dimanche 27 avril 2025

Noverre : Ballets Renaud et Armide (1760), Médée et Jason (1763)Grand reportage vidéo

A lire aussi
reportage vidéo

les ballets d’action de
Jean-Georges Noverre
Renaud et Armide, 1760
Médée et Jason, 1763
recréation avec machineries
Compagnie L’Eventail. Marie Genneviève Masset, chorégraphe
Le Concert Spirituel. Hervé Niquet, direction
Antoine Fontaine, décors et machineries
Versailles, Opéra royal les 13 et 15 décembre 2013

Ballets de Noverre
En 2012, le CMBV Centre de musique baroque de
Versailles met à l’honneur Jean Georges Noverre.
Dans
les années 1760
, avant la révolution Gluckiste, l’opéra français reçoit
un type de spectacle total, le ballet d’action dont l’excellence des
disciplines associées marque un sommet de l’écriture chorégraphique. Sur
la musique de Jean-Joseph Rodolphe, le chorégraphe Jean-Georges Noverre (1727-1810)
imagine ce théâtre parfait où le seul langage du corps dansé exprime
les mêmes passions que celle de la tragédie lyrique contemporaine. Le CMBV Centre de musique baroque de Versailles,
s’associe au Centre de musique romantique française Palazzetto Bru Zane
et restitue l’éloquence d’un genre oublié qui a marqué les esprits.

Au programme, les mêmes sujets mythologiques que l’opéra met en scène:
Médée et Jason (ballet tragique créé à Stuttgart en 1763) et Renaud et
Armide (héroï-pantomime créée à Lyon en 1760) et repris à l’Opéra royal
de Versailles en 1775.


Le spectacle présenté à Versailles
rétablit la place majeure de la danse
dans le mouvement artistique des années 1760, propre au prestige de la
Cour de France, à la fin du règne de Louis XV. L’opéra a rivalisé avec
le théâtre; c’est au tour du ballet de rivaliser et d’égaler sur le plan
esthétique et poétique l’opéra. Depuis Louis XIII, les souverains
français aiment passionnément la danse, art spécifiquement français.

En écartant tout prétexte chanté, en associant la pantomime à la danse,
en concevant le ballet comme un spectacle total, Noverre émancipe l’art
chorégraphique. Désormais, l’unité dramatique, la réalisation visuelle
et scénique (proche des tableaux d’histoire) produisent un spectacle
d’une richesse inouïe qui séduit, exalte, enseigne (ou peut parfois
terrifier comme on le lira pour Médée, dans son invocation aux
enfers…).

De retour de Londres (où il s’est fixé dès 1781), Noverre élabore
une action cohérente, dramatiquement prenante qui s’appuie sur le
déploiement et la fusion de tous les arts de la scène (sauf le chant).
Il écrit ainsi des intrigues où le divertissement est tout aussi
important que l’histoire. Peu à peu, les œuvres aborde en sujets courts
des scènes légères et comiques au prétexte pittoresque (les fêtes
chinoises, les réjouissances flamandes…): l’exotisme et le folklore
priment encore sur la vraisemblance. Puis, Noverre emprunte à la
littérature de nouveaux sujets (comiques à partir de Molière, tragiques
d’après les pièces de Crébillon). A Stuttgart, le chorégraphe gravit un
échelon supérieur en traitant les grands mythes historiques et antiques:
Agamemnon, les Danaïdes, les Horaces, et son chef d’oeuvre Médée et
Jason, présenté à Versailles dans sa version tardive de 1775.

Proche des grands plasticiens et peintres de son époque, Noverre pense
le ballet comme un tableau, privilégiant le sens général à la gestique
de détails. Lumières, costumes, décors, accessoires, mouvement,
scénographie… tout est révisé selon un plan général, une globalité
active qui fait de Noverre, le premier metteur en scène de l’histoire
des arts.

Renaud et Armide, créé à Lyon en 1760 est encore un
ballet  » ancien « : le decorum, le merveilleux et les enchantements
produits par la magicienne amoureuse inscrivent l’ouvrage dans ce
premier XVIIIè, libertin, badin, voluptueux… comme un tableau de
Boucher.
Pour autant, Noverre apporte un éclairage inédit (préromantique) sur
l’essor du sentiment amoureux qui scelle le destin final d’Armide:
l’instant où saisie par l’amour que lui suscite le beau visage de
Renaud, elle est foudroyée donc anéantie par son regard; puis son
renoncement final qui en fait une victime quand elle débutait en
triomphatrice. La métamorphose émotionnelle de la magicienne est bien le
point fort du sujet et ce que l’opéra tragique met 2h à développer et
représenter, la chorégraphie de Noverre l’emporte en une série de gestes
et mouvements qui jouent sur leur fulgurance. C’est évidemment
l’intérêt du mouvement du corps sur le temps rallongé et plus contraint
de la musique et du chant.

Jamais joué à Paris, mais à Venise puis Londres (en un véritable triomphe), Renaud et Armide incarne un premier jalon décisif dans l’écriture de Noverre, voire le premier sommet de son inspiration artistique.

Un pas supplémentaire est franchi encore avec le ballet créé à Stuttgart, Médée et Jason en février 1763,
repris à Paris non sans tapage en juin 1763 en présence de Louis XV: le
tableau des furies invoquées par Médée, amoureuse, furieuse et haineuse
qui s’abîme peu à peu dans les enfers… impressionne l’audience. La
force des pantomimes offraient aux danseurs nés acteurs, une excellente
occasion de faire valoir leurs talents; ainsi le danseur Gaëtan Vestris
(Jason) eut à cœur de défendre et de remonter l’œuvre pour de nombreuses
reprises: Vienne et Varsovie (1767), Kassel (1773), avant Londres en
1781…

Médée et Jason à l’Opéra de Versailles, 1775

L’ouvrage connaît ainsi une représentation fameuse à l’Opéra de Versailles en 1775 (pour les fêtes du mariage de Madame Clotilde), donnée comme un spectacle autonome, car souvent, le ballet n’était qu’un divertissement intercalé
entre les actes d’un opéra proprement dit…
Mise en avant légitime pour un ouvrage parfait, d’une force
expressionniste nouvelle, désormais établi dans un lieu historique
décisif pour sa reconnaissance. En 1774, le ballet de Noverre investit
la capitale au moment où Gluck poursuit sa révolution avec Alceste
conjonction esthétique de deux genres scéniques qui tous deux entendent
retrouver la violence cathartique du drame antique grec. Le baron Grimm
dans sa Correspondance littéraire de janvier 1776 avoue avoir été
impressionné par la force de Médée, «  très propre à donner une idée
de la pantomime des anciens et de l’extrême passion que les grecs et les
romains eurent depuis longtemps pour ce genre de spectacle… »
.
Tout était dit. Avec ses ballets d’exception, Renaud puis Médée, Noverre
invente le ballet moderne et réussit de son vivant, la révolution
romantique dans l’histoire de la danse à la fin du XVIIIème siècle,
accordant néoclassicisme et avant-garde.

Par la suite, Noverre cédant aux caprices des français pour la pompe et
le décorum réécrit son ballet en l’accablant de lourdeurs et longueurs
surprenantes ; parjurant ses principes modernes, le grandiose prime sur
toute autre forme pour la reprise à l’Opéra de Paris en 1780… (scène
de foules, mariage, soldatesque et marche des prêtres allongées,
enrichies…). En 1804, l’ouverture de La Toison d’or de Vogel,
de 1786, opéra sur le même thème et très fort voire violent lui aussi
dans le portrait haineux de la protagoniste fut associée aux reprises:
combinaison pertinente où la figure de Médée ainsi dépeinte s’inscrit
dans la redécouverte du mythe antique grâce aussi à Sacchini (Renaud) et
à Cherubini (Médée).







Renaud et Armide


Médée et Jason

Opéra royal de Versailles
Jeudi 13 décembre 2012 à 20h
Samedi 15 décembre 2012 à 20h

durée : 2h avec entracte

Paris, Opéra Comique
Les 21, 22 et 23 décembre 2012

Illustrations: Jean Georges Noverre (DR)

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