samedi 20 avril 2024

Paris. Opéra Comique, le 25 mars 2013. Lalo : Le Roi d’Ys. Sébastien Guèze, Julianna Di Giacomo, Sophie Koch… Patrick Davin, direction musicale.

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Une fois encore, l’association ColineOpéra propose un ouvrage en version de concert, évènement caritatif en faveur des enfants maltraités de part le monde, en un rendez-vous devenu habituel et attendu par le public parisien.
En ce mois de mars, c’est le rare Roi d’Ys d’Edouard Lalo qui a été choisi. Une œuvre d’une durée raisonnable, mais d’une concision et d’une efficacité dramatique remarquables, qui méritait bien les honneurs de la scène dans la capitale. L’intrigue se déroule dans la Bretagne moyenâgeuse, mettant en opposition le couple amoureux formé par Mylio et Rozenn, et le duo maléfique incarné par Margared, sœur de Rozenn, amoureuse déçue de Mylio, et Karnac, fiancé repoussé par Margared et vaincu au combat par Mylio. Ivres de haine et de vengeance, les deux éconduits s’allient : ils décident de noyer la ville d’Ys sous les eaux furieuses de l’océan.
Peu de véritables airs, mais de grands tableaux, et un effectif orchestral fourni, ainsi qu’une masse chorale ambitieuse. L’Opéra de Montpellier, coproducteur de l’aventure, a réuni ses forces entre les mains d’un chef qui connaît bien l’œuvre, Patrick Davin, et qui semble avoir effectué avec les musiciens un travail rapide mais néanmoins efficace, les instrumentistes jouant toutes voiles dehors, pour des effets saisissants, notamment la montée des eaux dans la seconde partie. Le chœur, relégué en fond de scène, offre néanmoins une prestation de qualité : puissant et homogène, c’est l’un des protagonistes de l’œuvre.


Un Roi d’Ys sorti des eaux

La distribution réunie ici, en grande majorité française, permet une première approche de l’ouvrage, mais elle manque parfois de noblesse dans la tenue.
Aux côtés du Jahel percutant de Frédéric Goncalves, la basse puissante de Nika Guliashvili fait forte impression dans sa courte mais néanmoins capitale intervention en Saint-Corentin, malgré une diction française souvent pâteuse, due à une émission très couverte et un peu engorgée, typique d’une certaine école slave, manquant de lumière comme de hauteur, d’autant plus audible dans le style si particulier de l’opéra français.
Nicolas Cavallier remplit avec les honneurs son rôle de Roi d’Ys, faisant admirer son timbre de bronze et son éloquence, nonobstant un aigu devenu difficile et perdant le mordant qui caractérise son médium.
Karnac rageur, Franck Ferrari sonne parfaitement à sa place, ses défauts servant le personnage. On peut regretter un haut-médium mat et sans impact, qui sonne peu alors que l’intention qui l’amène laisse présager d’un éclat vengeur.

Révélation avec la Rozenn de la californienne Julianna Di Giacomo, effectuant avec ce rôle ses débuts français. Belle représentante de l’école américaine, elle respire la sérénité par son chant souple et détendu, puissant et pourtant toujours flottant, déployé plutôt que poussé, laissant simplement monter le son tandis que le soutien offre le socle indispensable à cet épanouissement vocal. Elle possède en outre une diction française digne d’éloges, aux voyelles claires et parfaitement définies, un modèle du genre.
Appelé à la rescousse pour tenir la partie de Mylio après la défection d’Ismael Jordi, Sébastien Guèze a du se battre contre un refroidissement pour assurer malgré tout le concert. Il s’en tire avec les honneurs, assurant crânement ses aigus, peut-être ses meilleures notes de la soirée. Le reste de la tessiture semble souffrir d’une articulation maxillaire trop marquée, comme tirant vers le bas une voix qui ne demande qu’à monter, et rendant ainsi les nuances et le phrasé difficiles à réaliser. C’est d’ailleurs à partir de l’extrême l’aigu que, l’ouverture vers le bas devenant sans doute impossible à augmenter, le ténor ouvre vers le haut et remonte son émission, un geste vocal qu’il aurait tout intérêt à généraliser à l’ensemble de sa voix.
Retrouvant un rôle qu’elle connaît bien, Sophie Koch incarne une Margared flamboyante, faisant irrésistiblement penser à l’Ortrud wagnérienne. La chanteuse a semble-t-il éclairci son geste vocal en français – qu’elle avait souvent plus haut en allemand –, la voix semblant ainsi avoir rajeuni et gagné en lumière, se rapprochant de plus en plus d’un soprano dramatique plutôt que d’un authentique mezzo. La diction également s’en trouve clarifiée, plus déclamatoire que jamais, et d’un superbe effet. Mais si le grave a perdu de sa puissance, la voix s’est concentrée, rendant les imprécations de la sœur jalouse plus percutantes encore, d’une grande force théâtrale.
Une belle ovation a salué cette redécouverte, pour un public visiblement ravi.

Paris. Opéra Comique, 25 mars 2013. Edouard Lalo : Le Roi d’Ys. Livret d’Edouard Blau. Avec Mylio : Sébastien Guèze ; Rozenn : Julianna Di Giacomo ; Margared : Sophie Koch ; Karnac : Franck Ferrari ; Le roi d’Ys : Nicolas Cavallier ; Jahel : Frédéric Goncalves ; Saint Corentin : Nika Guliashvili. Chœurs de l’Opéra National Montpellier Languedoc-Roussillon. Orchestre National Montpellier Languedoc-Roussillon. Direction musicale : Patrick Davin

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