Dans la foulée de son nouveau disque chez Naïve, accompagné par Hélène Lucas, sa fidèle partenaire, il partage avec le public sa tendresse pour l’art délicat et parfumé de la mélodie française.
Le programme est choisi avec soin, mêlant Duparc à Saint-Saëns, Chabrier à Ravel, Debussy ouvrant et baissant le rideau de ce moment d’intimité musicale.
Car, si la vaste salle du Théâtre des Champs-Elysées se révèle d’une taille démesurée pour cet échange de bouche à oreilles, Stéphane Degout déploie tous ses talents de diseur et de coloriste pour charmer l’auditoire et s’en rapprocher.
Il sait varier les teintes de sa voix, créer des atmosphères et donner à entendre un texte, même si les paroles se perdent quelquefois dans l’immensité du lieu.
La place vocale un peu basse qui est la sienne lui donne certes une couleur sombre du plus bel effet, presque celle d’un baryton-basse, mais elle obscurcit parfois des mélodies qui demanderaient davantage de lumière. Et c’est au détour d’une voix mixte que pointe le doux éclat. Ainsi dans « Au cimetière » de Saint-Saëns et dans « L’Île heureuse » de Chabrier, la voix se fait plus caressante, plus fine, plus flottante, donnant au timbre du chanteur une douceur nouvelle. « Trois jours de vendanges » est admirable dans la différenciation des teintes, poignant et serrant le cœur.
Mélodiste subtil
Mais c’est dans les Histoires naturelles de Ravel qu’il se révèle, davantage comédien, se libérant enfin. « Le Grillon » est à ce titre éclatant. La voix se rapprochant de la parole, comme revenue à sa nature, le timbre s’illumine, s’enrichit d’harmoniques aigues, les voyelles deviennent limpides et le son porte sans effort. Une belle leçon de simplicité et d’évidence vocale.
Egrenant ses notes d’un son à la fois profond et perlé, Hélène Lucas se révèle un formidable appui, soutien sans faille, mêlant son jeu à la voix de Stéphane Degout, véritable duo, chacun répondant à l’autre et le suivant tour à tour.
En bis, les deux interprètes offrent, en plusieurs parties, le très amusant Bestiaire de Francis Poulenc, « Le Dromadaire » d’abord, puis « La Chèvre du Tibet » et « La Sauterelle », et enfin « Le Dauphin », « L’Ecrevisse » et « Le Carpe ».
Le public, enthousiaste, insistant et en réclamant encore, Stéphane Degout annonce, avec humour, « Hôtel » du même Poulenc, rendu avec la même élégance et le même raffinement que le reste du concert.
La confirmation d’un très grand artiste et d’un très grand musicien, dont on attend beaucoup de la prise du rôle d’Hamlet à l’Opéra du Rhin en juin prochain. Quoiqu’il arrive, nous y serons.
Paris. Théâtre des Champs-Elysées, 28 janvier 2011. Claude Debussy : Trois poèmes de Paul Verlaine, La Mer est plus belle que les cathédrales ; Le Son dur cor s’afflige dans les bois ; L’Echelonnement des haies. Henri Duparc : Le Galop ; Lamento ; Elégie ; La Vie antérieure. Camille Saint-Saëns : Mélodies persanes, Au cimetière ; Tournoiement, songe d’opium. Emmanuel Chabrier : L’Île heureuse ; Chanson pour Jeanne ; Les Cigales. Reynaldo Hahn : Trois jours de vendanges ; Cimetière de campagne. Maurice Ravel : Histoires naturelles, Le Paon ; Le Grillon ; Le Cygne ; Le Martin-Pêcheur ; La Pintade. Claude Debussy : Trois ballades de François Villon, Ballade de Villon à s’amye ; Ballade que Villon fait à la requeste de sa mère pour prier Nostre-Dame ; Ballade des femmes de Paris. Stéphane Degout, baryton. Hélène Lucas, piano