Pergolèse
La Servante maîtresse, 1752
Les inédits de la BNF
Mardi 7 avril 2009 à 18h30
Paris, BNF François Mauriac
Quai François Mauriac, 75013 Paris
Grand Auditorium, Hall Est
La Serva, version française
La Serva Padrona est la perle comique d’un prodige musical emporté trop tôt: Pergolesi (Pergolèse). La partition suscita une très vive polémique en France, la fameuse querelle des Bouffons (1752-1754), qui opposa les partisans du vieil opéra tragique français, machine officielle monarchiste (représenté alors par Rameau entre autres, digne successeur de Lully) aux fervents italophiles, dont Jean-Jacques Rousseau, touchés par la grâce des oeuvres italiennes, légères et mélodieuses, plus proches du goût du peuple.
Créée le 1er août 1752 par la troupe des Bouffons Italiens sur la scène de l’Académie Royale, La Serva Padrona avait été donnée pour la première fois à Naples en 1733. Oser accueillir dans le temple de la machine officielle, cette perle du théâtre populaire, propre à la Foire, était inédit. L’intérêt de la relecture qu’en donnent Les Paladins exprime cette affection nouvelle pour le délire, divertissant mais non pas artificiel car il est d’une cocasserie délectable en particulier, proche de la Commedia dell’arte, de la satire psychologique. Les interprètes en outre souligneront l’adaptation de l’époque, du texte italien en français par Baurans. C’est un français qui avant Marivaux use et abuse des doubles sens et des métaphores directes. Avant Figaro, Zerbine a cette audace des indigents qui envisage la refonte des valeurs sociales… Ce fut l’élément éclatant et irrévérencieux qui déclencha la querelle esthétique parisienne. Une révolution musicale qui s’exprima surtout par l’écrit: près de 60 libelles et traités écrits alors, fixant les idées des tenants pour la musique française opposés au défenseurs de la musique italienne. Sous l’agitation radicale, il s’agit bien d’une crise des genres, crise surtout de l’opéra français appelé à se renouveler. Les Encyclopédistes avec Diderot, Rousseau, Grimm sa passionnèrent pour l’italianisme. Dénonçant les excès poussiéreux et invraisemblables de la tragédie lyrique, les « modernes » préparent ainsi le terrain pour la réforme de Gluck, active 20 ans plus tard. C’est aussi un conflit d’idées sur la scène politique: l’opéra de Rameau est critiqué par ce qu’il incarne l’art royal le plus solennel. N’oublions pas que Rousseau refuse d’être présenté à Louis XV à la fin de la création de son Devin du village…
Le cycle de concerts « les inédits de la BNF » se poursuit ainsi le 7 avril 2009 avec l’opéra-comique de Pergolèse, mais dans sa version française inédite, intitulée La Servante Maîtresse. Les Paladins, dirigé par Jérôme Correas dévoilent l’expressivité méconnue du manuscrit originel conservé dans les collections du département de la Musique. Le public friand de cabales comme de scandales a trouvé dans La Serva Padrona, l’oeuvre qu’il attendait. Un manifeste esthétique dense, efficace, illustrant idéalement ce besoin de rupture avec le genre usé de la tragédie lyrique.
La Servante Maîtresse, 1754
La polémique illustre le bouleversement du genre de l’opéra au coeur du XVIIIe siècle : il s’agit pour certains, au-delà de l’opposition entre drame et comédie, d’inventer un nouveau genre qui mélange le « parler » au « chanter », en transformant les récitatifs en dialogues théâtralisés.
La Servante maîtresse, traduction française de l’opéra-comique de Pergolèse a vu le jour en 1754. La plupart des récitatifs de la version italienne sont remplacés par des dialogues parlés. Le buffa napolitain devient opéra comique. Quelques récitatifs accompagnés et un nouvel air virtuose pour le rôle de la soprano sont alors ajoutés à la version originale. Les différences musicales sont par ailleurs très révélatrices de l’assimilation de l’oeuvre à l’esprit français.
La nouvelle version qui n’a encore jamais été jouée, est donc une re-création. Symbole de cette réunion des goûts tant recherchée au XVIIIe siècle, elle fait la part belle aux passages entre voix parlée et voix chantée dans la langue française, propice à l’exaltation des sentiments exacerbés (dont les mimiques du valet muet) opposés, outragées, conquérants.
Argument
La scène de la Servante Maîtresse est celle de la confrontation et de la revanche. En opposant une servante à son patron, l’opéra bouffe de Pergolèse raconte le triomphe de l’intelligence féminine, prompte à abuser, tromper, manipuler pour vaincre. C’est en définitive la revanche de la servilité sur le pouvoir et l’autorité.
Avec Aurélia Legay, soprano (Zerbine) ; Vincent Billier, baryton (Pandolfe). Les Paladins. Jérôme Correas, clavecin et direction. La BNF offre la version non scénique de la production de La Servante Maîtresse par Les Paladins. A partir d’octobre 2009, le spectacle sera repris en tournée, dans la mise en scène de Vincent Vittoz.
Une présentation de l’oeuvre et de son contexte musicologique et historique par Catherine Massip, directrice du département de la Musique de la BNF, précèdera le concert.
Prochain concert du cycle Les Inédits de la BNF: mardi 9 juin 2009 à 18h30. Cantate inédite de David de Bizet, Par l’Orchestre-Atelier OstinatO, sous la direction de Jean-Luc Tingaud
Site François-Mitterrand, Quai François Mauriac, 75013 Paris. Grand Auditorium, Hall Est. Entrée libre
Illustrations: Les deux carosses de Claude Gillot (circa 1700)