mardi 6 mai 2025

Saint-Etienne. Opéra-Théâtre, le 15 avril 2011. Weber : Der Freischütz. Barbara Ducret, Mélanie Boisvert, Gilles Ragon… Laurent Campellone, direction. Jean-Louis Benoît, mise en scène

A lire aussi
Alors qu’à Paris, l’Opéra-Comique ressuscite la version française imaginée par Berlioz, l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne choisit l’original allemand du Freischütz weberien. Coproduite avec Toulon, la mise en scène créée par Jean-Louis Benoît se révèle simple et inventive, suffisamment évocatrice pour rendre parfaitement lisible l’intrigue: sa noire magie, sans pour autant tomber dans les poncifs de l’esprit romantique germanique. Particulièrement marquante, la scène de la Gorge-aux-Loups est abordée avec l’atmosphère d’inquiétude qui convient, suivant de près la musique laquelle guide chacun des gestes des interprètes.
Un Freischütz rendu à sa vérité

La distribution réunie ici est d’un excellent niveau. Elle met à l’honneur, option pour nous toujours délectable ,… les chanteurs français. Parti de loin – il interprétait Platée voilà une vingtaine d’années –, Gilles Ragon nous surprend comme à son habitude, par son parcours éclectique, réellement unique. Après des rôles aussi ardus que Hoffmann, Tannhaüser ou encore Don José, il ajoute une nouvelle corde à son arc vocal, celle de Max. Dans un allemand digne d’éloge, le chanteur démontre qu’il possède les deux facettes du rôle, ce lyrisme encore mozartien aussi bien que la vaillance romantique, même si le premier le flatte davantage, alors que la seconde met par instants en lumière un léger manque de volume et d’impact. Scéniquement, le ténor incarne un chasseur désabusé très touchant, prêt à tout pour obtenir la main de sa bien-aimée.

Barbara Ducret donne vie à une très belle Agathe, dans laquelle sa voix ample et puissante semble se sentir parfaitement à l’aise, sans jamais devoir ni forcer ni alléger exagérément. Si dans la nuance forte, on sent la trame de l’instrument comme fragilisé par des blessures anciennes, les longs phrasés élégiaques lui permettent de trouver une émission haute et une concentration de l’émission d’une intense beauté, dont le caractère extatique suspend le son et le temps.
Ännchen pleine de vie et d’énergie, Mélanie Boisvert enchante par la fraîcheur de son timbre, riant de lumière, et son évidente musicalité, servie par une technique irréprochable, toute de naturel et de clarté. Elle virevolte dans son rôle de jeune femme mutine et joueuse, et en vient presque à voler la vedette à l’héroïne.

Belle performance du baryton Roman Ialcic : Kaspar sonore sur toute la tessiture, à l’émission franche et percutante, inquiétante incarnation du braconnier déjà damné. Excellent Kilian de Vincent Deliau, et Kuno plein de chaleur paternelle de Nika Guliashvili, alors que Bartolomiej Misiuda, si sa voix claire lui fait manquer d’autorité royale, nous offre un Ottokar idéalement chantant.
Mention spéciale pour l’Ermite majestueux de Scott Wilde, lequel délivre, lors de son intervention salvatrice pour Max (qui pourra épouser celle qu’il aime au terme d’un nouveau cycle d’épreuves), à la fin de l’œuvre, une leçon de chant, mettant sa somptueuse voix de basse profonde au service de ce personnage mystique et rassurant.
Samiel sinistre et menaçant dans son complet noir, contrastant avec les costumes romantiques des autres personnages, Jean-Michel Fournereau, avec quelques mots et peu de gestes, diffuse comme un aigle noir, son ombre sur l’ensemble de la représentation. Prestation remarquable des chœurs, comme d’ordinaire dans cette maison.

A la tête d’un Orchestre Symphonique de Saint-Etienne toujours en situation et riche de son, Laurent Campellone, attentif aux chanteurs et soucieux de tirer d’eux le meilleur, sculpte un Weber romantique sans excès, révélant les sortilèges et les richesses de cette partition inclassable. Un public enthousiaste a salué cette belle soirée placée sous le signe de la sorcellerie.

Saint-Etienne. Opéra-Théâtre, 15 avril 2011. Carl Maria von Weber : Der Freischütz. Livret de Johann-Friedrich Kind. Avec Agathe : Barbara Ducret ; Ännchen : Mélanie Boisvert ; Max : Gilles Ragon ; Kaspar : Roman Ialcic ; Kuno : Nika Guliashvili ; Kilian : Vincent Deliau ; Ottokar : Bartolomiej Misiuda ; L’Ermite : Scott Wilde ; Samiel : Jean-Michel Fournereau. Chœurs Lyriques et Orchestre Symphonique de Saint-Etienne. Laurent Campellone, direction musicale ; Mise en scène : Jean-Louis Benoît. Décors : Laurent Peduzzi ; Costumes : Marie Sartoux ; Lumières : Joël Hourbeight ; Adaptation livret et dramaturgie : Jean-Michel Fournereau ; Chef des chœurs et assistant à la direction musicale : Laurent Touche ; Chef de chant : Cyril Goujon

Derniers articles

OPÉRA ROYAL DE VERSAILLES. RAMEAU : Les Fêtes de Ramire, jeu 22 mai 2025. Apolline Raï-Westphal, David Tricou, … La Chapelle Harmonique, Valentin Tournet

Récemment le festival d’Aix (2024) a réalisé une reconstruction plus ou moins réussie du fameux Samson opéra envisagé à...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img