Faust, 2007
Opéra en deux actes
d’après Nikolaus Lenau
Paris, Palais Garnier
Du 17 au 31 mars 2010
France Musique
Lundi 19 avril 2010 à partir de 19h30
Faust est un mythe universel qui a inspiré de nombreux compositeurs d’opéras. A contrario de ses prédécesseurs qui ont plutôt puisé dans les textes de Goethe, Philippe Fénelon préfère la version morcelée, diverse, diffuse (24 chapitres fragmentés) léguée par Nikolaus Lenau. En un tissu dense et complexe dont la prose (en allemand) originelle ne se prête que difficilement à l’opéra et à toute construction dramaturgique, Philippe Fénelon a pris plaisir à ré-agencer l’ordre, retrouver au travers des fragments de Lenau, sa composition et son action propres. Solitaire, impuissant, voire démuni, le sujet, Faust, comme tout homme sur cette terre, reste en quête de vérité, de sens, de finalité et d’identité. Qui suis-je? Où vais-je? Pour qui? Pourquoi? Faust est un esprit tourmenté (scène de la tempête dans sa chambre).
Réécrire Faust d’après Lenau
On connaît bien ces interrogations existentielles que ni la religion ni les valeurs de la société moderne (famille, amour, consommation) ne résolvent. Que faire de cette vie qui m’est donnée à vivre?
Même si suicidaire, Faust a signé le contrat qui vend son âme à Mephistophélès, sa carrière désormais n’est pas exempte d’austérité ni d’échecs successifs: tout désir satisfait fait redoubler l’amertume du voyageur désespéré. Les femmes sont des fantasmes vite usés; la course à l’abîme du héros condamné est souvent orientée vers l’aigu (de la jouissance érotique), qui retombe aussi vite qu’elle était monté. Suivant son guide (et son maître), Faust se perd lui-même. S’il a signé l’acte fatal, il était déjà à l’origine, perdu.
C’est pourquoi Fénelon ajoute un nouveau personnage, « double positif » de Faust: l’homme. C’est lui qui, prenant l’identité de Geörg, indique combien Faust s’est fourvoyé en se laissant piégé par un faux prophète. Révélé par la voix de ce témoin avisé, une autre voie est possible, celle d’une nouvelle espérance, qui peut se réaliser dans l’amour de la vie terrestre. Il suffit de porter son regard sur son proche environnement, y participer, plutôt que scruter les étoiles, ou rêver porté par le sentiment de la Sehnsucht, nostalgie pour un ailleurs inaccessible.
Si l’existence de Faust est sombre et sans issue, Fénelon envisage cependant une conclusion lumineuse, a contrario de la tradition romantique funèbre du mythe: la figure de l’homme-Geörg indique explicitement les limites du cycle faustéen: le prologue et surtout l’épilogue indiquent que toute fin a son recommencement. Ici, Geörg laisse apercevoir une résurrection possible…
Après Chevalier imaginaire, son premier opéra (qui traite de la figure de Don Quichotte sous le prisme de Kafka); puis Les Rois (d’après Cortazar), enfin Salammbô (d’après le texte de Flaubert), Philippe Fénelon atteint une étape décisive de son travail lyrique dans Faust. La voix y gagne une évidence expressive renforcée, elle y exprime contradictoirement ce « nimbe » particulier à la fois prenant et envoûtant. La fuite et l’effondrement de Faust de scène en scène se dévoilent avec cruauté/crudité. Jamais la maîtrise musicale de l’auteur n’a semblé plus élevée.
Distribution de Faust à Paris
Bernhard Kontarsky , Direction musicale
Pet Halmen , Mise en scène, décors, costumes et lumières originales
Gilles Ragon: L’Homme, Görg
Arnold Bezuyen: Faust
Robert Bork: Méphistophélès
Gregory Reinhart: Wagner, Le Moine
Bartlomiej Misiuda: Le Forgeron
Eric Huchet: Le Duc, Le Capitaine
Marie-Adeline Henry: La Femme du forgeron, La Princesse
Karolina Andersson: Annette
Johan Christensson: Kurt
Stanislas de Barbeyrac: Hans
Guillaume Antoine: Michel
Zoé Nicolaidou: Kathe
Ilona Krzywicka: Suschen
Aude Extrémo: Lieschen
Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris
Diffusion France Musique, le 19 avril 2010
