OPERAS. REEDITIONS remastérisées événements. Tristan (Boehm, 1966), La Traviata (Kleiber, 1977), Fidelio (Bernstein, 1978). Deutsche Grammophon réédite en format optimisé c’est à dire remastérisé conforme à la prise originale, complété pour chaque ouvrage par un Blu-ray Disc / High fidelity Pure audio, 3 jalons lyriques qui auront renforcé davantage son immense réputation comme label lyrique majeur.
BÖHM à BAYREUTH été 66… L’aventure de ce triptyque s’écrit d’abord à Bayreuth à l’été 1966 dans un LIVE saisissant de plénitude subtile, transparente et intense, délivrant un Wagner que Karajan n’aurait pas renier tant le drame, l’élégance intérieure, la pure poésie s’accomplissent de façon égale. Karl Boehm / Böhm dirige les forces vives du Festival de Bayreuth avec une distribution idéale (dans une mise en scène de Wieland Wagner, plus oratorio et austère que visuellement foisonnante. C’est surtout le geste du chef, immense straussien aussi (sa Femme sans ombre est demeurée avec celle de Karajan et Sinopoli, anthologique : grâce à une souplesse nuancée qui n’appartient qu’aux plus grands). Ici la voile symphonique détaille chaque épisode émotionnel, fait surgir la formidable psyché brumeuse et d’une volupté vénéneuse qui fait du chant orchestral, un fleuve au métal à la fois incandescent et fascinant. La soie transparente et prenante des instruments exprime ce jaillissement du tragique onirique qui ne cesse de captiver jusqu’à la fin du drame, entre mort et résurrection, ombre et lumière, Eros et Thanatos. En 1966, Bayreuth atteint un sommet artistique et affirme une belle intuition dans la coopération exceptionnelle des protagonistes : femmes ivres, abandonnées à la lyre extatique (diamant expressif de Birgit Nilsson dont on mesure l’attrait pour les élans passionnés, éperdus, radicaux ; suavité complice et féminine de la sublime Brangäne de Christa Ludwig, exceptionnellement articulée, déclamatoire, hallucinée) ; les hommes se hissent au meilleur : ivresse tendre vaincue du Tristan de Wolfgang Windgassen ; blessure noble du Marke royal de Martti Talvela, tendresse lumineuse et elle aussi incandescente du matelot de Peter Schreier… L’acte II, celui de l’extase amoureuse, où les agents de la nuit surgissent permettant aux amans maudits de s’embraser, s’unir, se transcender hors du temps et de l’espace, et d’affirmer la suprématie enchanteresse de leur union, (cd2) est de loin le plus saisissant (travail des timbres, souffle de l’orchestre, âpreté et souplesse de tout l’orchestre…), Boehm (à 72 ans) assure un accomplissement qui éclaire l’oeuvre autant que les versions légendaires elles aussi de Karajan et de Carlos Kleiber (également éditées par DG Deutsche Grammophon).
VERDI : LA TRAVIATA. Comme Boëhm en 1966, Kleiber fils en 1977 sait ciseler la tension d’un orchestre virtuose (Opéra d’état Bavarois, Munich), sachant exprimer en particulier la psyché intérieure, d’essence profondément tragique de l’orchestre : dans cette approche où prime avant tout le souffle de l’orchestre, sa capacité à installer climats et situations (souvent décrits à travers ou selon la sensibilité de l’héroïne), la puissante activités des sentiments s’inscrit au devant de la scène sonore. Dès le départ, s’insinue très subtilement le drame qui va inéluctablement, et aussi la promesse de salvation, grâce à la métamorphose de la pêcheresse qui sacrificielle, s’est sauvée elle-même (en renonçant à Alfredo et en acceptant de se laisser humilier par lui car il s’est senti abandonné et trahi lui-même quant elle l’a quitté… L’ivresse poétique – sobre et intense à la fois qui émane de l’ouverture affirme une vision magistrale sur le drame qui débute alors : la version vaut surtout par la réalisation orchestrale, véritable mise en contexte des situations acte par acte. Carlos Kleiber semble jouer sa propre vie et son salut aux côtés de la courtisane Violetta : les instruments brillent d’un feu intérieur, d’une ivresse éperdue et parfois hallucinée – qui touche même au sublime dans le prélude du III qui précède l’apparition de la pêcheresse consumée par son sacrifice mais en réalité sauvée par la pureté de ses intentions. L’agilité tendre d’Ileana Cotrubas (ailleurs très convaincante Manon de Massenet : Traviata et Manon auront été ses plus grands rôles), la sincérité du chant de Placido Domingo (Alfredo), la noblesse racée mais implacable de Germont père (Sherill Milnes) apportent leur inoubliable vérité expressive, faisant de La Traviata, un mélo touchant par la sincérité du huit-clos et l’efficacité du temps musical qui rejoint ici, comme jamais, grâce à la baguette électrisante de Carlos Kleiber, le temps théâtral.
BEETHOVEN : FIDELIO. A Vienne en 1978, Bernstein retrouve un orchestre (Wiener Philharmoniker) avec lequel le chef américain sut cultiver d’étonnantes affinités artistiques et poétiques… Soixantenaire alors, – né en 1918, le maestro du Massachussets sait imprimer une sensibilité versatile qui électrise le plus souvent les épisodes majeurs, propice à une exaltation de l’instant qui fait de son enregistrement un hymne non au désespoir mais à l’espérance et à la vie : constance, ténacité , ferveur contre l’enfermement arbitraire; voilà qui renforce le chant éperdu lui aussi et d’une belle subtilité de Gundula Janowitz, Leonore/Fidelio de braise, ardente, tendre et élégante ; la force virile éprouvée de Florestan, – René Kollo, dont le chant ardent, tendu, blessé exprime la souffrance de tous les prisonniers, injustement incarcérés, victimes de l’injustice despotique : leur duo éperdu et de délivrance au II (plage 7 : Duett « O namenlose Freude ! », à l’annonce de l’arrivée de Don Fernando, saisit par son intensité et l’intelligence des phrasés énoncés piano. Le couple plus tendre Jaquino / Marzelline : Adolf Dallapozza / surtout la lumineuse Lucia Popp, apporte l’épaisseur des seconds rôles : êtres de chair qui souffrent et interagissent avec les protagonistes contraints. Même engagement et portraits ciselés pour les hommes d’autorité : le diabolique et haineux gouverneur Pizarro (Hans Sotin, impérial, inflexible, glaçant) et le libérateur de la dernière minute, Don Fernando (Dietrich Fischer-Dieskau, articulé, embrasé, saisissant de réalisme et de sincérité… comme Lucia Popp d’ailleurs). Le puriste, soucieux du nerf dramatique regrettera une certaine mollesse à certains passages, MAIS, accordé idéalement aux voix, le chant de l’orchestre – détaillé, magistral par sa lumière intérieure et son irrépressible tension active, façonne ici un Fidelio, débordant de vie et de conflits simultanés (impétuosité et intériorité soudaine – mozartienne, des ensembles du II). L’intégration de l’ouverture Leonore III, avant le finale, est une idée géniale qui récapitule par le seul chant des instruments de l’orchestre ce qui a précédé, et inscrit la réalisation dans le symbole et le mythe universel : la fraternité vaincra toutes les épreuves nées de l’injustice et de la tyrannie. Bernstein sait distiller énergie martiale et aussi tendresse, en une fougue orchestralement irrésistible (soit 15mn d’argumentation lumineuse qui synthétise et l’esprit des Lumières, les apports les plus positifs de la Révolution française, et l’audace inouïe de l’écriture beethovénienne dont l’énergie dit une aube nouvelle pour l’humanité désireuse de se régénérer enfin – hors de la guerre et de la barbarie : un monde idéal que l’opéra et l’esprit de Beethoven ne cessent de proclamer en une prière nerveuse, ardente, déterminée : sublime ; ainsi comme un deus ex machina, autorité suprême Fernando / Fisher-Dieskau (irrépressible esprit de justice) réalise ce passage de l’obscurité, de l’obscurantisme à la lumière des fraternités rétablies / cd II, plage 8).
BONUS : outre le Blu-ray disc high fidelity pure audio, ajouté pour chaque ouvrage, l’éditeur Deutsche Grammophon soigne la publication des livres cd avec pour chacun, une notice développée comprenant présentation de l’oeuvre ou de l’interprétation par le chef concerné, résumé / synopsis de l’action, enfin livret INTEGRAL traduit en français. Que demander de plus ?
3 OPERAS EVENEMENTS, CLICS de CLASSIQUENEWS de juin 2017.
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OPERA, rééditions événements. Deutsche Grammophon : 3 livres cd comprenant les cd audio remastérisés + 1 blu-ray Disc HF Pure audio
WAGNER : TRISTAN UND ISOLDE
Windgassen · Nilsson · Talvela
Wächter · Ludwig · Heater
Chor und Orchester der
Bayreuther Festspiele
Karl Böhm (LIve Bayreuth 1966)
VERDI : La Traviata
Cotrubas · Domingo · Milnes
Malagù · Jungwirth · Gullino
Bayerischer Staatsopernchor
Bayerisches Staatsorchester
Carlos Kleiber (VIENNE, 1976 et 1977)
BEETHOVEN : Fidelio
Janowitz · Popp · Kollo · Sotin
Fischer-Dieskau · Jungwirth
Dallapozza
Wiener Staatsopernchor
Wiener Philharmoniker
Leonard Bernstein, VIENNE 1978