Baryton
France 3
Vendredi 26 juin 2006 à 23h
Portrait du chanteur. L’heure de… Magazine présenté par Alain Duault. 2009. Inédit.
Entre opéra et cinéma
Il a raison d’être content de sa carrière le grand Ruggero qui sur le thème de l’ouverture de l’opéra de verdi, La Force du destin, fait face à la caméra au début du portrait, non sans grandeur et fierté.
Une voix ardente, une présence brûlante, animale, quant il est Don Giovanni (chantant l’air du champagne sur une moto à vive allure, traversant Paris et la rue de Rivoli…!) ou Scarpia et Falstaff…
C’est un chanteur expressionniste et délirant qui en tant qu’acteur aime incarner, jouer, prendre des risques… Taquin, séducteur, plein de panache et d’auto dérision, le baryton aime devant la caméra souligner, mimiques en prime, l’expression et le caractère propre d’un personnage (truculent Falstaff, devenu vieux beau et faux rouquin, très années 70 avec Barbara Frottoli)… Passion pour Bologne, pour Verdi, pour le théâtre et pour le cinéma, l’interprète aime étudier et approfondir le jeu d’un rôle… Le portrait de France 3 rend hommage à cet époustouflant chanteur qui fut aussi acteur.
Etudes de chant à Rome, audition encourageante avec le chef Molinari-Pradelli (Iago dans Otello de Verdi), Concours de Spoletto, premiers succès sur la scène comme basse sombre, de caractère… Consécration avec Les Vêpres Siciliennes de Verdi à La Scala dans les années 70, partenaire de Renata Scotto (qui d’ailleurs témoigne devant la caméra)… de nombreuses illustrations visuelles (archives) émaillent les propos du baryton (son Escamillo dans Carmen est un torride torrero, aux côtés de Teresa Berganza).
L’approche de son Don Giovanni (d’un diabolisme magnifique) permet d’évoquer le rôle de sa vie « Don Giovvani » (son premier film, réalisé par Losey en 1979: un coup de maître où l’acteur rencontre le cadre cinématographique, – et perce l’écran: légèreté de la Sérénade à Elvira, duo avec Zerline, mais aussi puissance, sauvagerie et ténèbres de l’acte III: le caractère est abordé dans sa complexité, avec de nombreuses images d’archives -commentées par l’intéressé, issue du tournage… Autre couleur, celle de la folie et de l’obsession pour Boris: nouvelle incarnation juste sur le plan théâtral même si la voix est un peu légère et la langue pas aussi naturelle et ensorcelante que celle des basses finnoises actuelles dont l’indépassable Matti Salminen.
Le documentaire croise les membres de sa famille plutôt très unie, ses partenaires, les directeurs de théâtre qui l’ont engagés (dont Hugues Gall qui parle certes de l’interprétation, de l’articulation, mais surtout de son « sex appeal »), le professeur de chant et la préparatrice Janine Reiss (qui a travaillé avec lui sur le Don Giovanni réalisé par Joseph Losey)…
Baryton sombre et aussi lumineux, Ruggero Raimondi ne pouvait compter meilleur portrait sur son talent d’acteur accompli, disposer d’autant de témoins sensibles et convaincus par son art. Comme nous.