Orchestre de Paris, molto appassionato
Tout d’abord, la Symphonie Concertante pour violon et alto en mi bémol majeur K 364 de Mozart. Composée probablement en 1779 à l’âge de 23 ans, son titre rappelle les symphonies concertantes très prisées à l’époque à Paris. Il s’agissait d’une forme expérimentale brillante et populaire dont la galanterie et la légèreté étaient les traits principaux, mettant à profit des solistes virtuoses et un orchestre soumis accompagnateur. Mozart s’éloigne de la superficialité de la forme et crée une œuvre-phare de pleine maturité, dont l’importance ne s’est jamais démentie. D’abord par le dialogue des solistes et le rôle véritablement symphonique de l’orchestre, mais surtout grâce à la place privilégie de l’alto, instrument que Mozart appréciait particulièrement et jusqu’alors peu présent en solo.
Voici un duo dynamique dès l’Allegro Maestoso qui ouvre l’œuvre. Roland Daugareil au violon est virtuose sans sacrifier sa musicalité. Ana Bela Chaves à l’alto a un ton chaleureux et sa prestation est aussi exaltante par sa musicalité. L’Orchestre est précis, aux violons brillants, aux violoncelles atmosphériques, mais quelque peu réservé. Dans cet esprit, il aborde l’Andante qui suit de façon presque spirituelle, le sostenuto des cors d’une indescriptible beauté. Le duo de solistes a une sonorité et une certaine pesanteur post-romantique, particulièrement touchante qui réussit particulièrement dans la cadence d’une profondeur élégiaque. Nous sommes loin de toute superficialité ; dans leur dialogue, ils parlent des sentiments vrais ; ils exhalent avec cœur les vérités de l’âme. Le Presto qui clôt l’œuvre est en forme de contredanse, l’Orchestre d’une grande vivacité instaure une ambiance d’une éclatante gaité où les hautbois éblouissent l’audience. Les solistes révèlent toute leur humanité dans ce finale un peu déséquilibré, parfois brillants parfois rustiques, toujours humains et sincères, au diapason de la merveilleuse musique de Mozart.
C’est ensuite la Symphonie « Manfred » en Si mineur op. 58 (1885) de Tchaikovsky. Il s’agît d’une symphonie à programme, donc sans véritables restrictions formelles outre le contenu du programme. Celui-ci est tiré du poème faustien éponyme du Lord Byron, crée en 1817. L’opus de Tchaikovsky est en 4 mouvements. C’est une réelle occasion pour l’orchestre de montrer la puissance et la maîtrise exquise de son jeu avec des effectifs énormes. Le premier mouvement est sinistre, aux cuivres envoûtants, aux cordes pleines de brio et de pathos. Le mouvement qui suit est une sorte de scherzo féerique aux vents primesautiers, dont les cordes et les bois font la description d’un certain bonheur printanier. Cet esprit bucolique s’élargit davantage au troisième mouvement avec un thème lyrique un peu acidulé, surtout rempli de cœur. Le dernier mouvement est très puissant, très ardent, ici Tchaikovsky fait une brillante description musicale d’une orgie infernale.
Sous la baguette endiablé de Jaap van Zweden, l’Orchestre cultive un entrain implacable, ses cordes agitées ont un thème ostinato qui va de l’aigu au grave toujours avec un brio époustouflant. Le mouvement rappelle souvent Le Lac des Cygnes (rôle des cuivres et violons entre autres), et se termine dans une apothéose confondante qui inspire des cris et des soupirs de l’audience tellement stimulée, et surtout des applaudissements.
Saluons la prise de risque l’Orchestre de Paris qui joue des pièces rares et difficiles de quoi assurer dans d’excellentes conditions, les débuts de Jaap van Zweden à Paris. Le chef hollandais laisse une forte empreinte par ce concert : sa direction est claire et nette, surtout passionnée.