Musiques de Beauregard
Du 25 au 29 juin 2008
Un petit festival dans le cadre mozartien de l’Orangerie à Beauregard : en peu de concerts, de Juan Vasquez à Jean-Philippe Rameau, en passant par le harpiste irlandais Carolan et Joseph-Pancrace Royer, une programmation précieuse en cadre de nuits d’été, sous les étoiles…
Un petit-grand festival, in et off
Lyon-sud (et rive droite du Rhône), c’est pour les habitants de l’agglomération une référence hospitalière peu contournable (encore que très encombrée), mais culturellement les choses paraissent moins glorieuses. Certes, se profile de plus en plus nettement « Confluence » (du Rhône et de la Saône), vaste quartier où l’artistique – notamment avec un Musée multi-objets – se fera grandiose, certes et depuis longtemps le Théâtre de la Renaissance à Oullins est foyer culturel déterminant, certes des points plus précis animent le paysage, tels l’Espace Musical de l’Ecole de Pierre-Bénite ou plus encore le Sémaphore d’Irigny se consacrent en continu à l’art des sons. Mais à la jonction du printemps et de l’été, un « petit et court festival » attire, pour la 5e année, un public mélomane. Le territoire communal est celui de Saint-Genis-Laval, et à côté de bâtiments d’architecture passe-partout-sans-qualités ( église paroissiale, chapelle des Frères Maristes), invite en un lieu dont nous rappelions ici même la possible et enchanteresse allusion au parc des Noces de Figaro mozartiennes. Beauregard – les restes d’un château XVIe en site admirable, et, restaurée, son Orangerie voûtée qui abrite des concerts « donnant sur » la terrasse et le Parc – est devenu un lieu important de pré-festival estival, consacré aux musiques anciennes, et dont les initiateurs ont voulu qu’il conjugue les invitations « prestigieuses », dans le cadre du Gotha baroque, et demande à interprètes plus « résidents rhône-alpins», ainsi qu’une « synergie autour d’un projet pédagogique avec les écoles de musique et les primaires de la ville », réalisé en « off » pendant le Festival.
Une histoire de Seminario
L’Europe est à nouveau, cette année, franco-germano-hispano-italienne, et que les électeurs l’aient voulu ou non, irlandaise…Des retrouvailles d’abord, entre Gérard Lesne et l’un de ses plus anciens amis du Seminario Musicale, Bruno Cocset. Gérard Lesne, c’est il y a 25 ans la révélation française puis internationale d’une grande et très originale voix de haute-contre, en fait venue d’autres horizons, jazzistiques et rockeux, et passionnée par l’enseignement de René Clemencic, William Christie et Philippe Herreweghe. Une certaine façon d’aborder le barocco-classique français, et d’aborder à d’autres rivages, tout en gardant le sens du collectif que son Seminario ne tardera pas à illustrer dans des répertoires qui se consacrent prioritairement à la découverte de « l’ancien ». La basse continue d’une belle et perpétuelle invention , on continuera à l’écouter dans un programme où chaconnes, passacailles alterneront avec des folies que content les airs de cour des Espagnols, des Anglais, des Italiens et des Français renaissants et baroques. La veille, l’Orangerie aura fait mûrir les fruits dorés cueillis dans les jardins d’Italie (Vivaldi, Scarlatti, Geminiani) et de France (Barrière, Rameau, Royer) par les Basses Réunies de Bruno Cocset. Ce violoncelliste, autodidacte de son instrument auquel l’initia ensuite Christophe Coin, est l’un des plus sensibles et passionnés baroqueux de sa génération, travaillant 16 ans avec Gérard Lesne au Seminario puis avec Jordi Savall, et vivant une carrière qui ne l’a pas empêché de se consacrer au groupe fondé avec ses partenaires Emmanuel Jacques et le claveciniste Bertrand Cuiller, et à l’enseignement. L’intérêt de son concert réside aussi dans les superbes partitions des Français moins connus (que Rameau), Jean Barrière et l’étonnant Pancrace Royer.
Rêve de Carolan et rayonnement de Koopman
Il y aura aussi le roc inébranlable de toute musique ancienne et contrapuntique, cet Art de la Fugue que le Père Bach plaça au cœur de toute réflexion à la fois conceptuelle (le choix instrumental en est laissé libre) et émotionnelle (par un génial paradoxe, ce Traité d’écriture provoque aussi une admiration sensible éperdue…). Et pour l’Orangerie, les clavecinistes néerlandais sont Tini Mathot, et l’infiniment connu Ton Koopman, l’un des maîtres absolus de la 2nde génération des baroqueux européens. Claviériste universel (orgue, clavecin…), musicologue et chercheur, Ton Koopman est aussi devenu l’un des grands chefs du mouvement, fondateur de son Amsterdam Baroque Orchestra. Et si le qualificatif « rayonnant » a jamais eu un sens, il s’applique admirablement à ce musicien si chaleureux, bouleversant d’enthousiasme, de joie et d’humanité. Le 4e concert, les lecteurs de classiquenews ont récemment été incités à l’écouter au disque : c’est le portrait du harpiste et compositeur aveugle Turlough O’Carolan, un Irlandais baroqueux fervent de musique italienne, révélé par l’alliance de l’Hostel-Dieu (Franck-Emmanuel Comte) et des « folkeux » (lyonnais) du Garlic Bread. Ce plein air aura pour cadre l’espace scientifique de l’Observatoire, un lieu où l’on peut aussi rêver en contemplant les étoiles, en songeant à l’univers de solitude habitée par le Rêve (Dream) de Carolan…Et des astronomes commenteront après le concert la carte du ciel.
S’instruire en et sur musique, on sera invité à le faire joyeusement en compagnie de la claveciniste Maija Massinen, du Quintette à vent Pro Arte, (comme, en préfiguration, le 7 juin, de l’organiste Jean-Luc Perrot, secondé par le Chœur d’enfants de Saint Genis Laval). Allez, beau(x) regard(s) sur un paysage baroque du sud lyonnais !
Festival des Nuits de Beauregard, Saint-Genis-Laval (69). Mercredi 25, jeudi 26, vendredi 27 juin à 21h ; dimanche 29, à 17h. Off : vendredi 20 juin, 20h30 ; dimanche 22, 15h. J.S.Bach (1685-1750), Art de la Fugue ; J.Vasquez (1500-1560) ; A.Vivaldi (1678-1741), D.Scarlatti ( 1685-1757) ; G.Frescobaldi (1583-1643) ; J.barrière (1707-1747) ; J.P.Rameau (1683-1764) ; T.O’Carolan (1670-1738) ; J.N.P.Royer (1705-1755)… Renseignements et réservations : T. 04 78 86 82 00 ; [email protected]
Illustrations: Ton Koopman et Pancrace Royer (DR)