dimanche 4 mai 2025

Paris. Eglise de la Trinité, mardi 16 décembre 2008. Antonin Dvorak: Stabat Mater. Solistes, Orchestre et choeur de l’Académie de Musique. Jean-Philippe Sarcos, direction.

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Nuances
et sentiment

Plus qu’une exécution honnête, les interprètes nous offrent une excellente lecture du chef d’oeuvre sacré de Dvorak, entre douleur et tendresse. Visiblement habité par la profondeur du sujet, son dolorisme intérieur, Jean-Philippe Sarcos porte musiciens et chanteurs (choeur et solistes) avec une détermination agissante, veillant à l’articulation accentuée du texte à l’adresse du choeur, imposant, soulignant aussi la beauté instrumentale de la partition. Les bois se montrent caressants et réconfortants, et l’effectif des cuivres, cors et trompettes n’ont jamais si bien fusionné dans l’opulence et la douceur mesurée, avec les cordes.

Depuis ses débuts, l’Académie de musique offre un cadre stimulant pour les jeunes musiciens, qu’ils soient choristes ou instrumentistes. L’expérience du concert y apporte d’évidents bénéfices. Contre toute idée reçue, les intervenants ne sont pas des amateurs: ils se donnent entièrement à la musique, avec dévotion et scrupule, et se hissent même au niveau des meilleurs phalanges professionnelles de la Capitale.

Dans la vaste nef de la Trinité, la prière virginale s’élève à mesure que l’orchestre et les solistes s’approprient le volume imposant sous la voûte. Déjà donné en l’Eglise de La Madeleine, le 12 décembre dernier, le Stabat Mater de Dvorak doit son éloquente et bouleversante intensité à la sincérité du geste: Dvorak et son épouse pleurent leurs trois enfants morts successivement dont Ruzena et Otakar. La soprano Catherine Manandaza, au timbre puissant et soyeux, charnel et investi (qui chante Abigaël dans Nabucco de Verdi) lance un appel tendre et humain auquel répond l’héroïsme vaillant du ténor (Jean-Noël Briend qui réussit avec style le si difficile air pour ténor solo et choeur « Fac me vere tecum flere« ). Le génie de Dvorak réside dans cette mesure de l’inspiration qui ne verse jamais dans la théâtralité larmoyante. Rien de Saint-Sulpicien ici: seulement la vérité recueillie d’une douleur intime, exprimée en partage.
Jean-Philippe Sarcos a compris cette coloration spécifique de l’oeuvre: chant d’humilité et non fresque démonstrative. Mais au murmure incarné, le geste sait aussi convaincre dans les vagues puissantes du choeur, en particulier dans Eja Mater fonc amoris, où en plus de la compassion exprimée aux côtés de la Mère inconsolable, le choeur exprime avec violence ce cheminement dans la douleur partagée et le recueillement (forte affûté sur le « fac », de « Fac ut tecum lugeam« ).

Au moment des saluts, après un ultime mouvement où s’impose comme un déferlement ivre d’espérance, tout l’effectif: (révélateur de l’optimisme final de Dvorak ?) solistes, choeur et orchestre, l’un des contrebassistes sort du rang et se montre à l’assistance. Léo Warynski a participé étroitement à la réussite du concert: au chef de choeur adjoint, Jean-Philippe Sarcos doit l’excellente préparation des choristes. Le geste est précis, l’interprétation fouillée et aboutie. En plus de l’expression, le concert nous apporte une lecture construite et structurée qui sous l’impulsion permanente du chef, a soigné l’étagement et la clarté dialogué des pupitres. Superbe approche qui tout en exigeant des plus jeunes, se montre très convaincante.
A l’aune du livret-programme comportant plusieurs reproductions de tableaux sur le thème de la Vierge, avouons que l’interprétation à La Trinité était plus proche d’une toile du Titien que des néoclassiques postromantiques: en préférant nuances et sentiment, à l’extraversion théâtrale et à la grandiloquence, les effectifs dirigés par Jean-Philippe Sarcos ont servi de bien belle manière le Stabat Mater de Dvorak. Ils ont préféré avec raison, le sentiment plutôt que la théâtralité. Le recueillement plutôt que l’exacerbation expressive.

Paris. Eglise de la Trinité, mardi 16 décembre 2008. Antonin Dvorak (1841-1904): Stabat Mater, 1877. Avec Catherine Manandaza, soprano. Marina Zviadadzé, mezzo. Jean-Noël Briend, ténor. Bertrand Grunenwald, basse. Orchestre et choeur de l’Académie de Musique. Jean-Philippe Sarcos, direction.

Ilustrations: Le choeur de l’Académie de Musique, les effectifs devant l’autel. Clichés pris au moment du premier concert en l’Eglise de La Madeleine, le 12 décembre 2008 © Académie de musique 2008. Titien: Vierge au lapin (DR)

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