Uniquement accessible sur le net, la nouvelle playlist édité par Deutsche Grammophon s’affirme tel un modèle du genre parmi les « purs digitaux » (d’où l’obtention de notre label de qualité : le CLIC de classiquenews de décembre 2015) : éclectique mais cohérente, diverse et très attractive grâce à la sélection opérée d’autant plus facile à écouter que ses enchaînements sont fluides, la playlist CLASSIQUE MAIS PAS HAS BEEN par son concept originel est la playlist pour (re)découvrir les références du classique, non pas les éternels standards usés et réutilisés mais ceux moins connus qui pourtant se révèlent particulièrement attractifs voire saisissants. L’ordre, le choix, l’idée général en sont les fruits séduisants de la bloguese et journaliste Séverine Garnier, avec laquelle Classiquenews s’est entretenu (lire notre entretien à venir).
Nouvelle compilation digitale : « Classique mais pas has been »
Le HAS BEEN n’est pas CLASSIQUE
La compilation, conçue en collaboration avec Decca Records sous étiquette Deutsche Grammophon ne ressemblent pas les tubes cent fois entendus (dans des versions qui ont souvent plus de trente ans), mais souligne la grande séduction de morceaux spécifiquement choisis pour redécouvrir la musique classique. Les chefs-d’œuvre y sont interprétés par de jeunes artistes et enregistrés tout récemment pour les labels Decca et Deutsche Grammophon.
Sélection… Parmi les pépites de la playlist CLASSIQUE MAIS PAS HAS BEEN : le Printemps de Vivaldi en version remixée, une musique d’un film d’Emir Kusturica et une pièce de Nico Muhly, jeune compositeur américain de 30 ans… Piano, opéra, violon, opérette… récital, musique de chambre, grands frissons symphoniques ou vertiges de l’opéra : il y en a pour tous les goûts. Une idée de cadeau parfaite pour les fêtes de fin d’année.
CONSULTER la playlist CLASSIQUE MAIS PAS HAS BEEN
Playlist CLASSIQUE MAIS PAS HAS BEEN : genèse. Entretien avec la conceptrice de la compilation que Deutsche Grammophon propose en décembre 2015, Sévérine Garnier, blogueuse militante pour qui la musique classique, le vintage le plus tendance qui soit, a encore beaucoup de choses à nous dire… Eclaircissement sur les coulisses de la playlist, sur les critères qui ont guidé le choix des œuvres et de leurs versions sélectionnées.
A travers l’intitulé « Classique mais pas has been », qu’avez-vous souhaité démontrer ?
SG, Séverine Garnier : Il y a dix ans, alors que j’étais journaliste, j’ai trouvé un travail qui me rapprochait de la musique classique, ma passion. Je pratiquais la musique en amateur et j’avais une vision assez vague des compositeurs, des artistes, des œuvres… ce que les médias grand public en montraient, c’est à dire une toute petite partie de l’iceberg ! En travaillant dans ce milieu, j’ai découvert deux choses : d’abord, on s’y plaignait d’un public vieillissant, on évoquait le passé glorieux de la musique classique en soupirant de nostalgie. Pourtant, ce fut ma deuxième constatation, les interprètes étaient souvent très jeunes. Je rencontrais des artistes exceptionnels qui n’avait que 25 ans – mon âge à l’époque. Ils étaient prêts à défendre des compositeurs moins connus comme Charpentier ou Scriabine, à parler au grand public de leur passion, mais n’avaient pas ou peu de visibilité dans les médias. Les directeurs de journaux faisaient la moue quand on évoquait le classique et je ne comprenais pas pourquoi. Pourtant, cela ne chagrinait personne de voir un article sur l’indémodable petite robe noire de Chanel (1926) ou sur le retour de la marinière ! Je me suis dit : la musique classique c’est le vintage par excellence ! Un œuvre écrite en 1715 est toujours jouée. Cette idée est au cœur de ma démarche journalistique, celle que je veux défendre dans les articles que j’écris dans la presse régionale et nationale généraliste. J’ai ouvert un blog en 2010 et lui ai donné ce titre : Classique mais pas has been !
De combien de plages différentes est composée la Playlist ? Quelle est sa durée ?
SG : La playlist « Classique mais pas has been – Deutsche Grammophon » sera vendue à partir du vendredi 27 novembre en format digital. Elle sera disponible sur les plateformes de téléchargement tels que iTunes et Quobuz au prix de 8,99 ttc. Nous avons sélectionné 45 pistes… un petit clin d’œil au 45 tours pour le côté vintage ! Elle dure un peu moins de 4 heures. On pourra également l’écouter gratuitement sur les sites de streaming – Spotify et Deezer – mais pas en intégralité : le 27 novembre, 25 titres seront disponibles et nous ajouterons 5 titres chaque vendredi jusqu’à Noël… un calendrier de l’Avent en quelque sorte !
Dans quels fonds d’archives puise la compilation ?
SG : Universal m’a ouvert les catalogues des labels Decca et Deutsche Grammophon… Vous imaginez ? Ce sont les deux plus importants labels de classique du groupe. Les plus grands interprètes y sont représentés, un répertoire très large aussi. Que choisir ? Qui choisir ? Dans la lignée du propos de Classique mais pas has been, je ne voulais pas réaliser une nouvelle compilation du type de « J’aime pas le classique mais… ». J’ai constaté que, dans ces compilations, on retrouve non seulement les même œuvres, les chefs-d’œuvre connus d’un grand nombre de mélomanes, mais surtout les mêmes versions : La « Chevauchées des Walkyries » dirigée par Karajan, les « Scènes d’enfants » de Schumann par Martha Argerich, etc.
Comment avez-vous composé le contenu ? Selon quels critères ?
SG : J’ai volontairement écarté les parutions datant de plus de dix ans. Pour certains artistes, ce fut un vrai dilemme… mais le but était de surprendre, de faire des propositions différentes, de mettre la jeune génération en avant, comme les chanteuses Julie Fuchs ou Pumeza. Certes, il y a des « tubes » parus dans ces dix ans dont je ne voulais pas me passer, « Pourquoi me réveiller » de Jonas Kaufmann par exemple. La règle établie est la suivante : les chefs-d’œuvre sont interprétés par de jeunes musiciens, tandis que les musiciens plus célèbres offrent des œuvres plus rares ou surprenantes. Par exemple : « Rhapsody in blue » est joué par Benjamin Grosvenor et le « Concerto pour violoncelle » d’Elgar par Elisa Weilerstein. Voilà pour les « tubes ». Et pour les stars : Max Emmanuel Cenčić chante un air de Hasse et Nemanja Radulovic joue un extrait de la bande originale d’un film d’Emir Kusturica. J’ai aussi essayé de mettre en avant des compositeurs de tous les siècles : Praetorius (né en 1571) et Nico Muhly (né en 1981). Plutôt que de faire entendre la partition originale des « Quatre saisons » de Vivaldi, j’ai préféré choisir cette œuvre dans la version classique/tendance électro de Max Richter.
Comment assurer à la fois l’unité, la cohérence et la continuité des séquences ?
SG : Puisqu’il n’y a pas de thématique commune, je ne sais si l’on peut parler d’unité. En 45 pistes, j’ai essayé de balayer un spectre très large : il y a beaucoup de piano mais aussi de la mandoline et de la clarinette, du lyrique et du symphonique, du baroque et du contemporain. Surprendre pour provoquer l’écoute. Avec l’équipe d’Universal, nous avons joué sur une alternance de genres et sur des rythmes différents. J’ai souhaité par exemple commencer par un extrait des « Variations sur un thème de Paganini » de Rachmaninov par le pianiste Daniil Trifonov… la piste dure 18 secondes ! La playlist termine sur une piste de 17 minutes qui est surement la plus longue de la compilation. Les pistes sont en moyenne de 4 ou 5 minutes. Je n’ai pas mis de concerto en entier et j’ai même coupé la Sonate en si mineur de Liszt… sacrilège ! J’ai bien sûr demandé son accord à l’interprète, Claire-Marie Le Gay.
A qui s’adresse cette Playlist ?
SG : Le succès des compilations évoquées plus haut montre qu’il y a un public demandeur d’une porte d’entrée dans cet océan qu’est le classique… soit cinq siècles de compositions ! C’est encore plus vrai pour les utilisateurs de Spotify, Deezer, etc. Pour le genre classique, ces sites sont assez fournis mais le référencement est très incertain. Devez-vous chercher « Scènes d’enfants » ou « Kinderszenen » ? « Rachmaninov » ou « Rachmaninoff » ? Le soliste ou le chef ? etc. Bon courage pour trouver le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg ! Ces sites sont faits pour un format de musique lié à la pop : un groupe ou un artiste, un titre. Résultat : on passe à côté des versions les plus belles. Il faut un fil d’Ariane pour commencer ou poursuivre la découverte de ce style de musique si puissant qu’est le classique : la Playlist « Classique mais pas has been » est faite pour ca.
Propos recueillis par Alexandre Pham