samedi 5 juillet 2025

Paris. Bouffes du Nord, le 24 septembre 2012. Niccolo Piccinni: Atys, 1780. Mathias Vidal, … Les Solistes du Cercle de l’Harmonie. Julien Chauvin, violon et direction

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Atys, 1780

En 1780, le Niccolo Napolitain Piccinni livre sa version musicale d’Atys d’après le livret déjà centenaire légué par l’inusable et légendaire Quinault. Pour plaire à la Reine Marie-Antoinette, l’Italien comme son compétiteur Gluck, le Germanique, entend relever le défi: renouveler la scène tragique en dépoussiérant le modèle hérité du règne de Louis XIV, et ciselé par Lully et donc Quinault. Pour se faire, Piccinni livre une musique moderne; il travaille surtout avec Marmontel: l’Atys originel de 1676 passe de 5 à 3 actes, nombre de scènes accessoires, de personnages secondaires disparaissent; tout converge vers un nouveau drame plus concentré, plus radical et contrasté où la poigne du destin serre les héros jusqu’à les étrangler, les poussant à franchir l’inéluctable, jusque dans leurs ultimes retranchements: au final 4 protagonistes éprouvés, 4 solitudes exacerbées dont l’issue les condamne à la mort (Sangaride, Atys… ), ou au terrible aveu d’impuissance (Cybèle).


Le grand orage d’Atys

La fin est d’un sublime tragique quand Atys détruit par ce qu’il vient de commettre, énonce ses derniers vers:  » je vais où vous ne serez pas « , s’enfonçant dans la mort pour rejoindre Sangaride, et de la même façon, signifiant à la déesse Cybèle, sa vaine et stérile fureur.

Tout le drame se précipite dans cette fin d’un vide noir, lugubre, glaçant. Les spectateurs de 1780 furent-ils saisis comme nous d’effroi? Piccinni pour la reprise de 1783 atténue l’impact pourtant cathartique de cette apothéose tragique en la gommant purement et simplement.

Saluons le plateau vocal de nous offrir dans sa fulgurance ce saisissant tableau tragique; la version chambriste à 8 instrumentistes souligne la violence des passions déchainées, l’arête vive et sensible des confrontations, le volcan à peine maîtrisé des brûlantes peines, le feu inextinguible du désir…
La sélection des airs car cet Atys nous est proposé avec coupures, renforce encore l’intensité du drame raccourci tel un parcours orageux de 1h15mn.
La force du texte, même réécrit par Marmontel gagne une nouvelle vie. Et dialoguant avec un chœur instrumental idéalement équilibré, les chanteurs peuvent ciseler, nuancer un texte déjà romantique, en jouant moins sur la puissance que sur l’articulation d’infimes piani: tous les solistes sont affûtés et engagés, mais de ce point de vue, le ténor Mathias Vidal réussit une performance exemplaire: précision, attaques, articulation, couleurs et intonations indiquent un diseur de plus magistral. Son Atys est sublime, humain, sincère. Tout se comprend; le chant est clair et naturel: la fluidité de son verbe incarné restitue le torrent tragique avec une limpidité saisissante. Tendresse ineffable de l’aveu prononcé; duo embrasé jusqu’aux accents si difficiles de sa folie meurtrière … Du grand art et un orfèvre du verbe qui est un modèle pour tous.

De leur côté, les Solistes du Cercle de l’Harmonie traversent la partition de multiples éclairs: la vivacité et parfois un sang frénétique se trouvent habilement éclairés: la présence en plus du quatuor de cordes (membres du Cambini) des trois vents (flûte, hautbois, basson) préserve le raffinement d’une écriture subtile et colorée.
Que Piccinni échoue parfois dans le traitement prosodique du français, la vivacité des scènes, l’acuité ardente d’un sentiment préromantique (récits et airs d’Atys en particulier), l’éloquence partagée des interprètes offrent un théâtre captivant où le profil vocal de chaque héros sort revivifié.
A quelques années de la Révolution, la tragédie lyrique française accumule tempêtes et passions: cet Atys piccinnien, dans sa version de salon, nous en offre un nouveau jalon remarquable.

Spectacle proposé comme un écho parisien au festival vénitien : Antiquité, mythologie et romantisme, jusqu’au 4 novembre 2012. Pour mieux comprendre et suivre l’évolution de la scène tragique française, entre néoclassicisme et préromantisme, voir aussi nos reportages vidéos également à l’initiative du Palazzetto Bru Zane : grandeur et décadence (opéras de Gluck, Cherubini, Spontini), La Toison d’or de Vogel (1786). Lire aussi notre compte rendu d’Amadis de Jean Chretien Bach, et de l’Andromaque de Grétry, autre jalons de 1779 et 1780, révélés dans le même contexte.

Paris. Bouffes du nord, le 24 septembre 2012. Niccolo Piccinni: Atys, 1780. Mathias Vidal (Atys), Chantal Santon (Sangaride), Marie Kalinine (Cybèle), Aimery Lefèvre (Coelenius). Soliste du Cercle de l’Harmonie. Julien Chauvin, direction.

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