vendredi 19 avril 2024

Orchestre national de Lyon. S.Young:Bruckner, Bartok. Lyon, Auditorium, les 10 et 12 novembre 2011

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Orchestre national de Lyon


Bruckner, Bartok

Simone Young, direction

Les 10 et 12 novembre 2011
Lyon, Auditorium

Lyon, Auditorium, jeudi 10 et samedi 12 novembre 2011. Bruckner, Bartok, ONL.dir.Simone.Young.

Concert d’automne, en accord avec la probable grisaille des jours avares de lumière : ce sont deux partitions placées sous le signe des « adieux » que l’ONL interprète sous la direction de Simone Young. La 9e Symphonie de Bruckner, oeuvre testamentaire de 1896, et le 2e concerto pour violon de Bartok, écrit juste avant les adieux à la terre hongroise/ David Grimal en est le soliste.


3 ou 4 B ?

Naguère on disait « les 3 B : Bach, Beethoven, et Brahms », quand les préventions de ce côté du Rhin admirent au Panthéon le fils spirituel de Schumann. Pourrait-il y a voir un 4e B, tout aussi allemand-autrichien), Bruckner ? Certes, même si son art a mis ici du temps pour se faire admettre. Son successeur dans l’art d’écrire des symphonies, Mahler (qui dans son pays le fit reconnaître avec ferveur) a acquis presque soudainement en France une célébrité avec connivence de sympathie, ce que le pieux organiste de Saint-Florian n’aura sans doute pas obtenu à ce point… Bruckner qui en se rangeant du côté d’une « musique de l’avenir » (chez Wagner) n’aura pourtant pas connu, à l’inverse de Brahms, chef malgré lui des « conservateurs », la célébrité même un peu effarouchée que le grand public aime accorder aux « modernistes ». L’histoire musicale est parfois déroutante…

Une Inachevée

C’est par ailleurs une idée intéressante de l’O.N.L. que de réunir compositeurs et œuvres dans une intention sous-titrée. Va donc pour « Symphonies des adieux », que domine par son ampleur et sa profondeur la 9e de Bruckner. C’est en effet le chant du cygne de ce compositeur tardivement reconnu qui aura voué sa vie et son travail – comme le 1er B, J.S.Bach – à « la gloire de Dieu ». Une 9e et ultime (décidément l’aventure beethovénienne en aura marqué beaucoup !), qui d’ailleurs attendit en vain son dernier mouvement. Allegro, Scherzo et Adagio, écrits dès 1894, auraient dû être conclus par un finale en apothéose fuguée. Est-ce la certitude, pendant deux ans, que la mort –annoncée par la maladie et un grand affaiblissement – arrivait ? Le compositeur renonça au finale fugué, mais eut ensuite l’idée de « coller » son ancien Te Deum à l’Adagio pour clôturer dignement. Quelques esquisses, encore, et enfin le seul Adagio fut laissé avec sa mention « Adieu à la vie », la 9e demeurant une « Inachevée »….

Du spirituel dans l’art musical

Au fait, voilà Anton qui vous rappelle un certain Franz : Schubert avait arrêté sa 8e à la fin d’un mouvement lent, mais il eut le répit pour continuer par une 9e (et dernière) glorieuse. On peut en tout cas songer, à 70 ans de distance, à une identique conception du Temps, si ample, et de la structure sans développement de type beethovénien, avec un piétinement ou des retours en arrière, une désorganisation-errance apparente, qui bouleversent en profondeur le flux de l’écriture. La 9e de Bruckner est en tout cas davantage un immense « poème symphonique », au sens de la réflexion philosophique tel que l’entendait Liszt (tiens, lui aussi avait conclu sa Sonate en apothéose, puis était revenu à l’idée d’une clôture lente et mystérieuse…). C’est un lieu de méditation métaphysique, sans récit programmé, sous le double signe, en son 1er mouvement, du feu (feuerlich) et de l’énigme (misterioso)., empli d’échos du monde de la Nature mais surtout de l’indicible et du spirituel, l’approche mystique d’une sur-réalité musicale et religieuse que Bruckner entrevoit et cherche à rendre » visible ». Le scherzo paraît d’abord jouer avec des pizz, puis se scande d’une percussion grandiose, et son Trio « dérape » dans l’étrange, tantôt inquiet, tantôt presque attendri… Le Finale (Adagio donc) reprend la méditation dans l’immensité sans urgence. Bruckner y cite ses oeuvres antérieures (Symphonies, Messe) et l’esprit du Parsifal wagnérien, « récapitulant » sa vie, et se laisse conduire par cet « adieu » qui finit par s’affirmer en certitude en face de la lumière venant à la rencontre…

Contre les pillards et les assassins

Un autre « adieu », non pas exactement à la vie, mais au lieu de la vie : c’est pour Bela Bartok, en 1939, un an avant le départ en exil volontaire pour les Etats Unis, celui du 2nd concerto de violon. Le fascisme , qu’il voit déjà installé en son pays – avec le régime du Régent Horthy- lui fait horreur, il voit lucidement se rapprocher une main basse sur la Hongrie par les nazis allemands (« ces pillards et ces assassins »). La mort de sa mère lèvera ses derniers scrupules, et il partira en octobre 1940. C’est pour son ami Zoltan Szekely que Bartok compose ce que P.Citron nomme « un concerto de virtuose », marqué par un esprit de variations (c’est la forme que le compositeur avait d’abord décidée), qui apparaît dans les 2e et 3e mouvements. « Le chant est harmoniquement moins tendu » que dans d’autres œuvres antérieures, et Bartok intègre un « thème » de 12 sons, sans que cette présence signale son adhésion à la théorie de Schoenberg.

C’est le violoniste David Grimal qui joue cette partition de grandeur et de contrastes : un familier de l’O.N.L., au même titre que la chef australienne Simone Young…Et on peut songer que l’Orchestre aura été pendant la présence lyonnaise de Jun Märkl (elle vient de s’achever cet automne) particulièrement préparé à vivre et traduire l’esprit du grand romantique et spiritualiste Bruckner…

Lyon, Auditorium, jeudi 10 novembre 2011, 20h, et samedi 12, 18h. O.N.L. direction Simone Young, David Grimal, violon. Anton Bruckner (1824-1896), 9e Symphonie. Bela Bartok (1881-1945), 2e Concerto de violon.
Renseignements et réservations : T. 04 78 95 95 95 ; www.auditorium-lyon.com

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