Jouer Wagner, Strauss et Ravel
En ce 23 mars 2011, le Théâtre Auditorium de Poitiers accueillait l’Orchestre National de Lille dirigé par son chef et fondateur Jean Claude Casadesus. Cet orchestre fondé en 1976 avec le soutien de la région Nord-Pas de Calais a, depuis trente cinq ans, visité un vaste répertoire qu’il défend avec un plaisir évident. Si la première partie de ce concert est consacrée à Richard Wagner (1813-1883) qui écrivait lui même les livrets de ses opéras avant d’en composer la musique : il suit en cela l’exemple d’Hector Berlioz (1803-1869) qui écrivit le livret et composa la musique des Troyens), la seconde permet au public de découvrir ou de redécouvrir la musique vocale, par le biais de ses quatre derniers lieder, de Richard Strauss (1864 1949) et la musique instrumentale de Maurice Ravel (1875 1937) grâce à La valse. Le programme choisi pour le concert d’hier soir, certes concis, était cohérent : les compositeurs choisis ont pû, à défaut de se cotoyer, se croiser même si c’est Richard Strauss qui a ressenti le plus intensément l’influence de Wagner; la musique de Maurice Ravel en revanche ayant un style plus personnel qui emprunte un peu partout sans jamais se prévaloir d’une influence en particulier.
Wagner en ouverture de concert …
La première partie du concert est consacrée à deux oeuvres majeures de Richard Wagner : Parsifal (1865) et Tristan und Isolde (1882). S’il est dommage que la mort d’Isolde n’ait été donnée que sous sa forme instrumentale nous apprécions la lecture que donne le chef d’orchestre de ces pages magnifiques; le prélude et la mort d’Isolde sont dirigés avec un dynamisme et une maestria réjouissants qui transcendent la musique de Wagner permettant au public de se projeter sans peine dans la chambre d’Isolde mourante.
C’est cependant le prélude de Parsifal qui ouvre le concert; il est dirigé avec beaucoup de sensibilité sans excès ni fioriture et la complicité des musiciens et de leur chef donne un relief particulier à cette interprétation qui prend un tour intimiste : nous voici transportés jusqu’à Montsalvat avec les chevaliers chargés de la protection du Saint Graal.
… qui annonce Strauss et Ravel …
Ce sont les quatre derniers lieder de Richard Strauss, composés en 1948 qui entament la seconde partie de la soirée. Le vieux compositeur, il avait quatre vingt quatre ans lorsqu’il a composé ce cycle, était un amoureux de la voix féminine depuis toujours et a composé sa musique sur trois poèmes de Hermann Hesse pour les trois premiers et de Joseph Von Echendorff pour le dernier. C’est la soprano norvégienne Solveig Kringelborn, dont il a été question dans nos colonnes (Solveig Kringelborn), qui interprète l’ultime oeuvre de Strauss; si la voix est belle et chaleureuse, elle semble un peu courte pour passer la rampe de la salle; Jean Claude Casadesus se montre attentif à ne pas couvrir la soliste, et sa direction menée avec fermeté permet aussi de montrer la grande qualité de ses musiciens dans un autre répertoire que l’opéra ou la musique instrumentale.
La valse de Maurice Ravel conclut le concert; composé entre 1919 et 1920, ce poème chorégraphique était prévu à l’origine pour être un ballet qui montrerait la valse à son apothéose mais ce projet ne verra jamais le jour à cause de la guerre. Jean-Claude Casadesus dirige cette pièce avec un dynamisme remarquable prenant la musique de Ravel à bras le corps et impulsant une dynamique très forte parfaitement exprimée par l’orchestre.
… avant deux bis très enlevés
L’accueil du public est si enthousiaste que l’Orcherstre National de Lille et son chef prennent un plaisir évident à jouer la très belle barcarolle des Contes d’Hoffmann composés, et restés inachevés, par Jacques Offenbach (1819 1880) en 1880. C’est avec l’ouverture de Carmen de Georges Bizet (1838 1875), dernière oeuvre du compositeur, qui ne verra jamais l’incroyable triomphe de sa bohémienne, que le concert se conclut définitivement.
L’énergie et l’enthousiasme communicatifs de Jean-Claude Casadesus font de cette soirée un grand moment de musique même si nous aurions cependant aimé entendre Solevig Kringelborn un peu plus longtemps.
Poitiers. Auditorium, le 23 mars 2011. Richard Wagner (1813 1883) : Parsifal (prélude); Tristan und Isolde (prélude et mort d’Isolde, instrumental); Richard Strauss (1864 1949) : Quatre derniers lieder; Maurice Ravel (1875 1937) : La valse. Bis : Jacques Offenbach (1819 1880) : Les contes d’Hoffmann (barcarolle); Georges Bizet (1818 1875) : Carmen (ouverture). Solveig Kringelborn (soprano), Orchestre National de Lille. Jean Claude Casadesus, direction. Compte rendu rédigé par Hélène Biard