dimanche 27 avril 2025

Pergolesi: Salustia, 1732. Antonio Florio Mezzo, Le 13 octobre 2008 à 17h

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Giovanni Battista Pergolesi
(1710-1736)
Salustia, 1732

Mezzo,
Le 19 septembre 2008 à 10h
Le 27 septembre 2008 à 17h
Le 13 octobre 2008 à 17h

Opéra enregistré à Montpellier, Opéra Comédie en juillet 2008. Naples, 1732. Pergolèse compose son premier opera seria, Salustia
d’après l’histoire romaine. Entre l’empereur Alexandre, sa mère Giulia
et son épouse Salustia, se livrent une guerre d’influence sans merci. A
Montpellier, en juillet 2008, Antonio Florio et sa Capella de’Turchini retrouve
la furià italienne dans un ouvrage méconnu et captivant. Passions
radicales, féminités affrontées, mise en scène alliant érotisme et feu
émotionnel: la production diffusée par Mezzo est un événement lyrique

Recréation mondiale
Mort plus jeune que Mozart ou Schubert qui ont, de leurs côtés, dépassé le trentaine, Pergolèse pour sa part bien que décédé à seulement 26 ans, laisse un catalogue musical qui saisit par sa maturité et sa profondeur.
Outre son Stabat Mater et La Serva Padrona (qui suscita en France la Querelle des Bouffons en 1752), diptyque qui montre assez la fulgurance d’un talent capable de traits géniaux dans les registres opposés, du tragique et du comique bouffon, (acrobatie à peine croyable), le compositeur Napolitain composa en 1732, son premier opéra seria, Salustia pour le Théâtre San Bartolomeo de Naples. Le musicien prend prétexte de l’intrigue léguée par Zeno, Alessandro Severo afin de peindre le portrait de deux tempéraments féminins affrontés, celui de la mère de l’Empereur romain, Giulia, insatiable instance de la vengeance, à laquelle s’oppose son épouse, Salustia, douce, loyale, pacifiste.

Acte I. La mère, jalouse de l’emprise exercée sur son fils par sa femme, tente d’infléchir Alessandro à répudier sa rivale. Mais Salustia s’ouvre à son père (le général Marziano) de la haine de la marâtre: aussitôt celui-ci décide de tuer l’infâme et possessive mère. Salustia se dresse contre l’homicide.
Acte II. Marziano écarte les réticences de sa fille et avec Claudio organise l’empoisonnement de Giulia. Le châtiment allait être exécuté quand Albina qui aime Claudio sans retour, informe Salustia du projet de son père: l’épouse intervient à temps pour empêcher Giulia de boire la coupe de poison. Celle-ci réclame le nom du coupable: mais Salustia ne peut dénoncer son propre père.
Acte III. Marziano récidive par l’épée son projet d’assassinat: mais à nouveau Salustia s’interpose. Le général démasqué est condamné à périr dans l’arène, livré aux fauves. Salustia supplie Giulia de laisser la vie sauve à son père: elle obtient que son sort dépende du combat avec un seul félin. Heureusement, Marziano vainc l’animal. Il est gracié par Giulia qui restitue à Salustia, sa dignité et son trône. En outre, elle déclare le mariage de Claudio avec Albina. Ainsi la tragédie romaine s’achève sur un heureux dénouement.

La première est quelque peu contrariée: le castrat Nicolino qui devait chanter Marziano, meurt quelques jours avant la création de l’opéra. Pergolèse doit donc modifier ses plans: c’est le ténor Francesco Tolve qui chante le général, et le rôle que ce dernier devait originellement incarner, Claudio, revient à un jeune castrat d’à peine 18 ans, Gizziello. En conséquence, Pergolèse modifie airs et récitatifs. L’oeuvre ainsi jouée après le décès du castrat Nicolino tombe dans l’oubli.

Guerre d’amour sur fond érotique
L’opéra de Montpellier a choisi de présenter la version originelle. Il s’agit donc de la première mondiale ou recréation de la version primitive que Pergolèse n’a pu hélas jamais entendre de son vivant.
Le metteur en scène Jean-Paul Scarpitta inscrit l’action dans un cadre dépouillé et élégant, où alternent en fond un paysage peint des collines de Rome avec le motif d’une vague terrifiante, miroir des passions déchaînées que déversent les deux femmes opposées, surtout Giulia, inflexible et jalouse (qui d’ailleurs incarne masquée, le fauve que doit vaincre Marziano au III). La vapeur embue bientôt la scène, où entre les flaques jonchant le sol et la pluie intermittente, les héros se livrent une guerre radicale. Pas de répit pour les faibles et il semble que la douce Salustia ne sorte pas indemme du drame: elle paraît comme absorbée par la vague géante peinte en fond: victime trop fragile des intrigues de la cour impériale de Rome… En fond, une théorie de jeunes gens au drapés mouillés révélant des anatomies sensuelles, aux proportions antiquisantes achève l’évocation de la Rome antique dont le III reproduit de vastes thermes.
A l’étuve omniprésente, surtout à l’acte II, d’une liquidité oppressante, image de huit-clos que déploie la scène musicale, Scarpitta ajoute le piment d’un érotisme sous jacent, permanent (quand Claudio après avoir écarté les avances d’Albina, quitte la scène en compagnie d’un éphèbe dénudé…).
A part les « seconds rôles », Albina et Claudio (Cyril Auvity, sans relief et bien peu engagé, souvent dépassé par la prononciation de l’italien), les premiers rôles disposent de chanteurs aguerris, tous féminins, d’une indiscutable présence musicale. La caractérisation des voix n’est jamais sommaire; au contraire, chacun fouille son personnage révélant dans l’écriture du jeune Pergolèse, cette science innée du drame dont nous avons parlé.
L’Alessandro de José Maria Lo Monaco (altiste) possède l’ambivalence lâche du jeune empereur, trop couvé par une mère dévorante. Mais il se dévoile progressivement plus fort et affirmé… Aucune équivoque pour le Marziano de Marina De Liso dont le grain vocal exprime idéalement la virilité vengeresse du général atteint… Palmes égales pour la Giulia féline de Raffaella Milanesi à laquelle s’oppose, en un conrtaste saisissant, très efficace dans leur confrontation, la subtile et tendre Salustia de Maria Ercolano.
Le travail d’Antonio Florio et de son ensemble n’est plus à défendre: outre les couleurs et les accents justes, le chef trouve, identité oblige, les idiomatismes savoureux propres au drame napolitain. Heureuse résurrection qui montre combien Pergolèse fut un génie encore mésestimé de la scène tragique.

Giovanni Battista Pergolesi (Pergolèse): Salustia: opéra seria en trois actes (1732). Livret de S. Morelli d’après Alessandro Severo de Apostolo Zeno. Conception et mise en scène, Jean-Paul Scarpitta. Assisté pour la mise en scène de Bérangère Gros. Lumières, Urs Schönebaum

Salustia : Maria Ercolano
Giulia : Raffaella Milanesi
Alessandro : José Maria Lo Monaco
Marziano : Marina De Liso
Claudio : Cyril Auvity
Albina : Valentina Varriale

Chef de chant et assistant à la direction musicale : Carlos Aragon
La Cappella della Pietà de’ Turchini. Antonio Florio, direction musicale

Illustrations: Valentina Varriale et Cyril Auvity (DR). Portrait de Pergolèse.

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