vendredi 29 mars 2024

Niobe de Steffani à Versailles et à Paris

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niobe-une-evasion-steffani-582-570Versailles, Paris : Niobe de Steffani, les 22 et 24 janvier 2015. Même en version de concert, ce pourrait être en complément de l’intérêt que lui manifesta récemment la mezzo romaine Cecilia Bartoli, le vraie réhabilitation d’Agostino Steffani (1654-1728), contemporain de Haendel et comme lui, génie lyrique, doué d’une sensualité prenante souvent irrésistible (ses duos de chambre fut sa spécialité). L’Opéra royal de Versailles, le 22 janvier, puis le TCE à Paris présentent son opéra le plus célèbre et le mieux fini, Niobe (créé à Munich en janvier 1688), avec une distribution prometteuse qui compte entre autres Philippe Jaroussky  et surtout Karine Gauvin dans le rôle-titre (les deux chanteurs ont abordé le rôle d’Amphion et de Niobe dans une production non scénique, entre autres à Brême en novembre 2013).

 

 

 

Niobe ou l’orgueil puni

 

A l’époque de Niobe, Steffani occupe à Munich le poste de directeur de la musique de la chambre. Il a déjà composé un opéra antérieur Marco Aurelio en 1681.
La reine de Thèbes paya très cher son arrogance vis à vis des dieux : Artemis et Apollon tuèrent ses enfants pour la punir d’une telle insulte faite aux divinités. Son époux Amphion se suicide et Niobe est elle-même changée en pierre d’où coulent ses larmes maternelles. Que peuvent de simples mortels, fussent-ils couronnés contre la loi outragée des dieux ? La production est dirigé par le luthiste Paul O’dette et Stephen Stubbs : le premier est directeur du festival de musique ancienne de Boston (Boston early music Festival, BEMF) où le spectacle a pu être créé dès 2011 puis rodé et affiné pour sa tournée européenne actuellement à l’affiche de 2015.
Cecilia Bartoli avait tôt senti les possibilités de caractérisation dramatique du personnage de la reine tragique : Niobe incarne comme Didon ou Armide, ses femmes fortes, détruites et même anéanties dans la résolution du drame.
On note l’influence de l’opéra français (ballets et danses à la fin des actes et au moment clé (prière d’Amphion au II). Mais Steffani brille à Munich parce qu’il y importe la sensualité raffinée de l’opéra italien et l’on compte pas moins de 60 arias ! C’est dire la facilité et le talent du musicien visiblement inspiré par la lyre dramatique en particulier comme ici, tragique. Evêque-diplomate, envoyé et mandaté dans les plus grandes cours européennes au profit du Vatican, le vénitien Steffani réalise une brillante synthèse entre les styles italien et français.

Dans l’opéra, Steffani brosse le portrait émouvant des rois thébains : la dignité maudite de Niobe, parfois ténébreuse mais digne et déterminée : c’est ici la rivale de Créonte, le roi de Thessalie), comme l’éclat pathétique de son époux, Amphion (Sfere amiche au I).
Le couple des souverains de Thèbes a été favorisé par le sort : Niobe est fille de Tantale dont elle hérita du courage ; Amphion était fils de Jupiter et brille par son intelligence et ses dons de musiciens : mais trop gâtée, la reine succombe au péché d’orgueil et refuse par fierté de sacrifier à Leto : Latone, mère des frère et sœur : Apollon et Diane/Artemis. Les deux enfants outragés tuent les 7 fils de Niobe. Ovide dans ses Métamorphoses fixe le mythe de Niobe et il ajoute un autre affront fait aux dieux : Niobe se vanta d’avoir eu plus de fils que Latone : 7 enfants forts et prometteurs, les autres étant 7 filles soit 14  » Niobides « au total ! Il n’en fallait pas davantage pour Latone offusquée de se venger à l’endroit précis où Niobe l’avait blessée. Frapper la mère en tuant moitié de sa progéniture.
Emu par la douleur de Niobe et la cruauté de son sort, Zeus (son grand père) la change en pierre d’où jaillit des larmes éternelles…

 

 

 

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CD. En complément aux représentations de janvier 2015 à Versailles et Paris, Erato publie l’enregistrement de l’opéra Niobe avec les mêmes interprètes dans les rôles royaux, Philippe Jaroussky et Karine Gauvin. Prochaine critique complète sur les valeurs de la partition et l’engagement des chanteurs dans le mag cd de classiquenews…

 

Niobe d’Agostino Steffani (1654-1728)
Opéra en trois actes. Livret de Luigi Orlandi, d’après Les Métamorphoses d’Ovide.
Créé au théâtre de la cour de Munich pendant la saison du carnaval 1688.

Karina Gauvin,  Niobe
Philippe Jaroussky,  Anfione
Teresa Wakim,  Manto
Christian Immler,  Tiresia
Aaron Sheehan,  Clearte
Maarten Engeltjes,  Creonte
Jesse Blumberg,  Poliferno
José Lemos,  Nerea
Colin Balzer, Tiberino
Orchestre du Boston Early Music Festival
Paul O’Dette et Stephen Stubbs,  direction

 

 

 

le 22 janvier à l’Opéra royal de Versailles, 20h
en version de concert

le 24 janvier 2015 au TCE à Paris, 19h30
en version de concert

 

 

Illustrations : Steffani, Les enfants de Niobe massacrés par Jacques Louis David, 1772 (DR)

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