vendredi 19 avril 2024

Pierre Boulez: A voix nue. Entretiens avec Véronique Puchala. Editions Symétrie

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Boulez, à voix nue

Voici le texte dérivé d’un cycle d’entretiens radiophoniques, réalisé pour France Culture en 2005
où Pierre Boulez répond aux questions de Véronique Puchala, à
l’occasion de ses 80 ans. La pensée polémique, vive, argumentée du
compositeur et chef d’orchestre français se précise au cours de ses
archives inestimables. Comme son nom l’indique, il s’agit en plus du
texte écrit, de la parole du chercheur insatiable, expérimentateur de
première valeur qui continue d’être une figure incontournable de la
musique contemporaine. Le livre-disque suit l’ordre thématique des entretiens: l’écoute, le regard, le geste, la voix et l’autre.

L’auteur et interlocuteur de Pierre Boulez prend soin aussi de mettre
en perspective chacunes des idées développées, dans le contexte qui
leur apporte un surcroît de sens, voire creuse sa dimension polémique.

L’écoute est celle de l’oreille favorisée par l’enseignement admiré d’Olivier Messiaen dont la rencontre est de celle « qui ont le pouvoir de déterminer l’orientation d’une vie »… Le regard réconcilie deux vertus indissociables, entre sensible et intelligible: l’évidence et l’émotion. Le chef pose son propre regard sur les oeuvres qu’il dirige, en particulier à partir de 1963… C’est aussi le regard d’un musicien et compositeur habile à comprendre les tableaux de Paul Klee, par exemple, dont la démarche moins les oeuvres picturales ont exercé une influence durable.
Le geste, c’est celui naturel qui dérive de l’idée précise de ce que le chef veut entendre. Un chef qui doit beaucoup à la collaboration déterminante de Jean-Louis Barrault. Précision, clarté, du geste, de la parole, de l’écoute: Boulez maestro captive dans les oeuvres rythmiques fortes… Et quand la notion de geste interagit avec l’oeuvre du compositeur, elle permet que la partition se réalise en une transposition « gauchie ». Les deux notions se rencontrent et s’accomplissent quand Boulez chef joue Boulez compositeur. Analyse du geste du compositeur et du chef d’orchestre. Mais le geste du compositeur n’est-il pas aussi d’une certaine manière influencer (structurer) par le geste du chef d’orchestre?
La voix instaure l’univers de l’opéra que Boulez surtout symphniste et instrumental, investit pleinement grâce là encore aux Renaud-Barrault. Il appartient à Pierre Boulez d’assurer la création française de Wozzeck à l’Opéra de Paris, le 27 novembre 1963, dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault. Une autre rencontre, fugitive mais décisive, est celle avec Wieland Wagner qui met en scène aussi Wozzeck: il s’agit non de représenter ou de décrire mais d’exprimer l’indicible. D’un travail profond sur le sens de l’oeuvre, le duo Wagner/Boulez se retrouve ensuite en 1966, pour Parsifal à Bayreuth. 10 ans plus tard cela sera Le Ring avec Chéreau. Et composer un opéra? A défaut, Boulez compositeur écrit pour la voix: « chanter le marteau sans maître… ».
L’Autre, c’est sa cible à laquelle il s’adresse grâce à une parole vive, affûtée, argumentée, idéalement structurée, pour la diffusion de son oeuvre personnelle et aussi de la musique contemporaine et moderne, depuis les Viennois, Berg, Schoenberg, Webern… Parole mais aussi écriture car Pierre Boulez a abondamment développé par le style, les facettes nombreuses et polémique de ses réflexions sur la notion de création et de modernité. Comme l’exposition actuellement au Louvre sur l’oeuvre et le fragment (Oeuvre:fragment, Pierre Boulez. Paris, musée du Louvre), le développe avec clarté.

L’oeuvre de Boulez est approchée de façon vivante et respectueuse des intentions préliminaires: il s’agit d’un éclairage par le texte, la parole (le cd) mais aussi de nombreuses photographies en noir et blanc qui montre combien cette intellectualisation critique et autocritque sur la création et la modernité, a pu aussi se réaliser de façon concrète dans une oeuvre de compositeur, sur la scène lyrique surtout grâce à ses « rencontres majeures » avec Barrault, Wieland Wagner, Chéreau… L’attrait du sujet embrasse les facettes plurielles et complémentaires de l’analyste, de l’observateur, du chef et du compositeur. Tout ici opère une remarquable et passionnante enquête sur la musique.

La « vertu de l’Individu, écrit Boulez, est la qualité de celui qui va de l’avant dans son utopie, qui réalise sa vision sur tous les plans et dans tous les domaines.
» Le texte se propose de relever les points cruciaux du passage à
l’acte dans la pensée et l’écriture de Pierre Boulez. La lecture de ce
bilan éditorial et audiovisuel vient à poings nommés enrichir
l’actualité de Pierre Boulez auquel le musée du Louvre rend un hommage
appuyé en novembre et décembre 2008 (Paris, Musée du Louvre, exposition « Pierre Boulez, Oeuvre:fragment », jusqu’au 9 février 2009)

Pierre Boulez: à voix nue. (Editions Symétrie). 168 pages.

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