Paris, Mona Bismarck AC. Vendredi 29 janvier 2016. Bernstein : Candide. Le Centre Américain Mona Bismark accueille après Kiss me Kate de Porter en octobre dernier, l’opéra de Bernstein d’après Voltaire : Candide. Le chef David Stern présente, commente chaque scène de l’opéra ; il guide les spectateurs pour mieux saisir l’enjeu dramatique des situations et aussi le formidable travail d’interprétation réalisé alors (pendant la semaine qui précède la représentation du vendredi) par la jeune (et fine) équipe des jeunes chanteurs qui composent aujourd’hui, l’Atelier Lyrique d’Opera Fuoco. Comme il existe Le jardin des Voix de William Christie, David Stern a fondé sa propre troupe de jeunes talents dont les tempéraments en plein apprentissage se retrouvent autour de différentes productions. Avec l’excellent continuiste Jay Bernfeld, partenaire privilégié du maestro (et conseiller pédagogique pour chaque session), et pour cet « atelier Bernstein », David Charles Abell, les jeunes chanteurs acteurs apprennent toutes les nuances de leurs rôles respectifs.
Depuis plusieurs années, le Mona Bismark American Center accompagne le travail exemplaire d’Opera Fuoco sur l’opéra, en particulier autour des œuvres du répertoire lyrique américain (d’où le principe d’une saison américaine à Paris…). Après Kiss me kate (VIDEO. Voir notre clip vidéo de Kiss me Kate par les jeunes chanteurs de l’Atelier Lyrique d’Opera Fuoco), toute l’équipe s’intéresse au drame voltairien mis en musique par Leonard Bernstein. C’est outre le travail sur l’articulation fluide et naturelle de l’américain (un vrai défi pour de jeunes chanteurs français), une approche sensible, millimétrée sur l’incarnation dramatique de chaque personnage, sur l’enjeu de chaque situation dramatique…
L’écrivain Lilian Hellman adapte entre comédie, opérette et opéra, le texte philosophique / satirique de Voltaire (1758). Cynique, réaliste, fataliste, le drame voltairien est mordant par sa charge satirique sur la société des hommes mais il conserve aussi jusqu’à son dénouement, une indéfectible espérance. L’écriture de Bernstein cultive comme personne avant lui, l’élégance et la subtilité comique (parfois délirante comme l’atteste l’époustouflant air pour soprano coloratoure : « Glitter and Be Gay » ), tout en soulignant aussi les accents d’un noir réalisme. Créé en 1956, – révisé en 1988, la justesse expressive et la richesse mélodique comme la précision de l’orchestration de Candide, annoncent directement le sommet lyrique de Bernstein : West side story, créé l’année suivante en 1957. C’est peu de dire aujourd’hui que grâce à l’intelligence poétique d’un Bernstein, le Musical de Broadway atteint le souffle et la noblesse de l’opéra.
Au cours du XXè, la partition de Bernstein dont on apprend peu à peu à mesurer le génie lyrique, s’est imposée à Broadway en 1956, au West End Theatre de Londres, au Metropolitan de New York, à la Scala de Milan, à l’English national Opera de Londres et récemment au Théâtre du Châtelet à Paris en 2006. Candide est devenu un culte du genre avec des airs tels que connus de tous.
Bernstein : Candide
Paris, Mona Bismark American Center
Le 27 janvier 2016, 15h : répétition publique
Le 29 janvier 2016, 20h : représentation
Opera Fuoco
David Stern, direction
Réservations conseillées par téléphone au 01 53 11 08 99 ou sur l’email : [email protected]
La Compagnie Lyrique fondée par David Stern poursuit son exploration des oeuvres du répertoire lyrique avec l’engagement que l’on sait, alliant, complicité, finesse, expressivité. Suivis, coachés, encouragés par l’équipe de l’Atelier Lyrique d’Opera Fuoco, les jeunes chanteurs gagnent pas à pas, en sûreté, maturité, finesse de jeu et de technique… Des progrès que les spectateurs légitimement séduits par l’initiative d’Opera Fuoco, suivent de production en programme, de concert-rencontre en nouvelles productions d’opéras…
LIRE AUSSI notre dossier spécial / présentation de Candide de Bernstein d’après Voltaire (1956)… Edité en 1759, Candide de Voltaire (qui fut mis à l’Index par le Vatican), suscita un immense succès. Son humanisme cynique qui se montre anticlérical, pessimiste, anti-romantique, a pour sujet (en façade), la critique du monde harmonique et positiviste de Leibniz, incarné par la figure de Panglos dont Candide est le disciple forcené. “Non, tout ne va si bien dans le meilleur des mondes”, semble proclamer en retour Voltaire, avec ce réalisme libertaire qui tout en soulignant les ténèbres de notre civilisation, capte et encense toujours les bonnes volontés pour la rendre meilleure. Candide est bien en ce sens un pamphlet, mais Voltaire en fait aussi un roman philosophique qui outrepasse son utilité et son occurrence polémique. L’auteur n’épargne en rien ses personnages: tout s’ingénie à contrarier leur plan, à corrompre leur fragile et pourtant infatigable espérance, leur vaine volonté. Tout conspire à tuer leur aspiration, à vaincre toute idée de bonheur. Réalisme, crudité même cruauté. Partout la barbarie règne et se déploie… Cependant, l’écrivain philosophe souligne a contrario non sans admiration, la résistance et le courage que ses héros déploient coûte que coûte pour se maintenir et défendre une certaine idée d’humanité. L’invention foisonnante de l’écriture valorise encore le texte et ses portées critiques. Conte philosophique, Candide est également un superbe drame littéraire qui revisite les formes connues du roman: épopée picaresque et verve rabelaisienne, orientalisme, évasion et marivaudage, leçon de vie et de sagesse… du pain béni pour compositeurs et dramaturges.