samedi 20 avril 2024

OPERA CONTEMPORAIN : ONLY THE SOUND REMAINS (Saariaho, 2016)

A lire aussi

KAIJA SAARIAHO, reine du Festival Présences 2017OPERA contemporain. SAARIAHO : ONLY SOUND REMAINS. En dvd et sur la scène parisienne de l’Opéra Garnier (création française du au 2018), le dernier opéra de la compositrice finlandaise, résidente en France, Kaija Saariaho s’offre au public français en ce début d’année. Occasion exceptionnelle de goûter voire se délecter d’une écriture contemporaine qui demeure totalement audible du grand public, cultivant la suggestion et l’onirisme plutôt que la démonstration tapageuse. Lors de nos divers reportage dédié au dernier festival Présences de Radio France dont Kaija Saariaho était la figure fédératrice (février 2017 : reportage vidéo Festival Présences / Kaija Saariaho), la compositrice livrait déjà quelques clés sur son nouvel opéra Only sound remains (seul le son demeure…) ; déjà elle soulignait l’importance du Kandele, sorte de luth à cordes pincées spécifiquement finnois, qui offre une résonnance particulière à l’ouvrage, en particulier dans son premier volet (puisque la partition est composé en diptyque, de deux épisodes (2 séquences inspirées du théâtre Nô / 2 Noh plays) très distincts sur le plan narratif, même si leurs univers respectifs sont semblablement suggestifs entre le rêve et la réalité). Ainsi dans le premier volet intitulé «  Always strongs », le kantele (joué par la musicienne finlandaise Eija Kankaanranta) évoque concrètement le luth (appelé Montagne bleue) que jouait Tsunemasa quand il était au service de l’Empereur.

REPORTAGE VIDEO Présences / Kaija Saariaho 10 – 19 février 2017 :
https://www.classiquenews.com/video-reportage-festival-presences-2017-kaija-saariaho-un-portrait-10-19-fevrier-2017-concert-1-je-devoile-ma-voix/

 

 
 

LE NOUVEL OPERA DE KAIJA SAARIAHO
Théâtre d’ombres et de murmures : le Fantastique réinventé

 
 

SAARIAHO-opera-only-sound-remains-opera-presentation-by-par-classiquenewsDe notre point de vue c’est bien le premier volet en effet qui met en scène le luth finnois traditionnel ou Kandele, qui reste le point le plus abouti d’un opéra qui incarne aussi une esthétique scénique et théâtrale propre, proche de Britten, en résonance parfaite avec le caractère du théâtre Nô japonais : théâtre purement fantastique, entre songe et hallucination, où le jeu d’ombres, la forme évanescente et les apparitions structurent un spectacle qui pose la question fondamentale du sens de toute forme. Dans « Always strong », Kaija Saariaho semble traiter la problématique du souvenir, sa réitération et sa mise en forme, vécues comme un surgissement qui trouble et bouleverse l’espace du réel. C’est bien tout l’enjeu de l’espace scénique du premier volet « Always strong », où les deux seuls « acteurs chanteurs » qui paraissent, semblent se dérober, s’affronter entre deux mondes séparés, avant de s’unir en un baiser, point dramatique qui conserve cependant tout le mystère présent depuis le début. L’orchestration est sombre et transparent, à la fois spectral, raffiné sur le plan des timbres associés (violon, flûte et donc kandale) quand le prêtre Giokei invoque l’esprit du joueur de luth à la cour de l’Empereur : aussitôt surgit comme une ombre flottante et de plus en plus présente, et incarné, le spectre de Tsunemasa. Musique de murmures et d’ombres, travail spécifique sur l’épaisseur du souvenir, écriture en ondes et en résonnance (« la pellicule du rêve »), la musique de Kaija Saariaho cultive la force onirique de la musique, sa concentration imaginaire à faire surgir la réalité du songe.
 
Only-the-sound-remains_17-04-06_017-1000x667En prêtre inquiet et tiraillé de plus en plus fragilisé, le baryton Davone Tines captive par son sens du chant timbré, juste, dramatiquement très précis, tandis que le contre-ténor Philippe Jaroussky fait un spectre glaçant à souhait, d’une irréalité souvent diabolique, parfaitement étrange en ses sonorités gutturales qui n’accrochent aucune consonnes. L’esthétique ne cesse de nous séduire et de nous envoûter. D’autant qu’aux sujets déjà identifiés dans cet opéra essentiellement allusif (qui peut être aussi très violent et puissant : quand le spectre prend véritablement possession du gardien qui l’invoque), se joignent de nouvelles thématiques dont celle tout autant centrale et clé dans une œuvre décidément passionnante : la mise en forme et l’incarnation même du verbe. « Always strong » aborde la question du son quand il devient musique et sens (à travers le spectre qui s’incarne), et à travers le motif même de l’apparition, est abordée avec beaucoup d’élégance comme de pudeur, la question parallèle de l’incarnation et de la représentation, aux origines mêmes de la peinture : l’art pictural est né d’un profil dont l’ombre était projeté sur le mur de la caverne primordial. Art de la ligne maîtrisé, dont Kaija Saariaho en maîtresse absolue des sons, fait une épiphanie magique et incantatoire, à la fois rite de transformation et transe énigmatique. ONLY THE SOUND REMAINS pourrait bien être un sommet lyrique contemporain, qui réconcilie le grand public avec la forme actuelle de l’écriture lyrique, cultivant les qualités premières et attendues de la musique : la séduction sonore et la force onirique de ses tableaux visuels. MAGISTRAL.

 
 
 

—————

 
 
 

ONLY THE SOUND REMAINS de Kaija Saariaho
dvd saariaho only the sound remains opera sellars de ridder dvd erato review dvd critique dvd par classiquenews erato9029575395CLIC D'OR macaron 200DVD Erato : captation de la création mondiale à l’Opéra national hollandais, Amsterdam, mars 2016. Opéra diptyque d’après le Théâtre Nô : 1, Always strong / Tsunemasa – 2, Feather Mantle / Hagoromo. Avec Philippe Jaroussky (le spectre / Spirit), Davone Tines (le gardien / Priest) – les mêmes, respectivement dans le volet 2 : l’ange / Tennin, angel, et le pêcheur / Fisherman. Dance Nora Kimball Mentzos, Dudok Quartet, Nederlands Kamerkoor. Mise en scène : Peter Sellars. André de Ridder, direction musicale. CLIC de CLASSIQUENEWS de  janvier 2018.

 
  

—————

 
 
 
Création française, PARIS, Palais Garnier, du 23 janvier au 7 février 2018. Réservations :
https://www.operadeparis.fr/en/season-17-18/opera/only-the-sound-remains

 
  
 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. LILLE, Nouveau Siècle, le 18 avril 2024. SIBELIUS : symphonie n°7 [1924] – BEETHOVEN : « GRAND CONCERTO » pour piano n°5 « L’Empereur » [1809]....

SUITE & FIN DU CYCLE SIBELIUS... La 7ème est un aboutissement pour Sibelius pour lequel l'acte de composition est...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img