lundi 12 mai 2025

Nikolaï Lugansky: Janacek, Prokofiev, Liszt, Rachmaninov… Verbier 2008 (1 dvd Medici Arts)

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Nikolai Lugansky
Piano impérial

Né le 26 avril 1972, le pianiste russe Nikolai Lugansky s’est imposé sur la scène pianistique non sans raison. On connaît l’excellent chambriste (d’une retenue voilée lorsqu’il faut mettre en avant le chant de son partenaire, avec par exemple le nom moins convaincant violoncelliste Alexandre Kniazev chez Chopin et Rachmaninov, son compositeur favori), perfectionniste et en quête d’une simplicité essentielle, fuyant la pure virtuosité sauf si elle sert l’intériorité des oeuvres

Le meilleur interprète actuel de Rachmaninov, son père spirituel dont il admire autant l’oeuvre que la carrière triste, solitaire, celle d’un incompris à son époque, -personnalité plutôt réservée voire timide, a commencé très tôt le piano donnant son premier concert à l’âge de 8 ans. Lauréat en 1994 du prestigieux Concours International Tchaïkovski (Moscou. 2è Prix, pas de 1er Prix cette année), l’élève de la regrettée Tatiana Nikolajeva, son professeur de piano, et son mentor, se « dévoile » ici l’espace de ce court mais consistant récital enregistré lors du Festival de Verbier 2008. Joueur d’échec et aussi transcripteur de Wagner (Le Crépuscule des dieux)

Tension, intériorité: d’emblée la musique n’est pas une affaire légère: le poids d’un Rachmaninov qui a quitté son pays natal dès 17 ans pour ne jamais plus le rejoindre, son âme profonde et sombre, purement mélancolique, pèse durablement. Geste concentré, mais charisme évident grâce à un toucher captivant. Caractérisation et totale implication du son, et quel son, impérial sans froideur, noble et racé avec un sens des liaisons confondant, une architecture qui se dégage dans la continuité souple du flux digital. Tant d’évidence et de naturel dans le jeu s’impose depuis une unité du corps avec l’instrument qui se manifeste immédiatement.
Aucun effet de manche, pas l’ombre et le scintillement d’une pause décorative: on aime justement ses Beethoven ou ses Rachmaninov car il ne concède rien à la facilité: cadre précis, palpitation intériorisée, magicienne dans sa simplicité ascétique et son essence purement classique. Car Luganski à n’en plus douter est un immense classique dont les doigts humbles mais combien puissants et agiles font sonner comme personne Brahms, Beethoven, et son dieu… pardon son mentor, Rachmaninov.

Le concert de Verbier 2008 (15è festival) est original à bien des égards: le pianiste russe, qui est aussi le Roi de la Roque depuis plusieurs années, joue en Suisse, des compositeurs certes familiers (Rachmaninov), mais d’autres différents et même nouveaux qui élargissent son répertoire: Prokofiev, Liszt.

Jeu percussif mais si admirablement mesuré, le pianiste souligne tout d’abord dans les 4 premiers morceaux du Roméo de Prokofiev, l’étoffe des marches parodiques qui s’égrènent en filigrane, -staccato expressif et quasi martelé, mécanique, grimaçant- mais quand vient l’émotion des amants « avant le départ » (pièce finale de la sélection), l’intensité du jeu se gonfle, suspend son vol et exprime l’indicible embrasement des coeurs en extase.

Même suprême tenue et vision architecturée pour les Liszt. Tempêtes et crépitements en un engagement qui construit l’architecture progressive des Etudes d’exécution transcendantes (successions d’état de plénitude d’Harmonies du soir): toujours la simplicité et le naturel sont préservés dans un jeu décanté voire essentiel. Y compris dans les élans chopiniens de la dernière étude (en fa mineur): houle émotionnelle qui tend, ailleurs, à submerger l’interprète.

Pas de récital Lugansky sans Préludes de Rachmaninov: en voici donc 3, entre lesquels se glisse une étude de Chopin (en fa majeur opus 10 n°8: d’une frénétique énergie): respectivement sol majeur, puis mineur (panache guerrier gonflé et conquérant comme un scherzo qui compte aussi ses élans lyriques et tendres) enfin, sol dièse mineur: climats suspendus, flottants, mélancoliques d’une innocence perdue mais espérée. Jamais le pianiste ne se dévoile, distinct, singulier, intérieur et sincère dans Rachmaninov.

Nikolai Lugansky joue le Concerto pour piano n°1 de
Rachmaninov, le 31 octobre 2009, Salle Pleyel à 20h
. Tournée
avec le Russian National Orchestra. Mikhail Pletnev, direction

Nikolaï Lugansky, piano: récital Janacek, Prokofiev, Liszt, Rachmaninov… 17ème festival de Verbier 2008 (1 dvd Medici Arts)

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