Trois jeunes talents se retrouvent à Saintes
C’est le français François Dumont qui « ouvre » l’édition 2013 de piano en Saintonge. Le jeune homme est déjà venu à Saintes en 2008 : il revient cette année après avoir sorti un cd consacré à Frédéric Chopin (1810-1849); c’est donc tout naturellement qu’il joue trois oeuvres du Polonais. Si le pianiste français interprète la barcarolle tout en finesse, il joue la sonate pour piano n°3 qui suit avec une intelligence réjouissante. Le jeune homme maitrise parfaitement son instrument, l’utilisant avec finesse et imaginaire sans abuser de la pédale; on apprécie en particulier la souplesse du jeu.
La jeune américaine Natalia Kazaryan, 25 ans, qui succède à Francois Dumont a choisi un programme plus hétéroclite : les oeuvres choisies lui permettent de mettre en avant une finesse, une intelligence de jeu elle aussi, et une accointance très forte avec les trois compositeurs de son programme. La Sonate en mi majeur n°32 de Joseph Haydn (1732-1809) est une pièce d’une réelle difficulté. Pourtant, la jeune pianiste, dont les doigts volent sur le clavier avec une redoutable agilité, joue l’oeuvre avec une fermeté et une aisance dignes des plus grands, rendant chaque nuance, chaque note avec une justesse inégalable. Les deux extraits des Miroirs de Maurice Ravel (1875-1937), Une barque sur l’eau et Alborada del gracioso, qu’Anne Quffelec a joué au Théâtre Auditorium de Poitiers en janvier dernier, sont également abordés avec une grâce remarquable et une simplicité qui donnent à ces deux courtes pièces des couleurs virevoltantes d’une densité très forte. Souhaitons que mademoiselle Kazaryan fasse la grande et belle carrière à laquelle elle semble promise.
En clôture de soirée, le pianiste taïwanais Yun-Yang Lee s’installe devant l’instrument. Il joue avec bonheur deux valses et le scherzo n°1 de Chopin. Une certaine raideur dans le jeu se glisse dans la tenue digitale. Cependant le jeune homme, enfant prodige dès son plus jeune âge, n’en n’a pas moins de très belles qualités techniques et stylistiques qui lui permettent d’aborder divers répertoires sans complexes; ainsi, les Jeux d’eau de Ravel sont-ils joués de telle façon que le public à bel et bien l’impression de jouer avec de l’eau. On note également un changement de programme, le jeune homme a en effet remplacé Islamey-Fantaisie Orientale de Mili Balakrev (1837-1910) par la douzième rapsodie hongroise de Franz Liszt (1811-1886) … qu’il interprète avec bonheur.
Les responsables du festival « Piano en Saintonge » ont proposé au public venu nombreux un programme de qualité présenté par trois jeunes pianistes dont le talent, malgré des imperfections somme toutes mineures, ne peut que se bonifier avec le temps. Le public séduit les a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises et stimulés par les marques d’encouragement, François Dumont et Natalia Kazaryan ont donné chacun un bis très apprécié : Clair de lune (Chopin) pour le premier et la Toccata de Ravel pour la deuxième.
Saintes. Auditorium de l’abbaye aux dames, le 22 mars 2013. Frédéric Chopin (1810-1849) : Barcarolles, sonate N°3 en si mineur, polonaise en mi bémol majeur, clair de lune (bis N°1), scherzo N°1 en si mineur, valse N°7 en ut dièze mineur, valses N°1 en mi bémol majeur; Joseph Haydn (1732-1809) : sonate en mi majeur N°32; Maurice Ravel (1875-1937) : miroirs (Une barque sur l’océan, Alborada del gracioso), Toccata (bis N°2), jeux d’eau; Johannes Brahms (1833-1897) : sept fantaisies; Franz Liszt (1811-1886) : 12e rapsodie hongroise. François Dumont, Natalia Kazaryan, Yun-Yang Lee, piano.
