Rien n’est comparable à la beauté des voix russes sous la lumière diffuse de la nef de la cathédrale Saint-Corentin à Quimper. Depuis plusieurs années, Les Semaines Musicales de Quimper accueillent les meilleurs choeurs en provenance de Russie: c’est à chaque session dans l’ample vaisseau de la voûte quimperoise, une confrontation directe avec la musique sacrée, liturgique ou non, portée par des chanteurs dont la voix et le chant fusionnés saisissent par leurs timbres solistes ou associés, la richesse harmoniques des tutti, la précision des attaques, cette opulence ciselée et articulée qui remplit sans forcer le volume pourtant vaste de la Cathédrale. Le concert est aussi un spectacle total, visuellement très réussi grâce à la mise en lumière du scénographe expert dans la valorisation du lieu et la spiritualisation de l’événement, Jean-Paul Goagen. Le concepteur conçoit chaque été une illumination spectaculaire en suspendant deux immenses sphères lumineuses qui gonflées à l’hélium, semblent flotter au dessus des choristes tout en diffusant une lumière enveloppante sur leurs partitions. L’effet sobre et monumental, orchestre une nouvelle perception spatiale de la musique et du lieu. Musique et patrimoine n’ont jamais été aussi bien servis.
L’an dernier, les festivaliers avaient pu écouter (et découvrir en création française), le sublime oratorio de Constantin ChtChedrine, « L’Ange scellé », mystique chorale d’une profondeur dramatique inouïe, interprétée à Quimper par deux choeurs réunis pour l’occasion et un instrument solo (ici la flûte). En août 2011, deux nouveaux choeurs associés recomposent tout d’abord liturgies et choeurs orthodoxes; puis c’est surtout, clou de la soirée, la si rare et pourtant si exceptionnelle partition sacrée pour choeur mixte de Tchaïkovski sur le texte de Saint-Jean de Chrysostome: divine liturgie de Saint-Jean Chrysostome.
Sous l’impulsion du jeune chef lui-même chanteur (ténor), Boris Satsenko, les choristes subjuguent par le souffle maîtrisé, la beauté des timbres, ce geste collectif qui sait mesurer et colorer, sans jamais forcer: tour à tour, selon les nécessités des partitions choisies le choeur d’hommes est rejoint par les voix féminines dans un cycle conçus et arrangés par le chef Boris Satsenko, lequel dirige et chante depuis le milieu du groupe. Au total, 15 sections de compositeurs différents dont 3 épisodes qui sollicitent la participation d’une chanteuse soliste. Pour la liturgie de Saint-Jean Chrysostome, le chef dirige face aux choristes donc dos au public.
Tout respire la paix, la méditation et parfois l’incantation. C’est aussi une prière ardente adressée au Seigneur de pitié et de miséricorde, à la Sainte Trinité, qui rappelle combien la condition du pêcheur est fragile et menacée. La sonorité pleine, ronde et partout tout autant individualisée grâce à un travail chambriste sur l’équilibre entre les parties affirme l’excellence du choeur réunie à Quimper. Nous avions déjà apprécié et relever le niveau très convaincant du choeur masculin dirigé par Boris Satsenko en 2008, lors d’un concert en Catalogne française à Saint-André (66): programme éclectique qui tout en jouant avec l’architecture du lieu et ses résonances naturelles, parcourait également la diversité des styles musicaux liturgiques en Russie. Comme chaque année, ce grand concert à la Cathédrale quimpéroise marque l’un des temps forts de la programmation des Semaines Musicales 2011.
Quimper. Cathédrale Saint-Corentin, le 8 août 2011. Vêpres orthodoxes: liturgie russe du chant znamenny à nos jour pour voix d’hommes et de femmes. Tchaikovsky: Divine Liturgie de Saint-Jean Chrysostome pour choeur mixte. Choeur du monastère Saint-Alexandre Nevsky de Saint-Petersbourg. Les Voix de la Neva (choeur de femmes). Boris Satsenko, ténor et direction.
