mercredi 7 mai 2025

Prokofiev: le journal inachevé Arte, lundi 26 avril 2010 à 22h30

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Serge Prokofiev


Le journal inachevé

Arte
Lundi 26 avril 2010

Musica à 22h30

Documentaire. Réalisation: Yosif Feyginberg (2008, 52mn).

Arte sélectionne des documentaires vifs au rythme haletant, dévoilant la marche forcée des compositeurs, soucieux de faire reconnaître leur tempérament à part. Le cas de Prokofiev est exemplaire et le film montre idéalement comment l’interprète itinérant aux USA comme en Europe, frustré par l’Occident qui tarde à lui réserver une place, – cet Indépendant fier et impatient-, se laisse finalement séduire par les sirènes du Stalinisme!…

Soucieux et jaloux de sa différence, Prokofiev exilé russe, tente sa chance aux USA, puis en Europe avant de répondre aux promesses du régime stalinien, toujours habile à toucher la vanité des créateurs, surtout quand ces derniers peinent à se faire reconnaître… Le journal du compositeur écrit pendant ses années de galère renseignent les contradictions et les attentes d’un artiste surdoué et intransigeant voire narcissique.
En 1918, Prokofiev quitte la Russie pour les USA. Le virtuose du piano triomphe sur la côte américaine. Exilé fuyant le système bolchévique, Prokofiev a laissé un témoignage écrit saisissant sur le contexte de son arrivée aux USA, à Carnegie Hall; sa personnalité difficile, impatiente voire impétueuse, attire les admirateurs mais ses amis sont rares. Il succombe au charme des actrices du cinéma à ses débuts… Sans le sou, Prokofiev admire la finesse sonore des pianos mécaniques qui reproduisent selon lui la moindre nuance du jeu: pour gagner sa vie (1250 dollars par an), il enregistre ses propres compositions pour la compagnie Duo art…
L’Amour des 3 oranges d’après Gozzi est un essai à l’opéra plutôt réussi: sens du contraste, de la palpitation avec un étonnant souffle dramatique… Composé à la hâte dans les trains, sur du papier à lettre d’hôtel… Selon ses souvenirs, un passage chez le dentiste est inscrit dans le dialogue entre Trufaldino et le Prince… Premier coup de génie joué à Chicago qui lui confirme ses talents prodigieux à l’opéra.
Mais le séjour américain est en fait une source de frustration: Prokofiev serait arrivé trop tôt: son arrivée à la fin des années 1910 se situe avant l’essor musical qui est propre aux années 1930…

Après la création des Trois Oranges à Chicago, vite oubliée, Prokofiev s’impatiente à New York: son heure tarde trop à venir. Le public américain manque de discernement et d’enthousiasme à célébrer son art. A Paris, creuset artistique de tous ceux qui avaient quitté la Russie, le compositeur souhaite enfin trouver la gloire et la reconnaissance: il fait venir sa mère à Marseille: écrit le ballet Le Bouffon (été 1920) pour Diaghilev et les Ballets Russes. C’est un nouveau succès: « c’est l’oeuvre d’un génie » déclare Ravel. De même adoubé par Stravinsky qui est très proche de Prokofiev: les deux échangent, se copient, fraternisent comme les deux seuls compositeurs russes. Proche des Six, Prokofiev cultive sa différence, tout en fréquentant de loin les salons parisiens dont celui de la Princesse de Polignac qui commande à Ravel, Stravinsky, Falla… En 1922, Prokofiev s’installe en Bavière (Villa Cristoforus), avec sa mère et sa fiancée « Linette »… avec laquelle il se marie et revient à Paris: mais doit déménager sans cesse car le compositeur au travail fait trop de bruit avec son piano.
En 1924, Prokofiev essaie un nouveau langage dans la Symphonie n°2. Les critiques comme en Amérique, sont acerbes et définitifs: pas de musique, contrepoint incompréhensible: trop de modernité!
Paris reconnaît alors l’état russe: Prokofiev qui vient de perdre sa mère, se rend à l’Ambassade de Russie, y compose pour les concerts officiels et obtient très vite une proposition du système bolchévique. Mais Prokofiev refuse car il souhaite préserver son indépendance: revenir en Russie signifie adhérer au bolchévisme.


Compositeur de ballets

Le compositeur ressent très profondément sa différence: direct et franc, il blesse souvent, sans ménager ses interlocuteurs. Diaghilev lui commande alors un ballet russe moderne sur les bolchéviques: commande délicate mais s’investit totalement jusqu’au bout: Le Pas d’acier est une machine critique: sur un rythme convulsif, l’action se déroule dans une gare: grotesque, lyrique, profond, trivial, le musicien combine tous les registres dont il maîtrise l’alliance expressionniste. La machine s’emballe sur un martèlement de plus en plus grinçant. est-ce réellement une caricature du système bolchévique où l’homme asservi au dogme officiel ne peut être qu’ouvrier ou agent du Bureau? L’oeuvre semble faire la critique comme l’apothéose du système russe moderne. Le succès est là car l’oeuvre est très forte.
En janvier 1927, Prokofiev revient en Russie: voyage de découverte, le séjour permet au musicien de mesurer dans quelle condition, il peut revenir à Moscou. Il écrit son 3è concerto pour piano: des images d’archives témoignent des retrouvailles où le pianiste virtuose retrouve Moscou quittée il y a 10 ans. Nerveux, tendu, Prokofiev reçoit une salve de bravos: il est reçu comme un prince.
En occident, Prokofiev joue en tant qu’interprète: il ne cesse de voyager. Médite aussi sur la composition des opéras (sa véritable ambition)quand il est plutôt solliciter pour écrire des ballets. L’Ange de feu devient un projet pour un nouvel opéra: destin et incarcération d’une mystique Renata à Cologne au XVIè: Prokofiev renouvelle la déclamation du chant, plus naturel, plus coulant. C’est une partition personnelle qui ne découle pas d’une commande. Hélas, là encore, aucun théâtre européen ne consent à monter son opéra. Prokofiev décide de rejoindre le système russe qui lui promet de réaliser tous ses projets…
En 1929, nouveau séjour en Russie: sa musique est devenue étrangère et nuisible. Son Pas d’acier ne convainc pas: le rythme moderniste, occidental, sonne trop européen. Staline cependant admire son style mais dans l’intention de le récupérer comme tous les compositeurs de talent.
A partir de 1930, le régime de Staline tente tout pour faire revenir Prokofiev en Russie. Le musicien succombe au chant des sirènes bolchéviques tout en ne s’apercevant pas qu’il commet une faute pour l’indépendance de son écriture à venir…

Parmi les musiciens et témoins, le pianiste Yefim Bronfman (dans les Concertos pour piano au rythme trépidant et à l’harmonie changeante), explique l’écriture et la singularité du compositeur.


Documentaire. Réalisation: Yosif Feyginberg (2008, 52mn).


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