en témoigne l’épitaphe gravée sur sa
stèle funéraire: « L’esprit de mon œuvre et celui de toute ma vie est
surtout un esprit de liberté »), et qui le tenait à distance de tout
dogme ou chapelle…

Un projet discographique contribuant à réparer une telle injustice,
près de soixante ans après sa mort, était donc le bienvenu! Voyage
d’une heure au cœur d’un univers foisonnant, dont l’originalité et la
modernité n’ont pas fini de nous étonner: grande variété de climats
(des atmosphères brumeuses, flottantes, oniriques, y côtoient joie et
lumière des plus vives, traduites dans une verve tantôt quasi
populaire, tantôt jubilatoire); audaces harmoniques engendrant une
large palette de coloris, dont un Messiaen se souviendra; goût et
maîtrise de l’écriture contrapuntique (dans laquelle transparaît
l’immense admiration de Koechlin pour Bach), où le dessin de chacune
des lignes est ciselé avec un soin extrême jusque dans les polyphonies
les plus chargées; une conception du temps musical très novatrice (qui
me semble préfigurer l’opposition temps strié / temps lisse définie
plus tard par Pierre Boulez) – ouvrant nos oreilles occidentales à une
dimension nouvelle par immersion récurrente dans un temps étale
(esthétique redevable à divers voyages en Orient mais peut-être aussi à
l’amour que l’homme portait à la Nature, à la contemplation de laquelle
il aimait s’adonner – sorte de panthéisme dont témoignent nombre de ses
œuvres); surprenant équilibre, enfin, entre rigueur et spontanéité –
celui qui transposa dans le domaine de la composition des modèles de
structuration issus de recherches architectoniques entreprises dans les
années 1910 ayant pourtant toujours affirmé que « chacune de [s]es
œuvres [était] une pièce unique dont le plan se trouv[ait] déterminé
par l’évolution vivante des thèmes et des sentiments, par la vie même –
et qui jamais ne fut décidé à l’avance, sinon parfois dans ses plus
grandes lignes »… Un paradoxe fascinant, qui frappe l’interprète dès la
première lecture.

lire la suite de notre entretien avec Sarah Lavaud, piano à propos de Charles Koechlin

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