française de la production créée en Suisse, au théâtre Vevey, le 30
octobre 2010. Même en saison « allégée » (avec moins de productions que les années passées, pour cause de travaux), Angers Nantes Opéra ne cesse de défendre les créations et la richesse des écritures contemporaines. Avec L’Enfant et la nuit, nouveau spectacle donné en création française ce 24 janvier 2012, l’objectif est clairement atteint, d’autant qu’en plus de favoriser le style accessible et efficace d’un jeune auteur, il s’agit aussi de sensibiliser le genre lyrique aux plus jeunes spectateurs.
Nuit magique
Fidèle à son action d’accessibilité de l’opéra aux spectateurs de demain, le théâtre nantais accueillait dans l’après-midi (séance à 14h30) plusieurs classes de très jeunes lyricophiles (non pas lycéens mais élèves des cours élémentaires des écoles de Nantes et d’Angers). Tous les scolaires sont préparés à ce qu’ils peuvent voir et écouter: l’histoire; les personnages; les lieux de l’action, les sujets et les thèmes abordés (la séparation et la solitude, la nuit, la peur et la manipulation, mais aussi le rêve et l’onirisme, le courage et le rire…); c’est tout un monde sonore et visuel qui s’offre au regard. Mais il ne s’agit pas d’un énième spectacle pour enfants: la poésie et la qualité littéraire du livret, le profil de certains caractères produisent une oeuvre forte, à destination d’un très large public, adultes et enfants: le chasseur tueur de rêves et d’anges (Mister W: Martial Defontaine) comme le clown triste dépressif rendu à la vie et au rire (Yorick: épatant Basile Dragon)… sont deux figures hautement délirantes et touchantes qui justifient ce basculement dans l’illusion et les épreuves à la façon d’un rite initiatique; saluons les deux formidables interprètes de ces deux rôles totalement passionnants.
Franck Villard (né en 1966) a composé la musique à partir du conte d’Olivier Balazuc, lequel assure la mise en scène du spectacle. Le héros de ce conte nocturne mi fantastique mi féerique est Virgile qui exige un jeune acteur chanteur rompu aux exigences de la scène et du chant; le jeune garçon (Yann Bescond) s’impose ici par son aisance scénique, un jeu naturel dont chaque phrase sonne juste; face à lui, le couple des manipulateurs, la reine Noctilia (Sandrine Sutter) et Evariste son médecin légèrement hystérique (Franck Leguérinel), compose un duo savoureux qui inscrit aussi l’action dans la pure comédie.
Sur scène, placés de chaque côté des planches, deux pianos et quelques percussions font tous les éclairs et les accents d’une partition lyrique et expressive, riche et diverses dans ses formes (berceuse, duos, récitatifs…), aux danses multiples (tango, foxtrot, valse, habanera…)… Outre les 3 chanteurs professionnels (Noctila,Evariste,Mister W), le choeur est assuré par la Maîtrise de la Perverie (Nantes) qui poursuit ainsi une collaboration féconde passée par Tosca et qui se réalisera derechef avec La Bohème (présentée à Nantes et à Angers en avril et mai 2012).
Musicalement, le compositeur assure la direction: c’est un travail d’orfèvre qui suppose un équilibrage minutieux entre tous les instruments, adapté surtout au chant si fragile de l’enfant Virgile. La machinerie centrale avec ses changements à vue (conçue par Pierre-André Weitz, partenaire familier des productions d’Olivier Py) régale le spectateur: néons, miroirs, escaliers… la traversée de Virgile, de la nuit inquiétante jusqu’à l’aube salvatrice se déroule avec ses rencontres terrifiantes et ses pièges camouflés. En une heure de temps, assez pour vaincre les chimères et les épouvantails d’une nuit atypique, tout l’imaginaire lyrique entre rêve et cauchemar se déploie. Dans la salle les enfants spectateurs adhèrent à une action qui les met en scène… Il n’est pas de meilleure réalisation pour réussir l’invitation à l’opéra.
En
core 4 représentations à Nantes, Théâtre Graslin (les 25 et 27 janvier 2012), puis à Angers, Grand Théâtre (les 1er puis 3 février 2012) pour découvrir ce joyau lyrique pour petits et grands. Gallimard jeunesse publie simultanément aux représentations à l’affiche d’Angers Nantes Opéra, le livre illustré comprenant l’intégralité du texte d’Olivier Balazuc, les dessins de Emmanuel Polanco et 1 cd contenant l’enregistrement de la partition de Franck Villard (L’Enfant et la nuit, Gallimard Jeunesse Giboulées).