dimanche 4 mai 2025

Orchestre des Pays de Savoie: Haydn, Glass, AgobetThonon (74), le 22 mai 2007 à 20h30

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Orchestre des Pays de Savoie
Haydn, Glass, Agobet

Thonon (74)
Mardi 22 mai 2007 à 20h30

Joseph Haydn: 43 ème symphonie
Philip Glass: Concerto saxophones
Jean-Louis Agobet: A shaped sharp

Orchestre des Pays de Savoie
Graziella Contratto
, direction

L’O.P.S. et sa directrice musicale Graziella Contratto pratiquent dans l’action de diffusion régionale
le mélange du classique et du contemporain : en voici un exemple, avec interventions pédagogiques nombreuses, pour un programme associant la 43e de Haydn, le minimalisme de Phil Glass et la création instrumentale du compositeur associé, Jean-Louis Agobet, avec le Quatuor de saxophones Raschèr.

Médecine : dure ou douce ?

Il fut un temps où on débattait doctement : faut-il mithridatiser l’auditeur de bonne volonté avec quelques gouttes de contemporain dans un grand verre d’eau (classico-romantique) sucrée ?, ou administrer la potion magique toute pure ? Un centrisme raisonnable prévaut désormais, en dehors bien sûr de situations festivalières univoques. La programmation en régions – avec itinérances d’orchestre éventuellement divisé – ne se conçoit guère sans cet aménagement des propositions chronologiques, qu’il faut soutenir d’une pédagogie et d’une psychologie. L’Orchestre des Pays de Savoie et sa directrice musicale, Graziella Contratto pratiquent à fond cette conception ouverte sur la réalité et la diversité des publics alpins. Dans certains cas, les programmes sont « scolarisés » (enseignement secondaire et supérieur) dans une large proportion, ou étendus à des centres sociaux, des lieux hospitaliers, des maisons d’arrêt : pour la série de mai (Haydn, Agobet, Glass), 7 interventions en milieux pédagogiques laissent au « tout-public » une seule présence. Mais cela aussi est de bonne politique, réaliste et souple, d’autant que les trois œuvres inscrites n’ont rien d’austère, et qu’elles favorisent ce travail de présentation préparatoire en ateliers tel que le proposent des musiciens de l’O.P.S, volontaires dans l’orchestre. Et le compositeur contemporain, J.L.Agobet, qui cette saison a donné pour ces ateliers, sa Ciaccona, est de nouveau en lumière pour sa partition en création.

Dieu des voleurs, des commerçants,des voyageurs ?
La référence aux temps classiques s’opère grâce à la fluidité de la pensée haydnienne. La 43 ème n’est pas l’une des plus connues dans l’impressionnant total symphonique du compositeur autrichien (la dernière, « Londres », est la…104 ème !), et pourtant comme beaucoup de ses sœurs, elle porte un surnom. Ecrite dans l’inspirante période (1768-74) du « Sturm und Drang » ,où Haydn sentit passer le vent tempêtueux et pré-romantique dont Goethe se faisait le héraut littéraire avec ses « Souffrances du jeune Werther », elle n’a pas la tension constamment angoissée de ses voisines, « funèbre » 44 ème, « passionnée » 49 ème, dramaturgiques « adieux » de la 45 ème. Mercure demeure énigmatique, et hors champ sémantique du titre. « Que venait-il faire dans cette galère » au long cours musical le petit dieu ailé des voleurs, des commerçants et des voyageurs ? La musicologie ne peut émettre que des hypothèses, et en réalité, c’est le caractère du langage qui importe ici : clarté, équilibre sonore, alacrité, tout l’allant d’un Haydn de belle humeur, même si quelques tensions de nervosité ombreuse apparaissent dans le développement de l’allegro initial et un rien de mélancolie élégante dans l’adagio. « Ne craignons pas le mélange, recherchons-le », annonce Graziella Contratto qui partagera la direction des concerts avec François-Xavier Roth, et présentera comme d’excellente coutume les intentions et les réalisations sonores. Il y a en tout cas contraste entre le propos discursif si « lumières du XVIIIe » et le minimalisme qui prend tout le temps de se répéter pour mieux t’endormir mon enfant, chez l’Américain Phil Glass. Question de tempo et d’univers mental, qui s’affirmera avec le Concerto de saxophones (en version quatuor) du compositeur dont les écritures de scène sont si liées aux envoûtements hypnotiques du théâtre aphasique de Bob Wilson…

Et c’est bien le saxophone qui constitue le lieu géométrique du concert, puisque le Quatuor Raschèr semble entrer dans la légende de l’instrument naguère inventé par Adolphe Sax, et promis à un avenir foudroyant…surtout jazzistique. Formé en 1969, ce Quatuor – sans chef, comme tout quatuor qui respecte la démocratie instrumentale – a beaucoup inspiré les compositeurs hors jazz, de Berio à Xenakis (selon l’ordre alphabétique, plus de 250 œuvres dédiées et créées…). En face de Phil Glass, voici l’à-peine quadragénaire Jean-Louis Agobet, un enfant de 68 (au sens démographique du terme, le seul politiquement correct selon le Candidat-pas-encore-Président quand ces lignes sont tracées), dont l’œuvre intéresse l’Orchestre de Savoie au point d’en faire en 2007 son « compositeur associé ». François-Xavier Roth lui-même a créé et dirigé des partitions de J.L.Agobet (en 2005, un disque Timpani), de même que l’ancien patron de l’OPS, Mark Foster (avec l’Itinéraire, en 1999, un « choc du Monde de la Musique », chez MFA-Radio France). J.L.Agobet a été « tout ensemble » pensionnaire à la Villa Médicis de Rome et associé aux activités de l’IRCAM, et ce « descendant de Debussy, de Boulez et des compositeurs spectraux » aime bien travailler pour la radio (prix Italia en 1995 pour son Rinvenuto) et la musique de film (« Gardiens de phare », un Grémillon de la fin du muet). En résidence à Montpellier et à Strasbourg, il aime composer des partitions pour enfants et adolescents (« Est-ce que vous êtes prêts ? »). Les différents états de la flûte l’intéressent tout particulièrement comme en témoignent L’étude des forces, Nuée-traces, Autour, ou Plotting ; il a écrit plusieurs partitions concertantes (piano, trios de clarinettes, violoncelle et cor), et choisit cette fois le quatuor de saxophones, à la demande de Graziella Contratto. A shaped sharp joue sur les mots anglais : un dièse (ou un tranchant, comme un coup de griffe) formé, dit l’auteur, qui souligne la réduction du matériau à de très simples éléments (un intervalle, un do dièse, un geste comme une griffure). Cette création mondiale rejoint, selon J.L.Agobet, la forme traditionnelle vif-lent-vif, et ne s’éloigne pas de l’esprit du concerto grosso classico-baroque.

Téléphone: 04 79 33 42 71 ou www.savoie-culture/ops/
Joseph Haydn (1732-1809): 43e Symphonie. Philip Glass (né en1939): Concerto pour saxophones. Jean-Louis Agobet (né en 1968) : A shaped sharp.

Crédit photographique
Graziella Contratto (DR)
Jean-Louis Agobet © Elsa Bercker

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