samedi 3 mai 2025

Paris. Salle Pleyel, le 11 décembre 2010. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 2. Anastasia Kalagina, Olga Borodina. Orch. du Théâtre du Mariinsky. Valery Gergiev, direction

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Une « résurrection » sauvée par les voix

Valery Gergiev a enregistré une quasi intégrale des symphonies de Mahler (il manque seulement la 5ème) avec le LSO, (London Symphony Orchestra) qui sans être homogène comporte de beaux moments très diversement appréciés par la critique. La venue à Paris du chef si charismatique avec son orchestre du Mariinsky pour trois soirées Mahler à Pleyel a commencé samedi par la deuxième symphonie avant d’aborder les jours suivants les symphonies 1, 5, 4 et 6.
Sachant la coopération qui se fortifie depuis 1988 entre le chef et son orchestre, il était possible d’attendre un feu particulier dans l’interprétation d’une symphonie si riche. Mahler a mis sept années à composer sa deuxième symphonie et l’a beaucoup aimée. Elle porte en elle la conversion du chef-compositeur embrassant la foi catholique. C’est celle qu’il dirigea le plus volontiers jusque pour ses adieux à Vienne après dix années de direction. Tout Mahler est présent dans cette longue œuvre en forme de conversion, qui culmine avec voix et chœur dans un final hymnique puissant. La direction de Valery Gergiev est ce soir à la recherche d’effets orchestraux permettant de mettre en valeur la phalange ossète plus que de construire une narration. Cette succession de mises en valeurs momentanées a l’inconvénient de souligner les reprises et les moments de remplissages de la symphonie, tout particulièrement dans le premier mouvement qui n’avance pas assez. Puis l’andante ne présente pas l’unité attendue dans ce retour mélancolique vers un passé tant aimé. Le Landler manque de caractère et les contrastes sont trop abrupts dans ce mouvement. Le Scherzo est lui aussi découpé en magnifiques morceaux d‘orchestre sans le « coulant » demandé par Mahler, l’humour et le grotesque naissants qui deviendront si caractéristiques. Ce sont les mouvements 3 et 4 qui apportent enfin la dimension malhérienne tant attendue. La voix somptueuse et la diction ferme de la grande Olga Borodina valent sans conteste le déplacement et rachètent un début décevant. Le velours et la puissance de projection de la voix viennent sans difficulté à bout de la vaste salle Pleyel. Le texte avec ce mélange de profondeur de vue et de candeur est très agréablement lisible et une pointe d’humour terriblement en situation est à mettre au crédit de la cantatrice, parangon de l’art du chant de l’école russe. Mais est-ce le placement des instrumentistes, la difficulté à s’entendre, une distraction du chef, le manque de répétition ? Les nuances des instruments et même leurs phrasés n’épousent pas le galbe de la voix. En effet, l’orchestre semble manquer d’écoute et de fusion et jouant comme Gergiev le demande, très en dehors, leurs moments solistes ratent le côté chambriste que certains moments de la vaste symphonie suggèrent. Tous les pupitres sont virtuoses, mais l’ensemble de l’orchestre ne développe pas de personnalité, préférant un son très internationale sans charme particulier. L’orchestre du Mariinsky est de haute école. Dès le XIXème siècle, il a gagné le rang des meilleurs orchestres d’Europe. Il se maintient à ce niveau mais dans une standardisation peu remarquable. Le chœur de Radio France, admirablement préparé par Mathias Brauer, fait une entrée pianissimo de toute beauté dans le final. C’est en effet ce dernier mouvement qui atteint le niveau d’apothéose indispensable à une « résurrection ». La soprano Anastasia Kalagina avec une projection dans le masque si caractéristique de l’école slave arrive parfaitement à passer l’orchestre dans les moments forte tout en gardant délicatesse de phrasé et souplesse de ligne. Ce sont donc les voix qui apportent toute la profondeur et l’ampleur au final de cette symphonie. La beauté des voix solistes et du chœur est égale dans toutes les nuances. En somme ce sont les deux derniers mouvements qui convainquent le public qui fera une ovation assez marquée, probablement d’avantage en raison de la beauté de la partition (surtout les deux derniers mouvements) que de celle de l’interprétation dans son ensemble. Un orchestre arrivé en retard en raison des intempéries, un chef légèrement fatigué (et certainement très surmené) débutent à Pleyel, trop en demi-teinte, une série de concert redoutablement exigeants.

Paris. Salle Pleyel, le 11 décembre 2010. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 2 « Résurrection ». Anastasia Kalagina, soprano ; Olga Borodina, mezzo ; Chœur de Radio France, chef de chœur Matthias Brauer ; Orchestre du Théâtre du Mariinsky ; Direction : Valery Gergiev.

Illustration: Olga Borodina (DR)
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