mardi 6 mai 2025

Paris. Théâtre des Champs Elysées, le 19 Juin 2011. Mozart : Idomeneo. Richard Croft (Idomeneo); Sophie Karthaüser (Ilia)… Le Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rohrer, direction

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Passionnant Idomeneo

Dans le cadre du festival Mozart qu’il organise chaque année le Théâtre des Champs Elysées proposait Idomeneo re di Creta de Wolfgang Amadeus Mozart(1756-1791). Composé en 1780 après une commande du prince électeur de Bavière pour le carnaval qui devait se dérouler en janvier suivant, Idomeneo est créé au Hoftheater de Munich le 29 Janvier 1781. Le livret, inspiré des tragédies de Danchet et Crébillon, est rédigé par Giambattista Varesco, chapelain de la cour de Salzbourg. Pour cette nouvelle production, le Théâtre des Champs Elysées a réuni un très beau plateau vocal dominé par l’Idomeneo fabuleux de Richard Croft et la splendide Ilia de Sophie Karthaüser.

Costumes hors sujet

Sans être géniale, mais statique, la mise en scène de Stéphane Braunschweig est au mieux honorable. Le décor monumental parfois mobile n’aide pas les solistes ni le choeur empêché de se mouvoir dans les moments les plus dramatiques, notament lorsque, à la fin du deuxième acte, le peuple terrorrisé fuit devant le monstre envoyé par Neptune en colère contre Idoménée qui tarde trop à exécuter sa part du voeu fait pour échapper à la mort; et la direction d’acteurs reste faible et peu enthousiasmante; pire, la mise en scène aléatoire donne quelques incohérences (notament l’apparition de Neptune dans la fosse d’orchestre). Les costumes de Thibault Vancranenbroeck sont en revanche totalement hors sujet : depuis quand les soldats grecs, récents vainqueurs de la guerre de Troie, ont ils des mitraillettes à la taille? Et surtout depuis quand une princesse, quelque que soit sa nationalité, monte-t-elle sur le trône en simple combinaison? Nous resterons toujours déconcertés par les effets de l’actualisation à outrance.

Plateau vocal superbe


Le Théâtre des Champs Elysées, qui a choisi de monter la version avec une mezzo en Idamante, a réuni une distribution de très belle tenue. A tout seigneur tout honneur, Richard Croft incarne un Idomeneo fabuleux de bout en bout; titulaire du rôle depuis des années et mozartien génial, il maîtrise parfaitement son sujet tant dans les vocalises que dans les nuances où il est toujours audible; acteur génial son Idoménée passe par les sentiments les plus contradictoires sans aucun effort et l’ovation qu’il reçoit en fin de spectacle est largement méritée. Si Croft est un Idoménée somptueux, Sophie Karthaüser incarne une Ilia splendide; elle ne tremble pas face aux obstacles de la partition; dès la scène d’entrée « Quando avran fine … Padre, germani », elle donne le ton de ce que sera la suite de la soirée; la soprano belge compose une Ilia émouvante qui a séduit son public sans user d’artifices inutiles. Plus en retrait, Kate Lindsey est certes un bel Idamante mais le jeu de scène est quelque peu mécanique: dommage car Lindsey n’a rien à envier à ses deux partenaires sur le plan vocal; autre handicap et non des moindres, l’orchestre met un tel enthousiasme à jouer qu’il couvre la mezzo de temps à autre ce qui, en plus du décor parfois coupe-son, n’aide pas vraiment la jeune femme à se donner à fond. Cependant c’est Alexandra Coku qui se révèle être le point faible du quatuor principal. Si vocalement nous n’avons pas de reproches à adresser à la soprano américaine, le jeu de scène est inexistant, l’expressivité absente, et du coup l’interprète donne la désagréable impression d’être là… comme par accident; la mise en scène et la direction d’acteur quasiment inexistantes ne l’aident vraiment pas. Paolo Fanale (Arbace) et Nigel Robson (Grand prêtre de Neptune) ont des voix correctes mais l’orchestre jouant parfois un peu fort, les couvre souvent. L’apparition de Neptune (Nahuel di Pierro) torse nu dans la fosse d’orchestre en lieu et place du chef, intrigue…; Pourquoi un tel choix alors que la mécanique du Théâtre des Champs Elysées permettait sans aucun doute de ne pas isoler Di Pierro?
Pour cette production, le choeur de chambre « Les éléments » a été remarquablement préparé par son directeur musical et fondateur Joël Suhubiette; la rigueur et la précision du travail en amont, tant sur le plan musical qu’au niveau de la diction, donnent à cette soirée un impact et une énergie exceptionnels.

Un orchestre enthousiaste, mais…

Dans la fosse, Jérémie Rohrer dirige Le cercle de l’Harmonie avec un entrain et un enthousiasme réjouissants et communicatifs (malgré les fausses notes du côté des cuivres); nous regrettons aussi que l’orchestre ait parfois tendance à jouer un peu fort couvrant ainsi les chanteurs. Néanmoins le niveau musical n’en demeure pas moins élevé. Globalement c’est une très belle production. En dépit d’une mise en scène indigne pour un tel ouvrage, saluons le plateau vocal réuni : le fait d’avoir confié le rôle titre à Richard Croft, qui est le meilleur Idomeneo actuel et Ilia à la splendide Sophie Karthaüser est pour beaucoup dans le succès de la soirée.

Paris. Théâtre des Champs Elysées, le 19 Juin 2011. Mozart (1756-1791); Idomeneo, re di Creta. Richard Croft (Idomeneo); Sophie Karthaüser (Ilia); Kate Lindsey (Idamante); Alexandra Coku (Elettra); Paolo Fanale (Arbace); Nigel Robson (Grand prêtre de Neptune); Nahuel di Pierro (voix de Neptune). Choeur de chambre Les éléments, Joël Suhubiette, chef de choeur. Le cercle de l’Harmonie, Jérémie Rohrer, Direction. Stéphane Braunschweig (mise en scène, scénographie); Thibault Vancraebroeck (costumes); Marion Hewlett (lumières). Compte rendu rédigé par notre envoyée spéciale Hélène Biard

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