300 ans de la naissance
Frédéric et la musique
Un roi mélomane
Arte,
Dimanche 8 janvier 2012 à 15h30
Documentaire inédit
« L’Europe entière parlait de lui, l’Europe entière le considérait comme un héros ; mais au sujet de son caractère, de sa politique, de sa morale et de son comportement, les opinions divergeaient au plus haut point (…) » Dieudonné Thiébault (1765).
La sentence est sans appel; pour autant pouvons-nous aujourd’hui condamner définitivement un esprit politique qui à l’époque des Lumières commit quelques actes déconcertants? Il est intéressant même de repréciser la cohérence politicienne et stratégique du Souverain prussien, comme les composantes de sa personnalité, en particulier sa sensibilité artistique, à l’occasion de ses 300 ans.
Le 24 janvier 2012 marque en effet le tricentenaire de la naissance de Frédéric le Grand. Roi éclairé certes, comme l’indique son oeuvre: le château et le parc de Sans-Souci. Comme Louis XIV édifie et conçoit selon son voeu Versailles, Sans-Souci incarne la personnalité de Frédéric de Prusse.
L’homme est complexe. Il permet de jeter un regard nouveau sur les thèmes qui ont marqué l’Europe du 18ème siècle : l’Etat, la religion, la culture et la philosophie. Et évidemment les arts. En roi mélomane et même musicien, Frédéric démontre qu’exercice du pouvoir et pratique musical ne sont pas si éloignés.
Roi taciturne et même misanthrope en fin de vie, Frédéric II de Prusse
est l’un des rares souverains éclairés de l’Europe des Lumières dont
l’activité militaire se double d’une vraie curiosité philosophique,
culturelle, musicale. Misogyne, le Roi après avoir annexé la Silésie (à
la barbe de l’Autriche, de la France et de la Russie), s’entoure dans
son château de Sans Souci (Versailles prussien), de l’élite intellectuelle
européenne dont Voltaire.: autour de sa table et dans son salon que des hommes. Les femmes y sont interdites. Y compris son épouse qu’il délaisse sans scrupule. Il joue de la flûte sous la direction de son
professeur Quantz, compose, écrit des poèmes… Roi mélomane,
personnalité solitaire et captivante. C’est Frédéric le Grand qui
permet à la Prusse d’atteindre le statut de grande puissance européenne. Il a le front d’égaler les belligérants plus puissants que lui dont la France et l’Autriche…
Frédéric le Grand
Né en 1712, mort en 1786, Frédéric ne tarde pas à entretenir une relation conflituelle avec son père, le « Roi-Sergent » Frédéric-Guillaume Ier. Agé de 18 ans (1730), le jeune héritier de la couronne prussienne tente de quitter la Cour pour se libérer du joug paternel: sa fugue fait le tour de toutes les maisons royales d’Europe. En outre, le père ne tolérait pas que son fils soit homosexuel; il tenta de briser ses dons de musicien comme flûtiste et fit même emprisonner Frédéric au cachot: les compositions qu’il a laissé portent de nombreux mouvements très poignants, miroir d’une âme solitaire et dépressive… Plus tard, joueur, aimant le risque autant que le calcul et la stratégie, le jeune monarque agit sciemment, soucieux de l’impact de ses actes auprès de son entourage… Etait-il génial ou d’un naturel travailleur ? Téméraire ou stratège ? Misanthrope ou bel esprit ? A l’appui des recherches scientifiques les plus récentes, présentées pour le tricentenaire en une rétrospective majeure au Château de Sans-Souci, le documentaire diffusé par Arte tente de répondre à toutes les questions.
Si Frédéric Le Grand s’est imposé à notre mémoire, il ne le doit pas à de vagues rumeurs hasardeuses. Sans-Souci, le nouveau palais qu’il s’est fait bâtir en six ans à peine après la Guerre de Sept ans, et livré en 1763, en témoigne: c’est un monument élevé pour sa gloire, la vitrine d’un politique des Lumières, avide de reconnaissance et de grandeur, de prestige et d’exploits, passionné par les armes autant que par les arts et la musique. C’est un conquérant, un musicien, un philosophe, l’ami de Voltaire qu’il invita à sa Cour avec tous les honneurs: ainsi se dévoilent et s’inscrivent les qualités d’un despote éclairé.
Adolescent martyrisé par son père, Frédéric retrouve dans les arts et en particulier la musique l’exercice d’une libération intérieure. Son professeur est Quantz qui lui compose plusieurs centaines de pièces pour la seule délectation du souverain flûtiste. Frédéric lui-même compose plusieurs partitions, véritable miroir d’un esprit idéaliste et particulièrement sensible. L’homme avait un goût sûr. Le politique prépare les fondations de la future Allemagne. c’est donc outre un roi artiste, comme Louis XIV, le fondateur de la culture allemande, qui nuance ce mythe réducteur de la froideur prussienne, militaire et spartiate, carrée voire abrupte et brutale.
Quel était l’ordinaire culturel à la Cour de Frédéric II ? La musique du Roi de Prusse liée à la personnalité et au goût du monarque, reflète les idéaux d’un homme épris d’idéal: liberté, amitié, discipline et amour paternel.
Frédéric le Grand menait des guerres et composait des symphonies, régnait d’une main de fer et s’adonnait passionnément à l’écriture de poèmes. Le documentaire entreprend une exploration minutieuse de l’esthétique de Frédéric à travers les mondes actuels de la musique, de la danse et de l’art. L’art de Frédéric est il toujours moderne? Et quelles sont ses résonances auprès des créateurs actuels?
Frédéric Le Grand, le roi des Prusses et la musique. Docu avec, entre autres, Daniel Hope, Greg Patillo, Christian Thielemann, Kristian Bezuidenhout
Réalisation : Friedrike Schlumbom, 52 minutes
Exposition « Friederisiko » au Nouveau Palais, Potsdam, Land de Brandebourg, du 28 avril au 28 octobre 2012