Belohlavek ou Sokhiev ?
Choix cornélien pour les amateurs de la partition: les deux chaînes radiophoniques françaises, concurrence concertée ou fait du hasard, programment chacune à la même tranche horaire, 19h pour France Musique, 20h pour Radio Classique, l’opéra de Tchaïkovski, Eugène Onéguine, en direct du Met et de Toulouse. Les divers interprètes (Karita Mattila, Thomas Hampson, Piotr Beczala à New York), les élèves chanteurs du Théâtre Mariinski dans la Halle aux grains toulousaine, et les chefs respectifs, Jiri Belohlavek ou Tugan Sokhiev, pourraient aider votre choix final…
Piotr Iliyitch Tchaïkovski
Eugène Onéguine, 1881
France Musique
en direct du Mettropolitan de New York
à 19h
Radio Classique
en direct de la Halle aux grains à Toulouse
à 20h
A savoir avant le début de la soirée

puise son sujet du roman éponyme de Pouchkine que Tchaïkovski avec la
collaboration de Constantin Chilovski, adapte pour la scène lyrique. Se
poursuivant entre mai 1877 et janvier 1878, la composition de la
partition est assez chahutée. La matière dramatique de l’ouvrage trouve
une résonance particulièrement tragique dans la vie personnelle du
compositeur. C’est que son écriture est contemporaine de son mariage
avec Antonina Milukova, célébré le 6 juillet 1877, lequel s’avère en
définitive catastrophique en raison de l’identité homosexuelle du
musicien. Au tragique de la relation avortée, correspond le
traumastisme d’un scandale inévité et le profond désarroi d’un homme
terrassé par une effroyable vérité. Onéguine recueille ainsi la
terrifiante crise solitaire d’un homme en échec, dans l’obligation de
faire face à lui-même et de résoudre, tout au moins trouver
l’apaisement de son être le plus intime. L’opéra, marqué par ce trauma,
est achevé pendant un voyage en Italie.
Tchaïkovski, âgé de 37
ans, suit le portrait que donne Pouchkine des trois personnages
principaux: Tatiana, Onéguine et Lenski. Histoire d’une passion
malheureuse, tragique jamais dite et vécue pour elle-même, Onéguine
peint le désarroi des êtres impuissants, blessés, incapables, inadaptés… chacun dépassés par leurs sentiments et pourtant inconscients à eux-mêmes, handicapés à vivre librement leurs désirs.
Les seuls
registres qui leur sont propres, sont le remords et l’amertume. Cynique
et fier, Onéguine cache en lui-même une blessure, la plaie béante d’une
âme écorchée. C’est pourquoi, il ne semble pas connaître de sérénité
mais un tourment continu.
Jamais
extérieur ni exhibitionniste, encore moins descriptif, Tchaïkovski
reste proche de l’esprit de Pouchkine. L’opéra est l’une des oeuvres
les plus intimes jamais écrites. La musique exprime l’intériorité des
êtres dont le chant masque le tourment venimeux qui empoisonne leur
esprit. Malgré les critiques émises lors de sa création, en dépit
des détracteurs qui trouvaient l’oeuvre « non scénique » et pas
représentable, en raison justement de son caractère psychologique, Eugène Onéguine s’est imposé sur toutes les scènes tant son expressionnisme intérieur incarne un âge d’or du romantisme russe.
L’opéra
est créé à Moscou, le 29 mars 1879 par les élèves du Collège Impérial
de musique, puis repris à l’Opéra Impérial (Théâtre du Bolchoï), le 23
janvier 1881… quelques jours avant que ne soit créé à
l’Opéra-Comique, Les contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach (le 10 février 1881).
2 directs sur France Musique et Radio Classique
distributions
Metropolitan Opera
Wendy White : Larina, un propriétaire foncier
Karita Mattila : Tatiana, La fille de Larina
Ekaterina Semenchuk : Olga, La fille de Larina
Barbara Dever : Filipyevna, une ancienne infirmière
Thomas Hampson : Eugène Onéguine
Piotr Beczala : Lensky
James Morris : Prince Gremin
David Crawford : Un commandant de compagnie
Richard Bernstein : Zaretsky
Tony Stevenson : Triquet, un Français
Raymond Aparentado : Hors scène
Metropolitan Opera Chorus
Metropolitan Opera Ochestra
Jiri Belohlavek, direction
Halle aux grains, Toulouse
Orchestre national du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev : direction. Coro Easo : chœur. Larissa Gergieva : chef de chant.
Approfondir
Lire la fiche du spectacle sur le site du Metropolitan Opera de New York
Lire notre présentation de l’opéra Eugène Onéguine de Tchaïkovski, au moment de la production de l’Opéra de Lyon, présentée en janvier 2007